Vous souvenez-vous du… Chevrolet SSR?

Nostalgie, quand tu nous tiens… Aphrodisiaque puissant capable de faire passer toutes les pilules… enfin, presque toutes. Elle n’a pas réussi à transformer le Chevrolet SSR en succès.

Pourtant, il s’agit de l’un des rares véhicules concepts de l’histoire de l’automobile à être devenu un modèle de production, à l’image de la Corvette en 1953. Nous sommes en mai 1999 et Wayne Cherry, vice-président responsable du design, souhaite réaliser un prototype qui soit une réinterprétation moderne du pick-up américain classique (nous sommes à ce moment en pleine période de rétrodesign). Plusieurs thèmes sont alors explorés par les designers de GM.

Les années glorieuses pour influence

Au bout du compte, ce sont les esquisses de Doug Ungemach, un designer de chez ASC (American Sunroof Company, spécialiste des capotes et toits ouvrants) qui sont retenues. Ce dernier est allé puiser son inspiration parmi les camions Chevrolet dits « Advance Design », produits de 1947 à 1955. Un premier modèle en mousse est réalisé en juin 1999 et celui-ci est montré à la direction en août. La réaction est unanime : « Pouvez-vous le faire pour le prochain Salon de Détroit ? » Cherry hésite, le salon est dans quatre mois, c’est extrêmement peu de temps pour construire un prototype roulant. Finalement, il acquiesce. C’est le châssis d’un Chevrolet S-10 qui sert de base au véhicule. Il reçoit un V8 de 6,0 litres développant 300 chevaux. Le toit rétractable en deux parties est conçu par la compagnie ASC et le carrossier Karmann.

Photo: Chevrolet

L’équipe de Cherry réussit à respecter les délais et le SSR (pour Super Sport Roadster) se dévoile sous les projecteurs du Salon de Detroit en janvier 2000. Il s’agit d’un salon important pour GM car la corporation n’y présente pas moins de 12 concepts. Néanmoins, c’est le SSR qui devient la vedette. La presse l’adore et le public l’adore encore plus. GM a peut-être un coup de circuit entre les mains. Mais personne ne croit vraiment qu’il osera tenter ce que Chrysler a fait avec les Viper et Prowler. Pourtant, son plus ardent défenseur n’est autre que Rick Wagoner, le PDG de GM. Ça aide…

Photo: Chevrolet

L’attente

C’est sept mois plus tard, le 9 août 2000, que Wagoner annonce officiellement à la presse que le SSR sera produit en série à partir de 2002. Quelques jours après, il conduit lui-même le concept au Woodward Dreamcruise, dans les rues de Detroit.

Les ingénieurs choisissent d’employer non pas la plate-forme GMT325 du S-10 mais plutôt la GMT 360/370 des Chevrolet TrailBlazer et GMC Envoy, qui seront lancés en 2002. Les camions à empattement normal utilisent la GMT360 alors que les versions allongées font appel à la GMT370. Le SSR repose sur une variante raccourcie et modifiée de la GMT370 (dite GMT368, unique à ce modèle) avec un empattement de 2 946 mm (contre 2 870 mm pour la 360 et 3 277 pour la 370). Les rails principaux hydroformés sont reliés par huit traverses . Les designers Bill Davis et Glenn Durmisevitch sont chargés du passage à l’industrialisation. La largeur des ailes posera un problème à l’emboutissage. Si dans les années 40 et 50, on savait produire des ailes larges, les méthodes modernes ne le permettent plus à un prix acceptable. Chevrolet devra donc élaborer  de nouvelles techniques de production pour rester dans les coûts du projet.

Grâce à l’utilisation de nombreuses pièces de série, le programme avance rondement et, en août 2001, Rick Wagoner est au volant d’un exemplaire de présérie de couleur jaune au Woodward Dreamcruise. Beaucoup de détails ont changé mais les lignes n’ont pas été dénaturées, au grand plaisir des spectateurs de l’événement. Le SSR est maintenant prévu pour le millésime 2003. Un an plus tard, Wagoner en conduit une version rouge mais le modèle n’est toujours pas disponible à la vente.

Finalement, un premier lot de 25 exemplaires (appelés Signature Series) est fabriqué fin 2002, début 2003. Peints en Ultra Violet, ils sont réservés à des événements (le numéro 4 servira de pace car au 500 miles d’Indianapolis en mai 2003) ou prêtés à des VIP. Le SSR est assemblé dans le Lansing Craft Center, dans le Michigan, une ancienne fonderie convertie en centre de production pour des modèles à faible volume (GM y construira les Buick Reatta, Chevrolet Cavalier et Pontiac Sunfire cabriolets ou bien la GM EV1). Le premier exemplaire de série sort de l’usine le 29 juillet 2003, pour le millésime 2004. À ce moment, Chevrolet compte sur 14 à 15 000 ventes annuelles.

Photo: Chevrolet

Crise d’identité

L’attente est enfin récompensée. Les premiers clients se précipitent dans les salles d’exposition et sont même prêts à accepter la surcharge que leur imposent certains concessionnaires. Mais très vite, l’euphorie disparaît. À cela, plusieurs raisons.

Tout d’abord le prix. On l’espérait au Canada autour de 50 000 $ mais il sera finalement affiché à 69 995 $. C’est cher pour un cabriolet (par exemple, la Ford Thunderbird, également d’inspiration rétro, est offerte à 56 775 $) mais aussi pour un camion de performance (le Dodge Ram SRT-10 avec son V10 de 500 chevaux demande 58 365 $). Cependant, le SSR est correctement équipé : roues de 19 pouces à l’avant et 20 pouces à l’arrière, ABS, sièges baquets en cuir (réglages électriques pour le conducteur, mais la disposition des boutons sur le côté empêche d’ajuster la position de conduite si la portière est fermée), air conditionné bizone, régulateur de vitesse et système audio à 4 haut-parleurs. La boîte arrière reçoit un couvercle verrouillable à ouverture électrique. Le toit rigide se rétracte en moins de 25 secondes. Les options ne manquent pas : système audio Bose à 6 haut-parleurs et changeur de CD, radio satellite, dispositif OnStar, climatisation automatique, ensemble de compteurs additionnels sur la console centrale, lames en bois pour la boîte, roues en aluminium poli…

Photo: Chevrolet

Ensuite, les performances. Les lignes du SSR évoquent la puissance brute, mais le V8 Vortec de 5,3 litres LM4 ne développe « que » 300 chevaux (contre 290 dans les TrailBlazer et Envoy) et 331 lb-pi de couple. Il n’y a pas de boîte manuelle, seule la boîte automatique 4L60-E à 4 rapports est disponible. Le 0 à 100 km/h est réalisé en 7,9 secondes. C’est pas mal, mais c’est à mettre en relation avec le temps de 6,5 secondes d’une Mustang GT V8 de 260 chevaux sur le même exercice (ou même les 7,6 secondes d’une « simple » Mustang V6 de 193 chevaux).

Enfin, le poids. Avec 2 159 kilos sur la balance, le SSR est loin d’être une ballerine! La suppression du toit a demandé de nombreux renforts et le toit rétractable n’est pas léger non plus. Si le SSR adopte une tenue de route descente, son châssis de camion (avec essieu arrière rigide) ne permet pas une conduite inspirée comme celle d’une Mazda Miata par exemple (qui, elle, ne pèse que 1 104 kilos). Par contre, vous pouvez remorquer jusqu’à 1 135 kilos (2 500 livres)…

Photo: Chevrolet

Chevrolet écoute les critiques et lance, en 2005, un SSR modifié avec un V8 LS2, le moteur qui aurait dû être installé dès le début. Issu de la Corvette, il commande 390 chevaux et peut être couplé au choix à une boîte 4L65-E automatique ou à une Tremec T56 manuelle à 6 rapports (la puissance passera à 395 chevaux avec l’automatique et à 400 avec la manuelle pour le millésime 2006). Le 0 à 100 km/h descend alors à 5,5 secondes. De plus, le prix ne subit aucune augmentation. Malheureusement, c’est trop peu trop tard et les ventes ne redécollent pas. Chevrolet décide d’arrêter la commercialisation du SSR à la fin de l’année 2006. Le dernier exemplaire (bicolore, haut noir et bas gris) sort de la ligne de production le 17 mars 2006. Il porte le numéro de série (VIN) 24112 et partira dans la collection GM. L’usine de Lansing sera ensuite fermée pour être démolie en 2008. Oh joie…

Le SSR est un véhicule unique dans l’histoire. Symbole du rétrodesign de la fin des années 90 et du début des années 2000, il reste difficile de lui trouver des concurrents directs. Pas vraiment un pick-up, pas vraiment une sportive, pas vraiment un roadster, il est en définitive un engin en recherche d’identité. À force de vouloir tout faire, il finit par ne rien faire vraiment bien. Et c’est probablement là son plus gros problème!

En vidéo: Antoine Joubert se souvient du Chevrolet SSR

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