Convertir une voiture à essence à l'électricité : la SAAQ n'est pas toujours d'accord

Imaginez le scénario suivant : Jean-Guy de Terrebonne doit faire du ménage dans son garage. Il y retrouve sa Corvette 1980 avec le V8 5,7 litres, mais avec 190 hp et des carburateurs brisés, elle n’est plus tant utilisable. Il lui vient l’idée loufoque d’enlever la vieille mécanique pour y mettre une motorisation électrique.

Après tout, la Corvette sert surtout à aller prendre une crème molle l’été. Ses REER peuvent bien être utiles pour financer ce projet, non? Mais attention!

Convertir une voiture à l’électricité est beaucoup plus complexe que de visser un pack de batterie de Tesla avec quatre vis auto-perçantes M10 et un tournevis à percussion (impact gun). Il y a une série de normes et règlements à respecter pour la conversion artisanale d’un véhicule et la SAAQ a son mot à dire.

Photo: Marc Lachapelle

Quelques consignes de la SAAQ parmi les plus importantes

Avant de débuter le projet, le propriétaire du véhicule doit communiquer avec la direction générale de l’expertise légale et de la sécurité des véhicules de la SAAQ afin d’obtenir l’autorisation de débuter le projet. Dans le cas d’une conversion électrique, cette dernière exigera un rapport d’ingénieur sur les modifications effectuées.

La masse totale du véhicule ne doit pas dépasser le poids nominal brut du véhicule (PNBV). Au-delà de la masse nette du véhicule (ce qu’il pèse à vide), le PNBV est le poids maximal du véhicule une fois totalement chargé avec les passagers, les bagages et autres poids ajoutés (ex : un support à vélo). Pareillement, le véhicule ne doit pas dépasser le poids nominal brut par essieu établi par le fabricant. 

 

Il faut respecter la répartition de la masse d’origine : ainsi, si un véhicule a une répartition de poids de 60/40, il faut distribuer le poids des nouvelles composantes de manière à maintenir une distribution adéquate de l’effort de freinage.

Les systèmes d’assistance au freinage (brake booster) et à la direction (power steering), si présents sur le véhicule d’origine, doivent être conservés.

Photo: Marc Lachapelle

Les batteries doivent être solidement fixées au châssis afin de pouvoir résister à une force d’arrachement équivalente à 20 g longitudinalement, 15 g latéralement et 10 g verticalement. Pour donner un ordre de grandeur, 20 g représente une collision dans un mur avec une vitesse initiale de 50 km/h, en supposant que le véhicule a une zone d’absorption de 50 cm. À titre d’exemple, une zone d’absorption peut être l’espace en porte-à-faux devant l’essieu avant, incluant le pare-chocs. Les batteries ne devraient pas non-plus se retrouver dans cette zone d’absorption, car la déformation ou perforation pourrait engendrer un risque d’incendie (comme la Pinto). La valeur de 20g est un minimum, le concepteur d’utiliser des boulons d’un grade supérieur avec une plus grande résistance au cisaillement, ou d’en multiplier leur nombre.

Évidemment, toute modification à la structure (que ce soit soudure ou perçage pour les trous de boulons) doit être approuvée par un ingénieur, car cela peut affecter l’intégrité du châssis.

Photo: Jaguar

Le câblage de haute tension (identifié par la couleur orange) doit être suffisamment isolé et protégé du châssis et des autres éléments conducteurs. De plus, les câbles de haute tension ne doivent pas causer d’interférence avec les fils de communication du véhicule. En effet, une haute tension génère un champ magnétique pouvant brouiller le signal des fils à basse tension. Sachant que les câbles de communication CAN opèrent en bas de 5V, ces derniers sont particulièrement sensibles au champ électromagnétique, donc il faut éviter de les fixer à proximité du système de haute tension.

Note aux excentriques amateurs de modifications loufoques : il est interdit d’ajouter une génératrice à essence ou diesel afin de prolonger l’autonomie. Le but est quand même de convertir un véhicule à zéro émission, et ajouter un moteur sans catalyseur va « légèrement » à l’encontre de ce principe.

Pour les véhicules fabriqués après le 1er septembre 1998, le propriétaire du véhicule doit documenter et prouver que les coussins gonflables se déploient normalement et selon les mêmes conditions qu’avant sa conversion.

-Dans le cas d’une conversion artisanale, un rapport d’ingénieur basé sur des analyses par éléments finis doit accompagner le dossier de modification à la SAAQ

-Dans le cas d’une conversion à but commercial (i.e. plus d’un véhicule destiné à la revente), la SAAQ exige des essais de collision (le fameux crash test).

Photo: Adobe Stock

Vu l’absence de bruit, le convertisseur doit prévoir une alarme de recul et un klaxon de proximité. À titre d’exemple, les autobus électrique Lion C ont le « dou-Dou-DOU » du métro de Montréal comme avertisseur de proximité lorsqu’ils roulent à basse vitesse. Tesla est allé plus loin avec son fameux Boombox qui permettait de faire jouer n’importe quel son à l’extérieur, mais a dû l’enlever suite à une plainte du NHTSA. L’histoire ne dit pas si les normes de Transport Canada permettent un tel « excès de créativité ».

À bord du véhicule, le propriétaire doit conserver une marche à suivre écrite sur le démarrage et l’utilisation du véhicule converti. Dans cette procédure, on doit également préciser comment désactiver la haute tension en cas d’urgence ou de réparation : ainsi, on doit localiser le connecteur de déconnexion de service manuelle (manual safety disconnect, MSD) ou la boucle d’ouverture d’urgence (emergency cut loop).

Finalement, le rôle d’assureur public de la SAAQ exige un certain contrôle des véhicules qui se retrouvent sur la route. Pour chaque mécanicien consciencieux, il y a plusieurs brochets qui n’hésiteraient pas à mettre en circulation des brouettes avec un moteur qui tient avec des tie-wraps.

Si certains d'entre-vous se sentent capables de se lancer dans un tel projet, bonne conversion!

À voir aussi : Porsche GT4 e-Performance : 2 tours dans une voiture électrique de 1 073 chevaux!

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