Concept Mercedes-Benz C112 : l’occasion manquée

Au Salon de Francfort 1991, Mercedes-Benz présentait le futur des supercars, en combinant performances et technologie à tous les étages. La C112 promettait d’être plus efficace, plus fiable et de mieux tenir la route que la concurrence. Les clients se sont enflammés mais le futur n’a pas eu lieu comme prévu.

Le développement de la Classe S de série W140 a commencé en 1981. Tout allait bien jusqu’à ce que BMW lance sa nouvelle Série 7 E32 en 1986 et lui installe un V12 en 1987. Évidemment, Mercedes se devait de répliquer et montrer à ces empêcheurs de dominer en rond qui étaient les patrons. La W140 aura donc un V12, le premier de la marque monté dans un modèle de route, le M120 (un moteur que l’on retrouvera plus tard dans la Pagani Zonda).

Aéro et dynamique

Et quoi de mieux pour marquer les esprits que de présenter un concept de supercar dessiné autour de ce moteur? D’autant que Mercedes a un riche passé dans lequel il peut puiser, notamment les concepts C111 des années 60 et 70. Les travaux débutent en 1988 au studio de design avancé (DAS), sous la direction de Bruno Sacco. Héritage oblige (300 SL et C111), les portes papillon s’imposent. Elles utilisent de gros vérins d’assistance pour leur déploiement, sur simple pression d’un bouton, et sont conçues pour être pliées pour accéder à l’intérieur en cas de retournement.

Autour d’elles, les designers Harald Leschke et Joseph Gallitzendörfer choisissent des lignes efficaces, inspirées de la concurrence (comme les Mercedes C11 d’endurance par exemple). La carrosserie est en aluminium avec des pare-chocs en kevlar. Finalement, après avoir passé pas mal de temps en soufflerie, la C112 offrira un Cx de seulement 0,30 et bénéficiera d’éléments aérodynamiques actifs. Le spoiler avant, intégré au pare-chocs, peut s’abaisser selon la vitesse. L’aileron arrière reste replié à haute vitesse afin de réduire la traînée et se relève (grâce à des vérins hydrauliques) pour générer de l’appui en courbe ou servir d’aérofrein en cas de besoin (en s’inclinant jusqu’à 45 degrés). Le tout est géré par ordinateur. De larges diffuseurs sont intégrés au pare-chocs arrière. Seules trois entrées d’air sont visibles : une à l’avant (radiateur et refroidissement des freins avant) et deux sur les côtés (alimentation en air du moteur, radiateur d’huile et refroidissement des freins arrière).

Photo: Mercedes-Benz

Le dessin du châssis, réalisé sous la direction technique de Karl Hoehl, puise aussi ses origines chez la concurrence. Il est de type monocoque en aluminium riveté et collé avec une cage de protection en acier. Il est pensé dès le départ pour passer les normes de collision. Les roues en 17 pouces proviennent de chez Speedline alors que Brembo fournit les freins. La C112 ne possède cependant aucun coffre et aucune roue de secours.

La fée informatique

Le V12 de 6 litres M120 trône en position centrale arrière. Il engendre une puissance de 402 chevaux (à titre comparatif, une Ferrari Testarossa de 1991 produisait 380 chevaux) et est couplé à une boîte manuelle à 6 rapports spécifiquement dessinée pour la C112.

Mais étonnamment, ce n’est pas le plat de résistance de l’auto. Non, Mercedes veut démontrer sa supériorité technique et installe une flopée de technologies innovantes… pour l’époque. La plus importante est la suspension ABC (Active Body Control) qui fait appel à des amortisseurs hydrauliques à commande électronique pour contrôler le roulis, modifier la hauteur de caisse et ajuster les caractéristiques de tenue de route (de sous-virage à survirage selon le choix du conducteur).

Photo: Mercedes-Benz

La C112 est la première Mercedes à en bénéficier (le premier modèle de série à la recevoir sera la Classe CL C215 en 1999). Autre curiosité, la direction aux roues arrière mais uniquement pour améliorer la stabilité à haute vitesse et non pas pour faciliter les manœuvres (Mercedes la nomme Cybernetic Steering). Il y a aussi l’ABS, l’ASR (antipatinage), un moniteur de pression des pneus et un régulateur de vitesse avec radar. L’intégration de tous ces systèmes les uns avec les autres gardera les ingénieurs éveillés durant de nombreuses nuits.

Le confort n’est pas en reste puisque l’intérieur est entièrement tendu de cuir, il y a la direction assistée, les sièges chauffants, la climatisation, les vitres électriques… et un radiocassette Blaupunkt Mexico. On est loin du dénuement de certains autres supercars

Photo: Mercedes-Benz

Une fois les plans finalisés, la construction est assurée chez le carrossier italien Coggiola, à Turin. Le produit final pèse 1 571 kilos (répartition de 42% sur l’avant et 58% sur l’arrière), ce qui ne l’empêche pas de réaliser le 0 à 100 km/h en 4,9 secondes et d’atteindre une vitesse de pointe de 309 km/h… sur simulateur uniquement.

Rater le bateau

Comme prévu, la C112 fait son effet au Salon de Francfort, en septembre 1991. Le concept est apprécié pour ses performances, sa sophistication, ses caractéristiques de sécurité et son confort. Il apparaît qu’il pourrait être rapidement homologué partout à travers le monde (grâce au M120, il peut passer les normes de bruit suisses ou bien les normes de pollution américaines sans difficulté).

Photo: Mercedes-Benz

L’histoire se répète. Comme pour la C111 II en 1970, Mercedes reçoit des chèques d’acheteurs enthousiastes… pas moins de 700! Et pas de simples dépôts, certains chèques allaient jusqu’à 1,5 million de marks allemands (soit environ deux millions de dollars canadiens d’aujourd’hui). Devant les micros, le nouveau patron de la division automobile de Daimler-Benz, Jürgen Hubbert, déclare que différentes options sont évaluées pour une production en petite série. Les ateliers suisses de Peter Sauber, qui fournit les C11 Groupe C à Mercedes, pourraient être utilisés. Mais la C112 a été développée sous la direction du prédécesseur de Hubbert, Werner Niefer. Hubbert a d’autres ambitions pour la marque et, malgré les ponts d’or de la clientèle, décide de ne pas aller plus loin. Et comme la C111 II, le projet C112 s’efface en silence…

Mais quelle occasion manquée! Quelques mois plus tard, en mai 1992, McLaren présente sa légendaire F1 à Monaco. Son V12 de 6,1 litres fourni par BMW allait mettre tout le monde d’accord! Alors, c’est qui les patrons?

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