Fargo 1947, un rayon de jeunesse

On a beau dire que le Canada est quasiment un état des États-Unis (sauf le Québec, mais ne  nous embarquons pas dans un tel sujet…), n’empêche que notre vaste pays possède plusieurs particularités. Par exemple, dans le monde de l’automobile, certaines marques ont été crées uniquement pour les Canadiens. Les marques Meteor et Buick-McLaughlin ne sont que deux exemples. Souvent, les amateurs de voitures anciennes ajoutent le nom de Fargo à cette liste. À tort! Enfin, presque…

En 1928, Chrysler décide d’ajouter une ligne de camions commerciaux à sa gamme. La Fargo Motor Corporation vient de naitre. Cependant, il ne s’agit pas des premiers camions Fargo. Entre 1913 et 1922, une firme de Chicago, la Fargo Motor Car Company fabriquait des camions. Curieusement, le nom choisi par Chrysler pour sa nouvelle filiale ne proviendrait pas de cette entreprise mais plutôt du nom de la ville de Fargo dans le Dakota. Il aurait été proposé (donc choisi…) par le vice-président aux ventes de Chrysler, Joe N. Fields, qui avait débuté sa carrière dans cette ville. Peut-être aussi que le nom Fargo référait à la Wells Fargo, une entreprise de transport créée en 1852 et reconnue pour sa fiabilité et sa régularité…

Partout dans le monde!

En 1928, année de la création de Fargo, Chrysler, qui est aussi propriétaire de Graham, acquiert en plus la Dodge Brothers. Beau problème sur les bras… Dodge, Graham et maintenant Fargo fabriquent des camions! La gamme Graham est rapidement abandonnée. Dodge et Fargo continuent mais, au début des années 30, la dépression économique oblige Chrysler à réviser ses positions. Puisque les camions et camionnettes Dodge se vendent mieux que les Fargo, on décide que cette dernière marque sera dédiée à l’exportation mondiale. On retrouve donc des Fargo à peu près partout dans le monde sauf… aux États-Unis où ils sont fabriqués (Detroit, Michigan)! L’adoption d’un globe terrestre comme mascotte de radiateur est amplement justifiée!

En fait, les camions Fargo sont des copies de produits Plymouth. Ah, oui, c’est vrai, il y a aussi Plymouth dans cette histoire… Car Chrysler devait permettre à ses concessionnaires américains Chrysler / Plymouth d’avoir une camionnette dans leur catalogue! Donc, les Fargo sont des copies de Plymouth, elles mêmes des copies de Dodge, et ils sont composés de pièces provenant à la fois de Plymouth, Chrysler et DeSoto.

Au Canada, la situation est un peu différente. À partir de 1935, pour permettre à ses concessionnaires canadiens Plymouth / Chrysler de présenter une gamme de camions, Chrysler appose un logo Fargo et un avant un peu différent sur des camions Dodge. Et le tour est joué!
Pour cette « nouvelle » marque, plusieurs noms auraient été avancés : McLeod, MacKenzie et Fraser. Mais puisque les écussons et les moules imprimant le nom « Fargo » sur les accessoires et les pièces de la carrosserie étaient déjà créés, pourquoi ne pas en profiter? Puisque le marché est prometteur et qu’il existe déjà des usines chez-nous, les Fargo distribués au Canada y sont construits. En 1936, on retrouve, au Canada, des camions Fargo de ½, 1, 1 ½ et 2 tonnes. En 1937, apparaît un 3 tonnes. Puis, en 1939, Fargo dévoile un 4 tonnes, qui sera toutefois construit aux États-Unis.

Au début, on ne peut pas dire que les consommateurs canadiens se ruent sur les produits Fargo (la première année on en vend seulement 864!) mais, rapidement, les choses s’améliorent même s’ils ne deviendront jamais de « gros » vendeurs : 1824 unités en 1937, 1327 en 1938. C’est durant la deuxième Guerre mondiale que les usines Fargo américaines et canadiennes fabriquent le plus de véhicules : plus de 6 000.

Même si les ventes des Fargo ne sont pas extraordinaires, les gens apprécient leur style un peu plus raffiné que celui des Dodge. Il faudra attendre deux ans après la fin de la seconde Guerre mondiale pour que la gamme Fargo soit renouvelée. 1947 marque donc la fin de la première génération des Fargo qui avaient quand même été un peu revampés en 1939.

Un Fargo familial

Gilles Lamoureux, de Granby, possède un très beau Fargo ½ tonne 1947. Gilles n’est pas un maniaque de voitures anciennes, ni de camionnettes. Alors pourquoi avoir restauré un vieux Fargo? En fait, ce n’est pas un vieux Fargo, c’est un vieux Fargo familial! Laissons-le nous expliquer : « En 1947, mon père avait acheté un Fargo flambant neuf pour les besoins de notre ferme. Quand il est décédé, en 1954, ma mère a vendu la ferme et tout ce qui s’y rattachait, y compris la camionnette. Puis, le nouveau propriétaire s’en est servi jusqu’en 1969 et l’a usé à la corde pour ensuite l’abandonner au fond de la grange. Par un bel après-midi de 1998, je suis retourné sur les lieux de ma jeunesse et, en faisant le tour des vieux bâtiments, je suis tombé sur cette épave, cachée sous une montagne de débris. Le propriétaire me l’a donnée… à condition que je l’en débarrasse!»

Le vieux Fargo ne vaut même pas les 200$ demandés par la remorqueuse. Personne ne veut même en faire la restauration! Mais Lamoureux raconte son histoire et parvient à toucher le cœur d’un restaurateur qui accepte de rebâtir le véhicule. S’ensuit une restauration de 2 000 heures étalées sur cinq ans. Aujourd’hui, à voir le résultat final, on comprend que Gilles Lamoureux a eu raison de suivre son cœur!

Entre 1948 et 1972, les Fargo perdront peu à peu des caractéristiques qui les différenciaient des Dodge. Durant les années 60, Fargo et Dodge sont annoncés ensemble et, à partir des années 70, aucune différence cosmétique n’est perceptible. Au Canada, rappelez-vous, la marque Fargo avait été créée pour que les concessionnaires Plymouth / Chrysler puissent vendre des camions, comme leurs collègues Dodge. La marque Fargo demeurera en production jusqu’en 1972 et sera, durant tout ce temps, étroitement liée au sort de Dodge. Après, ce sont les produits Plymouth qui prendront la relève aux États-Unis. De notre côté nordique de la frontière, les gens de chez Plymouth / Chrysler peuvent maintenant vendre des camions Dodge sans problèmes, créant ainsi des franchises Plymouth / Dodge / Chrysler.

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