Sirène Rumbler: adoptée au Québec, contestée aux États Unis

Communiqué de presse

La sirène Rumbler, qui fait vibrer les automobilistes à l'aide de sons de basse fréquence, fait son chemin dans plusieurs services d'urgence de la province, et ce, même si ailleurs sur le continent, plusieurs organisations demandent son retrait pur et simple de la circulation.

Le dispositif est maintenant installé sur tous les véhicules des superviseurs du Service des incendies de Montréal et il le sera prochainement sur l'ensemble des 154 ambulances d'Urgences-Santé.

Le Rumbler est aussi présent sur certains véhicules de la police de Québec, les ambulances de la coopérative des ambulanciers de la Montérégie, en plus d'être à l'essai sur des camions du service des incendies de Longueuil, a appris La Presse Canadienne.

Les vibrations du Rumbler, combinées avec la sirène traditionnelle, peuvent être ressenties jusqu'à 61 mètres autour du véhicule d'urgence. Le vrombissement très caractéristique de la sirène est cependant audible de beaucoup plus loin.

Les services d'urgence justifient l'installation de la sirène Rumbler, dont le prix de vente oscille autour de 400 $ l'unité, par le fait que leurs véhicules ont de plus en plus de difficulté à se frayer un chemin dans la circulation.

Les systèmes de son hyper-puissants installés à bord de certaines voitures sont notamment pointés du doigt, car ils empêcheraient certains automobilistes d'entendre les sirènes des véhicules d'urgence.

"Quelqu'un qui écoute la radio avec beaucoup de "boum, boum" va quand même nous entendre avec le Rumbler. L'ultra-basse fréquence du Rumbler neutralise les notes basses de la musique dans la voiture. Ça fait trembler la voiture. Normalement, le conducteur regarde dans le miroir pour voir ce qui se passe et il nous voit", explique Michel Robert, chef aux opérations au Service des incendies de Montréal.

Plusieurs services d'urgence admettent que le Rumbler constitue une intrusion plus directe que la sirène traditionnelle dans la bulle de l'automobiliste. Mais il s'agit du prix à payer pour diminuer encore davantage les risques d'accidents, martèlent-ils. "Ça augmente la sécurité des paramédics et de la population", soutient Benoît Garneau, chef de division chez Urgences-Santé.

Des critiques

Arline Bronzaft, présidente du comité chargé bruit au sein du conseil de l'environnement de New York, rejette cet argument et demande de voir des preuves de l'efficacité réelle de ce dispositif. En 2011, elle a vivement dénoncé l'adoption du système par le service de police de New York et compte rencontrer bientôt le nouveau maire de New York, Bill de Blasio, pour le convaincre de forcer le retrait du Rumbler des rues de la Grosse Pomme.

"Je veux qu'on me fournisse les preuves scientifiques indépendantes que le Rumbler est plus efficace que les sirènes traditionnelles. Si vous utilisez un outil qui aura un impact sur les citoyens, vous devez le justifier. Personne n'a jamais été capable de me fournir ces informations", affirme-t-elle. Le coût supplémentaire qui se rattache à l'achat de ces sirènes impose que les dirigeants des services d'urgence répondent à cette question, insiste-t-elle.

Interpellés à ce sujet, plusieurs services d'urgence de la province ont indiqué ne pas avoir de données scientifiques entre leurs mains pour prouver l'efficacité du Rumbler. "Malheureusement, il n'y a pas d'études ou de données à ce sujet-là", a indiqué Benoît Garneau, d'Urgences-Santé.

Les services d'urgence répondent que le dispositif a été testé avant d'être acheté et que son efficacité ne fait pas de doute aux yeux de ses utilisateurs, soit les ambulanciers, les pompiers et les policiers qui en font l'usage.

Mme Bronzaft, qui est doctorante en psychologie environnementale, s'intéresse à l'effet du bruit, particulièrement des nouvelles sources de bruit, sur le corps humain.

"Il n'y a plus de doute aujourd'hui que le bruit a un effet sur la santé des gens. C'est une question de santé publique, car être exposé au bruit diminue la qualité de vie, augmente le stress et peut contribuer aux maladies cardio-vasculaires", affirme celle qui s'implique au sein de NoiseOff, une plateforme d'informations en ligne consacrée aux questions relatives au bruit.

Ted Rueter, président de Noise Free America, lutte contre la pollution sonore depuis plus d'une décennie. En 2008, son organisation a décerné son prix mensuel du pire pollueur sonore au Rumbler, affirmant qu'il s'agissait "de la pire menace à la paix et à la tranquillité depuis l'invention des voitures aux systèmes de son hyper-puissants".

Selon M. Rueter, le Rumbler répond à un faux problème. "Les policiers disent qu'ils en ont besoin, car il y a trop de bruit et que les automobilistes n'entendent pas leurs sirènes. Si c'est le cas, attaquons-nous au problème du bruit dans notre société plutôt que d'en ajouter un autre!", dénonce le professeur de l'université du Maryland et de l'université du New Hampshire.

Il dit avoir honte que cet outil américain traverse maintenant les frontières du Canada. "Trop souvent, les Américains exportent leurs mauvaises inventions au Canada. Les gens qui ressentent cette sirène dans leur corps ont peur, donc il est bien possible qu'ils se déplacent. Je crois que c'est un outil qui a un grand impact sur la qualité de vie et la santé des gens", estime M. Rueter.

Caractère attractif

Le service de police de Québec admet que ce nouvel outil ajoute davantage de bruit dans l'environnement sonore urbain. "Il est vrai que le niveau de bruit va augmenter avec ce genre de système, mais il faut comprendre que c'est à un endroit spécifique durant un court laps de temps. Ce système n'est pas en fonction pour le durée totale du déplacement", insiste Nancy Roussel.

Certains services d'urgence ont décidé d'encadrer de manière très sévère l'utilisation du Rumbler. C'est le cas du Service des incendies de Montréal, qui ne permet son utilisation que dans certaines circonstances, notamment lorsqu'un véhicule refuse de céder le passage.

D'autres organisations laissent cependant au "bon jugement" des conducteurs des véhicules d'urgence la liberté d'utiliser le dispositif comme bon leur semble. Afin d'éviter les excès, le constructeur limite à 10 secondes chaque utilisation du Rumbler. Le dispositif peut par contre être réenclenché autant de fois que voulu.

Malgré les critiques, le Rumbler a un caractère attirant pour plusieurs services d'urgence. La Sûreté du Québec, qui compte un parc de quelque 2000 véhicules, n'écarte pas l'idée de l'adopter aussi. "Nous évaluons son fonctionnement et ses impacts dans le cadre de son utilisation à titre d'installation complémentaire aux outils actuels", a fait savoir Benoit Richard, porte-parole du corps policier.

Après avoir tout d'abord accepté de répondre aux questions de La Presse Canadienne, l'entreprise qui a conçu le Rumbler, Federal Signal, n'a plus donné suite à nos demandes d'entrevues. Il a été impossible de savoir si l'entreprise a étudié l'efficacité et l'impact que peut avoir son produit.

Par Étienne Fortin-Gauthier

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