Des nuages se profilent à l'horizon sur la filière batterie

Des investissements de 16 milliards $ de Ford sur pause, un projet de 7 milliards $ de Honda et General Motors (GM) avorté, des ventes d’électriques qui plombent de 50% en Europe pour Volkswagen, sans parler du prix des matières premières... Faut-il s’inquiéter des milliards de fonds publics injectés dans notre filière batterie?

« Si le marché de production de véhicules électriques s’effondre, ça sera inquiétant, prévient Sylvain M. Audette, professeur invité en marketing et membre associé de la Chaire de recherche en gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal. Nous sommes autour de 10%, soit 10 millions de véhicules électriques. Ce sera où en 2035? 20, 30 ou 50 millions? C’est ça la grande question. »

Heureusement, la méga usine de la suédoise Northvolt, qui sera construite en banlieue de Montréal, est en bonne posture, estime-t-il. Northvolt a comme premier actionnaire l'allemande Volkswagen, qui a encore de l'appétit pour les batteries.

Northvolt (1,37 milliard $), Ford/EcoProB/SK (322 M$), General Motors/POSCO (152 M$), Nemaska Lithium (425 M$), Vale (55 M$), Lion Électrique (50 M$), Taiga Motors (30 M$)... Québec a investi, prêté et octroyé beaucoup de fonds publics dans la filière naissante.

Photo: Northvolt

Course industrielle

Pour Yvan Cliche, ex-délégué commercial à Hydro-Québec International (HQI), aujourd’hui au Centre d’études et de recherches internationales (CÉRIUM), l’inflation, la hausse des taux d'intérêt, le coût encore élevé viennent jouer les trouble-fête.

« Le Québec, malgré le contexte présentement moins favorable pour les véhicules électriques, doit aller de l’avant, au risque de prendre du retard sur ses concurrents », observe-t-il.

Selon lui, Québec doit garder le cap pour répondre à l’urgence climatique, rester dans la course industrielle et se défaire de la mainmise de la Chine dans les chaînes.

Fitzgibbon reste optimiste

Questionné à ce sujet vendredi par Le Journal de Montréal, le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, qui fait de la filière batterie son projet-phare, a reconnu un certain essoufflement.

« Est-ce qu’il y a un ralentissement mondial de l’adoption des transports électriques parce que les prix sont encore trop élevés? Peut-être, a-t-il analysé. Avec le ralentissement économique et l’inflation, les gens ne veulent pas payer la prime peut-être. »

Pierre Fitzgibbon reste toutefois optimiste. Il dit sentir encore l’effervescence. Signe qu'il y a de l'intérêt, il raconte qu'encore récemment un gros joueur lui a fait part de son désir de bâtir six usines comme Northvolt et a demandé au Québec d’y participer.

« Le seul [projet] qui a été annoncé, et qui n’est pas nécessairement encore dans les cartons, c’est BASF, annoncé il y a deux ans, mais honnêtement, aujourd'hui avec la pénurie de mégawatts, on a trois cathodiers, on a GM, Ford et Northvolt, on est bien positionné », a-t-il conclu.

Photo: Francis Halin

Des signes de ralentissement…

1. Batteries :

Panasonic, qui fournit les batteries à Tesla, a ralenti sa production en raison d’une baisse de l’appétit mondial pour les véhicules électriques. Le chef financier de LG Energy a prévenu que la demande pour les électriques « pourrait être plus basse que prévue l’an prochain ». Le fabricant de puces Onsemi vient de licencier 900 personnes parce qu’il s’inquiète de la demande des véhicules électriques, qui faiblit. Cela dit, le marché de la batterie pourrait tout de même atteindre 400 milliards $ d’ici 2030, selon McKinsey.

2. Constructeurs automobiles :

Le PDG de Tesla, Elon Musk, a récemment affirmé que la hausse des taux d’intérêt faisait mal au portefeuille des consommateurs et qu’il pourrait baisser une fois de plus ses prix. Volkswagen a vu ses ventes d’électriques piquer du nez de 50% en Europe. Ford a mis sur pause ses investissements de 16 milliards $CA parce que les Américains sont plus frileux qu'elle le pensait. Honda et GM ont mis fin à leur projet de 7 milliards $ de véhicule électrique abordable.

3. Minéraux critiques et stratégiques :

Des minéraux qui vont dans les batteries de voitures électriques ont vu leur prix dégringoler ces derniers mois. Or, d’après le magazine InsideEVs, le fait de voir le lithium chuter de 67% et le cobalt, de 20%, est bien mauvais signe. « Si la demande baisse, ils [les fabricants] achètent moins de matières premières. Et les producteurs, pour allouer plus de matières premières au marché, baissent leurs prix. En fin de compte, les prix baissent parce que les fabricants produisent moins », analysait le média.

En studio : La pénurie d’expertise des véhicules électriques nuit à l’industrie automobile

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