Ford Expedition / Lincoln Navigator, maître es utilité

Tel que publié dans le Guide de l'auto 2010

Il n’y a pas encore si longtemps, Ford tenait deux discours. Je me souviens du Salon de Los Angeles en 2007. Au début de la journée, Ford avait tenu une conférence de presse qui nous apprenait à quel point l’entreprise tenait à l’environnement, bla, bla, bla, presque rien sur les camions, pourtant sa spécialité. Tout de suite après, en entrant dans le kiosque de Ford, surprise! Une petite Focus perdue entre une Fusion NASCAR, deux ou trois F-350 modifiés et deux Mustang aussi puissantes qu’un Boeing 767. Bref, beaucoup de paroles, mais pour les actions, on repassera!

C’était il y a presque trois ans. Depuis, le marché du camion et du VUS grand format a lamentablement chuté et tout le monde cherche désormais un véhicule qui consomme peu et surtout, pollue peu. Dans ces conditions, il serait normal que Ford abandonne ses gros véhicules pour mieux se concentrer sur ses voitures moins gourmandes. Mais ce serait une erreur de tomber dans l’autre extrême. Il reste des gens qui ont besoin d’un véhicule pouvant transporter plusieurs personnes et leurs bagages et passer dans des chemins difficiles tout en tirant une lourde remorque. Comme Ford est depuis longtemps passé maître dans l’art subtil (et ce n’est pas de l’ironie) du gros camion, pourquoi ne pas continuer d’offrir les Expedition et Navigator à une clientèle fidèle et experte en la matière?

Intimidation subtile

Le Ford Expedition est le plus gros VUS vendu par Ford au pays et le Navigator est son pendant chez la prestigieuse marque Lincoln. Les deux sont proposés en versions régulière et allongée et comme la version régulière est déjà très longue, imaginez celle qui est allongée! La principale différence entre les deux marques se situe au niveau de la carrosserie et de l’équipement, nécessairement mieux nanti dans la Lincoln. La grille avant de l’Expedition ne pèche pas par excès de délicatesse, donnant au véhicule une gueule intimidante qui lui sied très bien. Celle du Navigator donne plutôt dans la douceur, mais ce n’est pas tout le monde qui apprécie son design.

L’Expedition (et le Navigator aussi) est gros. Dans sa version « retenue », il mesure 5227 mm, soit 1,9 voiture smart! Et dans sa livrée Max (L pour le Navigator), il s’allonge sur pas moins de 2,1 smart, soit 5621 mm. Si ces données vous impressionnent, attendez de voir l’aiguille de la balance faire un burnout. Le plus « petit » Expedition pèse plus de 2600 kilos, tandis qu’un Navigator L en fait plus de 2800. Ça en fait des smart, ça!

Si de telles dimensions font pleurer les écolos, elles amènent par contre un habitacle vaste comme un studio de cinéma et confortable comme une loge de star. Et grâce au talent des designers qui ont réussi à équilibrer les lignes intérieures, on ne se sent pas au volant d’un yacht, même si les jauges sont grosses et que la console est à peu près aussi large qu’une autoroute à quatre voies. L’ensemble est esthétique, bien agencé, les matériaux sont généralement de bonne qualité dans l’Expedition et de très bonne qualité dans le Navigator. Les sièges s’avèrent confortables, le grand volant se prend bien en mains et les différents boutons et commandes sont bien placés, quoique certains boutons situés à l’extrême droite soient trop éloignés. Curieusement, la visibilité, autant vers l’avant que vers l’arrière, est très bonne. Bien entendu, on ne recule pas au volant d’un tel mastodonte comme on le ferait avec une Chevrolet Aveo!

Les sièges de la deuxième rangée sont faciles d’accès et selon la configuration choisie (banquette ou sièges baquets), ils permettent à sept ou huit personnes de prendre place à bord. La troisième rangée est relativement aisée à rejoindre et l’espace ne fait pas défaut, ce qui aurait été surprenant! Dans la version Max, c’est surtout le coffre qui gagne de précieux litres. N’ayez crainte, les bagages de sept ou huit personnes y entreront! Sauf si une de ces personnes est Paris Hilton.

Comme Éric Lapointe dans ses pires moments

Pour déplacer un véhicule dont le poids se rapproche de celui de la Place Ville Marie, on ne fait pas appel à un moteur de tondeuse. Ford a donc confié à son V8 de 5,4 litres et 300 chevaux la tâche de défier les lois de l’inertie. Curieusement, le Lincoln, pourtant plus luxueux, donc plus dispendieux, a droit au même nombre de chevaux. Que ce 5,4 litres puisse entraîner une telle masse de 0 à 100 km/h en moins de 10 secondes tient du paranormal. Et il le fait dans une sonorité envoûtante qui empêche le propriétaire d’entendre les pièces de deux dollars tomber de l’échappement… Mais ce n’est pas le moteur qui impressionne le plus. La transmission automatique à six rapports effectue un boulot extraordinaire même si elle ne peut contenir la consommation exagérée du moteur.

Avec son rouage 4x4 sérieux et son châssis de camion, le duo Expedition / Navigator ne se laisse pas intimider par le premier venu. Mais ce n’est pas un Jeep TJ non plus. Ses dimensions gargantuesques lui nuisent en conduite hors route. D’ailleurs, il est plutôt conçu pour les sentiers boueux et les chantiers de construction. Si j’étais propriétaire d’un tel véhicule, l’idée de mettre près de 60 000 $ dans la boue et les ronces m’intimiderait un petit peu… Mais cela n’affecte sûrement pas les entrepreneurs en construction, le marché cible de l’Expedition. Outre ce marché et celui des particuliers, mentionnons que plusieurs de ces paquebots sont modifiés pour devenir des limousines ou des véhicules officiels de certains gouvernements.

Malgré un comportement routier agréable, un habitacle confortable et des capacités de remorquage exceptionnelles, le duo Expedition / Navigator n’en a sans doute plus pour bien des années. Je ne serais pas surpris que Ford, qui connaît ce marché mieux que quiconque, travaille déjà sur une version tout aussi capable mais moins accro à l’essence.

Feu vert

Habitacle aussi vaste que confortable
Capacités de remorquage exemplaires
Performances relevées
Excellent comportement routier
Volume de chargement exceptionnel (Max et L)

Feu rouge

Consommation d’alcoolique en rechute
Dimensions intimidantes
Valeur de revente en chute libre
Pointé du doigt par les écolos

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