Studebaker Lark Daytona 1963: Sauvée d'une mort certaine

En 1963, la situation de Studebaker, un des derniers manufacturiers automobiles américains indépendant, était pour le moins intrigante. Alors que du côté américain, l’entreprise tirait le diable par la queue, la situation financière de l’usine canadienne, située à Hamilton en Ontario, se portait relativement bien. Mais c’était surtout grâce à différents stratagèmes de distribution de voitures d’autres marques (Volkswagen entre autres) mis en place par le président de l’époque, Gordon Grundy, que la production de voitures survivait.

Les problèmes de Studebaker avaient commencé après la deuxième guerre mondiale, terminée, tout le monde le sait, en 1945. Jouissant jusque-là d’une certaine immunité, tout comme quelques autres indépendants tels Nash, Hudson ou Packard, Studebaker faisait sa petite affaire. Durant les années 50, flairant un marché qui leur échappait, les trois Grands américains qu’étaient (et que sont encore) les General Motors, Ford et Chrysler se mirent à modifier leurs modèles de plus en plus rapidement. Les petits joueurs ne pouvaient suivre ce rythme effréné puisqu’ils n’avaient pas les moyens financiers de revoir, année après année, leur outillage et leurs usines. Ils ne durent leur survie qu’aux fusions (Nash/Hudson en 1954- à l’origine d’American Motors et Studebaker/Packard, aussi en 1954). Mais ces nouvelles entités boitillèrent jusqu’à la fin de leurs activités respectives, prouvant ainsi que deux négatifs donnent rarement un positif.

Nouvelle, mais pas trop…

Cependant, dans ce déluge de mauvaises nouvelles, certains produits de ces manufacturiers ont traversé le temps, signe qu’une fleur peut pousser dès qu’il y a une fente dans l’asphalte. En 1959, Studebaker dévoile la série Lark, porteuse d’avenir. Pourtant, en y regardant de plus près, l’œil avisé remarque que la partie centrale de la Lark (toit et portières par exemple) provient de la génération précédente, présentée en… 1953! Les Studebaker se vendent de moins en moins, en partie à cause de l’agressivité des grands manufacturiers mais aussi à cause de décisions plus ou moins judicieuses, ou victimes d’un mauvais « timing » (design souvent trop différent, nouveaux modèles qui arrivent trop tard, etc).

1962 voit arriver une nouvelle série chez Studebaker, la Lark. Cette dernière est loin d’être reléguée au rang de figurante et la voiture de tête des 500 Milles d’Indianapolis de cette année-là est nulle autre qu’une Lark Daytona cabriolet!

En 1963, année où toute l’attention du public est portée vers la nouvelle, révolutionnaire et malheureusement en retard Avanti, la gamme du manufacturier de South Bend en Indiana comprend aussi les séries Standard, Heavy Duty, Regal, Custom, Lark Daytona et Gran Turismo Hawk, cette dernière étant, tout comme l’Avanti, particulièrement attrayante. Pourtant, bien que ces modèles aient été passablement plus chers que leurs contemporains, la voiture qui est produite en plus petite série chez Studebaker est la Lark Daytona cabriolet avec seulement 1 015 unités. En trouver une au Québec qui ait passé l’épreuve du temps relève pratiquement du miracle!

Le mot « miracle » est particulièrement bien choisi quand on sait que son propriétaire actuel, Jacques Fournier de Victoriaville, a passé une bonne partie de sa vie à détruire des voitures… spécialisé qu’il était dans la récupération de métal. Alors des voitures, il en a « écrapou »! Heureusement que notre homme avait appris à conduire sur une Lark 1963, ce qui, plusieurs années plus tard, allait sauver la vie d’une Lark Daytona cabriolet! Après une restauration passablement exhaustive où la recherche de plusieurs pièces l’a emmené aux États-Unis, Jacques Fournier pouvait enfin profiter de sa voiture, acquise en 2000.

En plus d’avoir été produite en très petite série, la Lark Daytona qui fait l’objet de ce reportage a droit à un V8 de 289 pouces cubes de 225 chevaux et à une transmission manuelle à quatre rapports (au lieu du six cylindres 170 pouces cubes de 112 chevaux et de la manuelle à trois rapports à la colonne qui constituaient l’équipement de base d’une Lark Daytona). Selon Jacques Fournier, les 225 chevaux sont amplement suffisants pour déplacer avec célérité sa voiture de 3 240 livres (1470 kg). Sa voiture possède des freins avant à disque, une option à l’époque... même si les tambours étaient reconnus pour mieux freiner!

Ça sent la fin

Malgré les Lark Daytona cabriolet, Gran Turismo Hawk et l’Avanti, la fin approchait pour Studebaker. Le 31 décembre 1963, l’usine de South Bend en Indiana ferme définitivement ses portes et la production est rapatriée au Canada. À partir de 1965, les moteurs sont fournis par General Motors mais leur adaptation dans les modèles existants ne se fait pas sans heurts, autant techniquement que financièrement. Brooke Stevens, le célèbre designer américain, dessine ce que pourraient être les Studebaker 1967. Pourtant, malgré les efforts de Grundy pour garder l’usine ouverte, Studebaker s’éteint officiellement en mars 1966.

Mais avant de fermer définitivement cet important chapitre de l’automobile, notons qu’en 1963, Brooke Stevens prend une Lark Daytona cabriolet comme celle de Jacques Fournier et la transforme en un concept car qui fera la tournée des Salons automobiles. Cette création deviendra rapidement une légende.  Son nom?  Excalibur!

Ce texte a déjà été publié dans le Guide de l'auto édition magazine de juillet-août 2011.

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