La nouvelle Porsche 911, trop bonne pour être vraie?

La 911 c’est la diva discrète, la marathonienne, la reine improbable des sportives. Celle qui n’avait rien pour réussir avec ce moteur à plat perché derrière l’essieu arrière. Celle qui a pourtant ravi, fasciné et obsédé quelques centaines de milliers de passionnés de conduite et de mécanique depuis près d’un demi-siècle.

Plus de 700 000, en fait, si on compte seulement ceux et celles qui ont pu s’offrir une 911 neuve, fraîchement assemblée à l’usine de Zuffenhausen en banlieue de Stuttgart. Le fait que 80 % de ces voitures soient toujours en état de rouler tient également du phénomène.

Nous sommes des millions à rêver de la Porsche 911 qu’on voudrait s’offrir mais aussi à celles qui ont nourri sa légende en collectionnant les victoires par milliers sur les circuits de la planète. Même en version hybride. Elle a même gagné au rallye Monte Carlo et le raid Paris-Dakar. Deux fois. Contre toute logique apparente et en défiant insolemment les lois de la physique aux mains de pilotes aussi braves que brillants, il faut le dire. Un peu fous aussi.

Au moins autant que ces diables d’ingénieurs qui s’entêtent à toujours améliorer et raffiner celle qui est l’âme de Porsche. Même s’ils ont parfaitement démontré leur maîtrise du moteur central avec les Boxster, Cayman et Carrera GT. Même s’ils en ont fait tout autant avec les 928, 944, 968 et Panamera à moteur avant au fil des années.

Profil incontournable

C’est ce qui vient à l’esprit en découvrant la nouvelle 911 qui arrive au printemps 2012 et dont 95 % des composantes auraient été changées. Il s’agit donc de la sixième génération depuis le lancement de la pionnière en 1963 et son nom de code est 991 même si elle succède au type 997 qui est produit depuis 2005. Porsche fera la même chose pour la prochaine Boxster qui sera codée 981 et remplacera la 987 actuelle.

Cette nouvelle 911 ressemble beaucoup à la précédente. Porsche doit évidemment préserver cette silhouette mythique tout en la faisant évoluer. Les changements sont pourtant importants. Surtout l’empattement qui s’est allongé de 100 millimètres pour favoriser l’agilité, la stabilité, le confort de roulement et le volume de la cabine. La carrosserie n’a gagné que 56 mm en longueur parce que les porte-à-faux avant et arrière ont réduits de 32 et 12 mm.

La nouvelle 911 est toujours remarquablement compacte pour une grande sportive mais elle a plus de présence. D’abord de profil, avec son empattement plus long, une ligne de toit abaissée de 7 mm et des roues plus grandes. De série, les Carrera sont maintenant équipée de jantes de 19 pouces et celles de la Carrera S font maintenant 20 pouces.

Les lignes de la carrosserie sont un peu plus rondes en général et les prises d’air plus grandes à l’avant évoquent celles des Turbo et GTS actuelles. Les blocs ovales des phares au xénon sont plus grands aussi. L’arrière est plus profilé et on y reconnaît des airs de Panamera même si les ailes galbées et la ligne de toit fuyante sont dans la pure tradition de la 911.

En largeur, la mesure est identique entre la nouvelle et l’ancienne mais on jurerait le contraire. Surtout parce que la voie avant s’est élargie de 46 millimètres sur la Carrera et de 52 mm sur la Carrera S. La différence est frappante et l’illusion parfaite lorsqu’on les zyeute côte-à-côte, de l’avant. On remarque du même coup de nouveaux rétroviseurs montés sur les portières plutôt qu’à la base des montants avant pour réduire le bruit et soigner l’aérodynamique. Le pare-brise est un peu plus bombé, pour les mêmes raisons.

Dompter les paradoxes

Malgré sa taille supérieure et un équipement plus relevé, la nouvelle 911 est plus légère que la précédente de 30 à 45 kilos selon la version. Le secret c’est une carrosserie autoporteuse qui s’est allégée de 80 kilos grâce à l’aluminium qui fait la moitié de sa masse et dont sont faits les portières, les capots, les ailes et le toit.

La nouvelle coque est également plus rigide de 20 % en torsion et de 13 % en flexion. Plus spacieuse aussi. On gagne 25 mm pour les jambes à l’avant et un petit 6 mm à l’arrière. Malgré la ligne de toit plus basse il y a autant d’espace pour la tête et même 15 mm de plus si on ajoute le toit ouvrant qui coulisse maintenant vers l’extérieur.

C’est d’ailleurs dans l’habitacle de cette nouvelle 911 que les changements sont les plus marquants. D’abord avec une nouvelle console centrale surélevée qui fait songer une fois de plus à la Panamera mais pour laquelle Porsche dit d’être inspirée plutôt de la Carrera GT. On y a regroupé une série de commandes-clés devant le sélecteur ou levier de vitesses, selon le cas.

Juste derrière sont entassés les nombreux boutons pour la climatisation et la sono, surplombés d’un grand écran tactile de 7 pouces qui permet de contrôler tout ça. Entre les branches du volant on pose les yeux sur une version rafraîchie du classique quintet de cadrans entrelacés de la 911 dont un pour l’affichage d’une série de données. Avec une abondance de cuir cousu et de moulures en aluminium au fini satiné, la présentation intérieure de la 911 se détache nettement de son propre folklore et s’inscrit sans équivoque dans la modernité.

Toujours plus et encore moins

Comme il faut s’y attendre de Porsche, les progrès sont aussi importants pour la mécanique. La Carrera hérite d’un six cylindres à plat dont les ingénieurs ont réduit la cylindrée de 3,6 à 3,4 litres tout en augmentant la puissance de 345 à 350 chevaux et en réduisant la consommation de 13 ou 16 % selon qu’on choisit la boîte manuelle ou l’automatique. La cylindrée du moteur de la Carrera S est toujours de 3,8 litres mais sa puissance passe de 385 à 400 chevaux et sa soif est réduite de 10 ou 15 %.

Les nouvelles 911 sont également les premières à offrir une boîte manuelle à 7 rapports. Les engrenages et démultiplications les sont presque identiques à celles de la boîte PDK à double embrayage automatisé. Le 3e rapport de la PDK est un peu plus court pour optimiser sa consommation urbaine et pour la manuelle c’est le 7e qui est un peu plus démultiplié pour que l’écart ne soit pas trop grand avec la 6e.

Les cotes de consommation sont un peu meilleures pour les modèles PDK soit 8,2 contre 9,0 L/100 km pour la manuelle dans la Carrera et 9,5 contre 10,6 avec la Carrera S. Il faut dire que les versions PDK profitent d’un nouveau mode qui permet de rouler en ‘roue libre’ en faible charge avec le moteur au ralenti sur le 7e rapport, pour une réduction qui peut atteindre 1 L/100 km. Cette astuce s’ajoute à la ‘gestion thermique’, la récupération d’énergie et le mode d’arrêt-redémarrage automatique du moteur que partagent tous les modèles.

Les chronos 0-100 km/h vont de 4,8 secondes pour la Carrera à boîte manuelle à 4,1 secondes pour la Carrera S équipée de la boîte PDK et du groupe Sport Chrono optionnel. Son mode ‘départ-canon’ permet de gagner 2 dixièmes de seconde en laissant le régime du moteur grimper à environ 6 000 tr/min avant le décollage. Dans les 911 à boîte manuelle avec Sport Chrono une icône ‘+’ et des diodes rouges incitent à passer la prochaine vitesse avant d’atteindre le régime maxi de 7 800 tr/min.

Ça freine également sec et fort avec des disques avant plus grands, pincés par des étriers ‘monobloc’ en aluminium à six pistons pour les Carrera S et quatre pour les autres. Des freins carbone-céramique plus résistants et moitié moins lourds sont à nouveau en option, coiffés d’étriers peints en jaune.

Imperturbable ou presque

L’architecture des suspensions est la même mais les jambes de force avant et les essieux à bras multiples à l’arrière sont de conception nouvelle. Le ‘châssis sport’ PASM qui abaisse la carrosserie de 20 mm et permet de modifier le tarage des amortisseurs est de série sur la ‘S’ et optionnel pour la Carrera. Les 911 peuvent également être équipées d’une version allégée du système PDCC d’abord apparu sur les Cayenne et Panamera. Ses petits vérins hydrauliques éliminent pratiquement le roulis pour que tout le mordant des pneus soit exploité en virage.

Il y a aussi le système PTV (Porsche Torque Vectoring) mécanique pour la boîte manuelle et le PTV Plus électronique pour la PDK qui répartissent le couple entre roues gauche et droite pour permettre à la 911 de pivoter et s’inscrire plus facilement en virage. La nouvelle servodirection électrique permet de doser tous ces mouvements avec une précision plutôt chirurgicale.

Avec le train avant plus large, le sous-virage est à la rigueur un vague souvenir. Même sur le circuit étroit et court aménagé pour la circonstance sur le terrain du petit aéroport de Santa Maria en Californie, l’état où il s’est vendu plus de 911 que partout ailleurs. C’est plutôt l’arrière qui décroche si on exagère. L’antidérapage veille mais on peut quand même se mettre dans le pétrin.

Porsche n’avait apporté que des Carrera S bien équipées au lancement. On a hâte de conduire aussi la Carrera. Sur la route, la nouvelle ‘S’ se révèle une grand-tourisme sage et confortable qui coupe poliment son moteur à chaque arrêt. Appuyez sur le bouton Sport et elle s’éveille. Avec l’échappement sport optionnel, reconnaissable à ses deux paires d’embouts nickelés, le son est plus rauque quand le six-à-plat grimpe vers son régime maxi qui est maintenant à 7 800 tr/min. Les rapports de la boîte PDK passent plus sec et les suspensions sont plus tendues. Le bouton Sport + en remet une bonne couche. On le garde pour le circuit.

Plus légère, plus rapide, plus frugale, plus chic, plus sûre et plus spacieuse, la 911 est déjà meilleure que jamais. Porsche a déjà dévoilé la nouvelle Cabriolet et les autres variantes suivront certainement.

Et lorsque cette marque surdouée aura enfin lancé sa grande sportive à moteur central contre les R8, Lambo et autres McLaren, elle pourra nous offrir à nouveau une 911 pure, métallique et viscérale comme cette rarissime SC RS de 300 chevaux et 1000 kilos venue du musée Porsche et vieille d’un quart de siècle qu’on a eu l’excellente idée de nous laisser conduire.

L’âme véritable de la 911 c’est à son volant qu’on la redécouvre. Mariée aux techniques modernes elle serait carrément géniale.

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