Lincoln Town Car, pour votre dernier repos !

Tel que publié dans le Guide de l'auto 2004

Si je me fie à mon dictionnaire, anachronisme signifie « attribution à une époque de ce qui appartient à une autre ». Il n'est donc pas faux de qualifier cette grosse berline d'anachronique puisqu'on tente de nous la faire passer pour un modèle contemporain alors que son architecture de même que sa présentation sont d'une autre époque. S'il est vrai que les grosses berlines de luxe d'origine américaine ont déjà été considérées comme la référence dans le domaine, elles ont été sérieusement distancées depuis belle lurette par les européennes et les japonaises tant sur le plan de la qualité générale que du raffinement mécanique.

Si la division Cadillac tente de rompre avec son passé avec des modèles comme la CTS, Lincoln a délaissé la Continental et doit compter sur l'intéressante LS et la vétuste Town Car pour défendre les couleurs de la marque. Et la conjoncture n'est pas tellement favorable alors que la compagnie Ford navigue sur des eaux agitées en plus d'être déjà propriétaire de marques de prestige telles Aston Martin, Jaguar et Range Rover, sans oublier Volvo.

C'est donc une Town Car un peu laissée pour compte qui a eu droit à plusieurs améliorations esthétiques et mécaniques l'an dernier. Ce ne fut pas une refonte de fond en comble puisque les dirigeants nous ont avoué ne pas avoir eu les budgets suffisants. Ils ont préféré consacrer davantage de moyens à l'intégration d'une suspension arrière indépendante au Navigator. On voit bien les priorités : le gros VUS est dorénavant doté d'une suspension moderne tandis que la berline la plus luxueuse chez Lincoln utilise un essieu qui semble avoir été subtilisé à un F-150 !

Cette similitude avec une camionnette ne se limite pas à l'essieu arrière. Le châssis autonome est de type à longerons et si ces éléments sont faÇonnés par pression hydraulique depuis l'an dernier, cette architecture est carrément vétuste. Les ingénieurs ont pris la peine de rigidifier toute la partie avant avec des points d'ancrage de suspension plus solides tandis qu'un sous-châssis léger et rigide accueille le V8 4,6 litres de 239 chevaux. Il est vrai que ce moteur est en alliage et à arbres à cames en tête, mais il montre de plus en plus de difficulté à affronter la concurrence. Par exemple, dans l'Infiniti M45 qui pourrait intéresser une clientèle similaire, le V8 de 4,5 litres développe 101 chevaux de plus tout en profitant d'une consommation de carburant inférieure. Inutile d'insister.

Limousine toujours !

L'une des raisons de ce conservatisme sur le plan mécanique est le fait que trois Town Car sur cinq sont achetées par des entreprises de limousines, de pompes funèbres et pour d'autres utilisations spécialisées. La présence d'un châssis autonome facilite les modifications du véhicule et le moteur possède davantage de couple que de puissance, un atout dans la circulation, tandis que l'essieu arrière rigide permet de charger davantage de bagages. La silhouette assez rétro est également appréciée des voituriers de tout acabit.

Lincoln perdrait des ventes à coup sûr sur le marché des véhicules funéraires si les stylistes décidaient de jouer la carte de l'excentricité. Il est facile de critiquer, mais il faut au moins tenir compte du contexte. Bref, de par sa clientèle actuelle, la Town Car est devenue ni plus ni moins qu'un véhicule spécialisé, que se procurent aussi des individus qui apprécient ses dimensions du temps d'Elvis et qui aiment croire qu'une suspension souple est le nec plus ultra en fait de raffinement. D'ailleurs, il suffirait aux ingénieurs de calibrer différemment les ressorts pneumatiques pour éliminer le roulis de caisse en virage et pour donner de bonnes manières sur la route à cette relique du passé. La direction à pignon et crémaillère constitue une touche de modernisme qu'il ne faut pas oublier de mentionner. Toutefois, ce qui est encore plus digne de mention est la linéarité de cette même direction. Fini le flou et le manque de feed-back des modèles antérieurs !

Depuis que J. Mays a pris la direction du stylisme chez Ford, il a accordé une attention particulière à la présentation des tableaux de bord. Prenons celui du Navigator : il transpire la précision, le luxe et le raffinement. Encore une fois, il semble que ce soient les meilleurs stylistes qui ont planché sur le « Nav » et les stagiaires sur la « TC », pour emprunter un certain jargon branché. Il est vrai que la planche de bord est plus élégante qu'avant et que l'attention aux détails de même que la qualité des matériaux ont été fortement améliorés, mais vous avouerez que certains guichets automatiques ont plus de style. Encore une fois, c'est une histoire de goût !

Ces considérations sont bien secondaires puisque dans 60 % des cas, vous serez assis sur la banquette arrière alors qu'on vous conduira à l'aéroport ou à des funérailles. Soulignons au passage que les places arrière sont confortables tandis que la version L avec son empattement allongé de 15 cm offre davantage d'espace pour les jambes et confirme la vocation utilitaire de cette Lincoln.

Même si cette considération risque de ne pas vous affecter, il faut donner crédit aux ingénieurs qui ont réussi à améliorer grandement le comportement de la voiture en lui offrant une tenue de cap dorénavant exemplaire. Les accélérations ne sont pas musclées, mais peuvent quand même être qualifiées d'adéquates puisqu'il faut moins de 10 secondes pour boucler le 0-100 km/h. Ce qui est plus que suffisant. Pour le reste, mieux vaut laisser cela à votre chauffeur.

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