Aston Martin Vanquish, la trilogie du plaisir

Tel que publié dans le Guide de l'auto 2004

On ne se lasse pas d'admirer sa ligne envoûtante, on se régale de la sonorité exquise de son moteur V12 et on se délecte de l'agrément de conduite pas loin de l'ivresse qu'elle offre. Plaisir des yeux, plaisir des oreilles et plaisir des sensations, l'Aston Martin Vanquish nous propose une trilogie inoubliable. Méticuleusement construite à la main à raison de 300 exemplaires par année, c'est une voiture rare, sinon exclusive, qui se laisse désirer. Malgré tout, j'ai eu le rare bonheur d'en attraper une au vol ici même au Québec pour un essai inoubliable. Son propriétaire tient à garder l'anonymat, mais rien ne m'empêche de vous entretenir en long et en large de mon séjour au volant de cette anti-Ferrari.

Jusqu'à cette année, il eût été impensable, voire sacrilège, de comparer une Aston Martin à une Ferrari. Ces belles anglaises étaient certes très engageantes mais, au-delà de leurs irrésistibles silhouettes, on ne trouvait pas tout à fait le même raffinement que chez leurs cons?urs italiennes. Tout a changé depuis l'arrivée de la Vanquish, la première véritable nouvelle Aston depuis que la petite marque anglaise évolue dans le giron de Ford. Encore plus ravissante que ses devancières, elle allie la sophistication et la haute performance à une qualité d'exécution qui lui permet d'accéder au plateau des supervoitures de cet univers. La Vanquish a même reconquis James Bond, qui après quelques escapades en BMW, a repris le volant d'une Aston Martin dans son dernier thriller Meurs un autre jour. Avec une grosse poignée de dollars (autour de 350 000) et beaucoup de patience (les délais de livraison ne cessent de s'allonger), vous pourrez vous aussi rouler sur les traces du célèbre agent secret et découvrir la version britannique de la Ferrari 575 Maranello.

Un pur délice

Ayant fait l'essai de la 575 à quelques semaines d'intervalle, je ne pouvais m'empêcher de les comparer. Et j'avoue que j'aurais beaucoup de mal à décider laquelle j'achèterais si le petit Jésus voulait bien faire de moi un gagnant de Loto-Québec. La Ferrari possède sans doute un léger avantage sur la Vanquish en chiffres absolus, mais l'Aston me semble moins intimidante, plus civile en utilisation quotidienne. Avec son V12 6 litres de 460 chevaux, elle n'est pas avare de performances, loin de là, mais elle se prête aussi le plus simplement du monde à un style de conduite parfaitement décontracté. Il suffit d'appuyer sur un bouton logé sur la console centrale pour faire passer la boîte de vitesses séquentielle en mode automatique et le tour est joué. Cette boîte, précisons-le, provient du même fournisseur que celles de Ferrari, la firme italienne Magneti-Marelli, et son fonctionnement m'est apparu moins brutal que dans la Maranello. Même en mode séquentiel, avec des passages de vitesse bouclés en un clin d'?il (240 millièmes de seconde), les changements de rapport se font plus en douceur. Et quel délice que d'entendre la brève montée en régime qui accompagne chaque vitesse en rétrogradant ! Un peu plus et on se prendrait pour un pilote de course qui maîtrise parfaitement l'art du pointe-talon en fonÇant vers l'épingle du circuit Gilles-Villeneuve.

En avant la musique

Si le V12 Aston ne gagne pas la bataille des accélérations contre celui de la Maranello, il réussit l'exploit, pas facile, de le devancer au palmarès de la sonorité. Le petit concert qui émane du moteur de la Vanquish dès qu'on appuie sur le bouton « start » sur la console centrale est un vrai bonheur pour l'oreille. Les « musiciens » de chez Cosworth ont carrément battu leurs homologues de chez Ferrari à leur propre jeu.

Comme celle de la Ferrari, la « cambio corsa » (boîte de course) de cette Aston Martin a recours à des palettes placées à portée de la main de chaque côté du volant. On monte les rapports du côté droit et on rétrograde en tirant sur la palette de gauche. Quant à la marche arrière, elle s'enclenche en tirant simultanément sur les deux palettes pour passer au point mort et en appuyant sur un petit bouton placé sur la console centrale.

Maniable malgré tout

Si la Vanquish réplique brillamment à la 575 Maranello côté moteur et transmission, elle ne se laisse pas intimider non plus au chapitre du comportement routier. D'une exemplaire rigidité, l'ensemble châssis-carrosserie fait appel à un mélange d'aluminium et de fibre de carbone, une combinaison qui a un effet bénéfique sur la tenue de route. Malgré son poids et son format, la voiture fait preuve d'une maniabilité étonnante en conduite sportive. Même une Boxster S ne réussit pas mieux. En laissant l'antipatinage faire son travail, on dénote une petite dose de sous-virage lorsqu'on aborde une épingle à vive allure. Sans assistance électronique, toutefois, le plaisir monte d'un cran et notre Vanquish devient plus agile avec de légères dérobades du train arrière facilement rattrapées par une judicieuse application de la puissance.

Les énormes pneus de 19 pouces font bien leur travail sans pourtant avoir une incidence négative sur le confort. Sous ce rapport, la voiture m'a semblé légèrement mieux adaptée que la Ferrari aux imperfections du revêtement. La suspension est ferme, c'est certain, mais jamais éprouvante, tandis que la carrosserie fait la sourde oreille au piètre état du réseau routier québécois.

Rien à voir

La seule véritable critique que l'on puisse adresser à cette Aston Martin a trait à la visibilité. Il y a d'abord le pilier A (le montant gauche du pare-brise, si vous aimez mieux) dont les dimensions importantes gênent la visibilité de trois quarts avant. En revanche, il est rassurant de constater que si jamais l'inévitable devait se produire (un ou plusieurs tonneaux), le toit de la Vanquish ne risque pas de s'affaisser sur les occupants de la voiture. Par ailleurs, l'immense lunette arrière contribue à rehausser l'apparence de l'auto, mais sa très forte inclinaison vous empêche carrément de voir ce qui se trouve directement derrière la voiture. C'est là un handicap majeur, surtout quand vient le moment de se garer.

Certains diront que la console centrale est trop protubérante et qu'elle empiète dans l'habitacle, mais il faut avoir conduit la voiture à quelques reprises pour se rendre compte qu'il s'agit plutôt d'un avantage que d'un inconvénient. Les nombreuses commandes qui y sont alignées sont plus faciles d'accès pour le conducteur qui n'a pas à s'étirer le bras pour actionner le démarreur ou pour utiliser le bouton de la marche arrière. Et tant pis si certains commutateurs ressemblent à s'y méprendre à ce que l'on a déjà vu dans certains autres produits Ford. Après tout, Ferrari utilise bien certaines composantes de Fiat et personne ne s'en plaint. La présentation intérieure n'en demeure pas moins soignée avec des sièges mi-cuir, mi-suède qui non seulement se révèlent confortables, mais vous retiennent parfaitement en place dans les virages. Et la barre en aluminium qui orne les contre-portes ajoute un côté high-tech qui n'est pas déplaisant. Finalement, même si la Vanquish se présente comme un coupé 2+2, il s'agit essentiellement d'une deux places puisque la banquette arrière est plus symbolique qu'autre chose. On l'utilisera comme espace complémentaire pour les bagages compte tenu que le coffre a un volume limité à 240 litres ou à deux sacs de golf et à un parapluie aux couleurs Aston Martin qui a son emplacement réservé.

La voiture griffée

Et pour finir d'impressionner la galerie, il suffit d'ouvrir le capot et d'y pointer la petite plaque en métal soulignant que la construction du moteur a été assurée par Stuart Bull. Bref, du cousu-main. Avec ses lignes irrésistibles, son moteur qui chante et ses performances hors du commun, l'Aston Martin réussit à marier les plus beaux attributs d'une authentique voiture sport à ceux d'un coupé grand-tourisme de grande classe. Sur l'échelle du plaisir de conduire, je lui donne 5 sur 5.

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