Mercedes-Benz C-111 1974: Un rêve sans espoir de réalité

Cet essai routier a été publié dans le Guide de l'auto 1974.

Depuis près de cinq ans, la firme allemande Daimler-Benz soumet les fanatiques de l'automobile à un véritable supplice. Ce prestigieux constructeur automobile présentait, en effet, au Salon de Francfort 1969, une voiture expérimentale d'une conception révolutionnaire et dont les performances annoncées se situaient nettement au-dessus de tout ce que l'on pouvait imaginer. C'était un coupé sport deux places doté d'une superbe carrosserie en matière plastique et animé par un moteur rotatif Wankel de 330 ch. On l'identifiait simplement comme la C-111.

Il n'en fallait pas plus pour que les anciens propriétaires de la fameuse Mercedes 300 SL (la voiture sport la plus rapide de son époque) et tous les mordus d'engins exclusifs sortent leur carnet de chèques et commencent à rêver du jour où ils auraient l'occasion de semer la dévastation chez les conducteurs de Ferrari, Lamborghini, Maserati, Corvette, etc.

On se souvenait trop bien de la supériorité des 300 SL, dont on cessa la production en 1962, pour ne pas faire confiance aux ingénieurs de Mercedes-Benz quand vient le moment de réaliser une GT haute performance.

Malheureusement, les représentants de la marque allemande étaient intraitables quand un éventuel client demandait des renseignements sur la date de mise en marché de la voiture et sur son prix. La réponse était imperturbablement la même: « C'est une voiture expérimentale qui n'est pas à vendre. À aucun prix. »
Les amateurs furent déçus et même choqués lorsqu'ils s'aperçurent que la C-111 avait été construite en petite série. Il en existait une dizaine de versions qui venaient régulièrement hanter les salons automobiles. On s'imagina que Mercedes voulait tout simplement faire patienter ses clients et que la voiture serait bientôt mise en production.

Or, la situation n'a pas changé depuis et le beau rêve est, semble-t-il, sans aucun espoir de réalité. C'est du moins ce que l'ingénieur responsable du développement de cette fantastique voiture nous répéta lors de notre visite chez Mercedes à Unterturkheim en banlieue de Stuttgart en mai 1973. Même si vous aviez un million de dollars à débourser pour vous porter acquéreur de ce bolide, faites-en votre deuil… Elle n'est pas à vendre. C'est d'autant plus incompréhensible que Mercedes-Benz en possède maintenant pas moins de 24 exemplaires dont quelques-uns tournent régulièrement sur les pistes d'essais de l'usine.

S'il n'est pas question que ce modèle soit mis en production, pourquoi alors continue-t-on à le mettre à l'épreuve? On dira que c'est tout simplement un banc d'essai pour le moteur rotatif, mais cette explication n'est pas tellement logique puisque ce constructeur allemand avoue qu'il n'envisage nullement l'utilisation de ce groupe propulseur pour l'avenir.

Le mystère reste donc entier; ne cherchons pas à l'élucider. Contentons-nous plutôt d'admirer cette splendide réalisation de la technique moderne que l'on présente comme un laboratoire roulant et qui prouve de façon éclatante le niveau de perfection que l'on peut atteindre dans la construction automobile de nos jours.

L'heure inoubliable

La plus grande qualité de la Mercedes-Benz C-111 réside dans cette remarquable fusion des vertus d'une voiture de course et des exigences d'une grande routière. Ayant conduit à maintes reprises ces deux types de véhicule, c'est cet aspect de la C-111 qui a attiré notre attention, lorsque nous avons eu l'occasion de l'essayer pendant une heure (inoubliable) chez Mercedes.

Jusqu'à maintenant, il semblait impensable de pouvoir construire une voiture possédant la tenue de route d'un prototype de course et la souplesse d'une voiture de ville. Le moteur d'une voiture de course est « pointu » (ne développant sa puissance que sur quelques centaines de tours à un régime élevé), la suspension est raide comme du bois, l'embrayage est ferme, les freins sont peu efficaces à froid et l'insonorisation de l'habitacle est nulle. De plus, la finition est atrocement fonctionnelle et on ne saurait rouler plus de dix minutes sur la route avec un tel engin. La Mercedes C-111 défie toutes ces lois et aligne le rendement d'une voiture de course au comportement civilisé d'une confortable GT.

Dans sa dernière version, encore plus élégante que celle lancée à Francfort, le moteur a une puissance de 400 ch à 7,000 tr/mn.

Le moteur Wankel, dont le volume calculé des chambres correspond à la cylindrée de 4.6 11, d'un moteur à pistons alternatifs, est à 4 rotors. Il est pourvu d'un système d'injection d'essence à pompe mécanique et d'un allumage transistorisé. Monté au centre de la voiture, ce moteur dont le taux de compression est de 9.3 à 1 est refroidi par eau grâce à un radiateur placé à l'avant du véhicule et assisté de deux ventilateurs â commande électrique. Pour mieux résister à toute la puissance transmise aux roues motrices sur une voiture ne pesant pas plus de 2,500 lb, l'embrayage possède deux disques à sec tandis que la boîte de vitesses entièrement synchronisée est à 5 rapports. La suspension très raffinée est à 4 roues indépendantes et elle est dotée, à l'avant comme à l'arrière, d'un dispositif de compensation de l'inclinaison au démarrage et au freinage. Des freins à disque ventilés assurent des arrêts aussi impressionnants que les accélérations.

Côté carrosserie, en plus de son aérodynamisme très poussé, ce coupé expérimental se distingue par ses phares occultables et ses portes papillon ou en ailes de mouette.

Aménagement

Avec les Allemands, le bricolage n'existe pas et contrairement à la plupart des prototypes, le cockpit de la C-111 présente une finition aussi soignée que celle des voitures de série de ce constructeur. Le capitonnage est bien en place et les diverses commandes sont parfaitement disposées. Un coup d'œil sur l'aménagement intérieur vous fait rapidement comprendre pourquoi ceux qui ont vu la C-111 en exposition ont toujours cru qu'elle deviendrait une voiture de production. Elle bénéficie de tout le luxe et le confort qu'on trouve normalement sur un modèle prêt à être commercialisé. En plus de tous les instruments, le tableau de bord comporte même un système de chauffage et un poste de radio.
Enfin, les sièges, recouverts d'un tissu pied-de-poule, sont non seulement jolis mais très confortables.

Sur la route

Mais quand on n'a que quelques minutes pour « savourer» une telle machine, on ne s'attarde pas trop à la présentation intérieure. Prenons la piste et vite.
Le moteur démarre au premier appel et si son niveau sonore n'est pas aussi discret que sur une Mazda RX-2, il est quand môme très faible, compte tenu de la puissance qu'il s'apprête à nous faire voir. Même poussé à 8,000 tr/mn, ce Wankel ne souffre nullement et c'est plutôt le conducteur qui doit résister à l'immense force d'accélération qui approche sensiblement 1 g. car en seulement 4.8 sec. on est déjà rendu à 60 m/h. C'est sans aucun doute le moteur rotatif qui contribue en bonne partie à donner un caractère civilisé à cette voiture. Silencieux et sans aucune vibration, il n'a rien d'un moteur de course rageur.

Il en a toutefois toute la puissance et bien que nous n'ayons pu vérifier sa vitesse de pointe, la C-111 a été chronométrée sur autoroute à environ 185 m/h. La piste d'essai de Mercedes est très courte et même si elle comporte une boucle ayant la forme d'un virage relevé à 90 degrés, il est impossible d'y rouler à plus de 90 ou 100 m/h. Le virage est tellement incliné que l'on pourrait théoriquement y passer à très grande vitesse, mais la poussée est si forte que l'organisme humain n'y résiste pas. Au-dessus de 90 m/h, on risque de s'évanouir temporairement ou d'éprouver ce qu'on appelle un « black-out ».

Par contre, la piste d'essai comporte des virages plus orthodoxes sur lesquels il nous a été permis d'expérimenter la phénoménale résistance au glissement latéral de la C-111. Môme avec des pneus de route (Dunlop SP 205 VR 14), la voiture est absolument rivée au pavé et passe à 100 m/h là où une Mercedes 450 SL déraperait à 75 m/h.

Et croyez-moi, les freins sont à la hauteur de leur tâche difficile. Malgré toute la force qu'on applique sur la pédale, les roues ne bloquent jamais et la voiture ralentit avec une assurance peu commune. Après une dizaine de tours de piste, le temps de prendre quelques photos et de poser certaines questions à l'ingénieur responsable de la C-111, notre merveilleuse aventure est déjà terminée. La voiture disparaît, comme elle était venue, c'est-à-dire aussi rapidement qu'une apparition, et l'on se demande si l'on a rêvé ou si ce que l'on a vu était vrai… Malheureusement, c'était bel et bien vrai et le supplice que nous inflige Mercedes-Benz ne semble pas sur le point de prendre fin.

FICHE TECHNIQUE

Constructeur: Daimler-Benz. Stuttgart, Allemagne.
Type de véhicule: coupé (expérimental) 2 portes. 2 places, moteur central, propulsion AR.
Prix de Base: Non vendu Moteur: rotatif à 4 rotors Cylindrée: 4,800 cm3. Rapport volumétrique: 9 3 1
Puissance ch. è tr/mn (nette): 400 à 7,000.
Couple pile à tr/mn (net): 217 entre 4,000 et 5,500.
Boite de vitesse: manuelle à 5 rapports.
Rapport du pont: N.D Freins: disques aux 4 roues Pneus: 205 VR 14.
Suspension AV: ressorts hélicoïdaux, stabilisateur à barre de torsion.
Suspension AR: ressorts hélicoïdaux, stabilisateur à barre de torsion, roues indépendantes.
Direction: à billes et secteur

DIMENSIONS

Empattement: 103.1 po. Longueur: 166.5 po.
Largeur: N.D.
Hauteur: 44.3 po.
Poids: 2,500 lb.
Espace, jambes AV: N.D. Espace, jambes AR: N.D
Hauteur siège-plafond AV: N D
Hauteur siège-plafond AR: N D.
Volume du coffre: N.D.
Diamètre de braquage: N D.

PERFORMANCES

Accélération 0-60 m/h: 4.8 sec. 1/4 de mille: 12.8 sec. à 114 m/h
Reprises 50.70 m/h: 2 sec
Vitesse maximale: 185 m/h
Consommation moyenne: N.D.

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