Jeep : la passion ne suffit plus
La quantité d’enthousiastes et de fidèles à la marque Jeep est sans égale par rapport à n’importe quelle autre logo de VUS. Constat éloquent, s’il en est, lors de l’événement du Easter Jeep Safari dans le désert de Moab en Utah, où j’ai pu apercevoir des milliers de Jeep de différents modèles et de toutes époques, sillonner les rues, les sentiers, et escalader les rochers du territoire.
Ce succès, que l’on attribue en grande partie à la longévité et à l’originalité du Wrangler, explique d’ailleurs pourquoi Ford a choisi de relancer son Bronco en s’inspirant de ce modèle mythique. En revanche, on ne comprend pas très bien pourquoi General Motors, via sa division GMC, n’a toujours pas répliqué à ce succès avec un Jimmy qui pourrait dériver de la camionnette Canyon.
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Cela dit, les ventes de Wrangler fléchissent. Très sérieusement, pour ne pas dire, dramatiquement. Rien qu’aux États-Unis, elles dépassaient le cap des 200 000 unités par an jusqu’en 2021. Cependant, l’an dernier, un peu moins de 75 000 Wrangler y trouvaient preneur. Fait étonnant, en 2024, les Canadiens achetaient encore 14 219 Wrangler, soit cinq fois moins d’unités qu’aux États-Unis, pour un marché pourtant dix fois plus petit. Or, les ventes de Wrangler au pays étaient tout de même en baisse de 25,6%. Et depuis le début de l’année, c’est la dégringolade. Pour le Wrangler, pas moins de 40% de baisse de ventes au Québec pour le premier trimestre, et une chute de 29% des ventes pour l’ensemble des modèles Jeep.
Considérant que le pain et le beurre de Stellantis se trouvent chez Jeep (et chez Ram), voilà une situation des plus dramatiques. On peut toutefois affirmer que les stratèges de Stellantis ont couru à leur perte. En éliminant des véhicules aussi forts que le Cherokee, en haussant les prix à des niveaux parfois risibles et en lançant sur le marché des produits de moins en moins compétitifs. Par exemple, un Grand Cherokee à moteur V6 Pentastar (une mécanique qu’exploitaient le Dodge Journey et la Chrysler 200) vendu à un prix pouvant dépasser les 90 000 $. Ça prend du culot!

En outre, Jeep ne se montre pas compétitif en location, un facteur primordial alors que les factures ne cessent de grimper. Dans le cas du Wrangler, qui conserve une bonne valeur de revente, il est toujours possible de convaincre un acheteur d’opter pour la location en promettant une possibilité de rachat à prix intéressant. Mais lorsque le client doit financer son camion sur un terme de huit ans, et à un taux quasi usuraire, plusieurs choisissent de se défiler.
Retard…
Jeep accuse aussi un retard en matière d’innovations. Parce que non seulement il a laissé tomber toute une catégorie d’acheteurs avec l’abandon des Renegade et Cherokee, mais la migration vers l’électrification ne se fait pas au rythme prévu. Rappelons d’ailleurs qu’il y a quelques années, on affirmait que Jeep était en voie de devenir la marque de VUS la plus « verte » de la planète. C’était à l’époque où Christian Meunier (aujourd’hui de retour chez Nissan) était à la tête de la marque, poste qu’il a quitté en septembre 2023.
Évidemment, les déclinaisons 4xe (hybrides rechargeables) des Wrangler et Grand Cherokee ont connu un certain succès. Notamment sur les marchés européens, où ils permettent d’éviter les malus écologiques très salés. Cela dit, dans un marché où la concurrence est forte et où la technologie électrique évolue à vitesse grand V, Jeep ne fait plus le poids. Le constructeur a finalement lancé le Wagoneer S, 100% électrique, lequel propose un niveau de performances remarquable. Or, avec son prix excessif, ses vices de conception et son image de marque qui ne se compare pas à celle d’Audi ou de Volvo, il est difficile de convaincre les acheteurs.

Le bilan de ce premier Jeep 100% électrique est donc triste puisque certains concessionnaires accordent déjà des rabais dépassant souvent les 10 000 $. Un véhicule pourtant loin d’être vilain (malgré ses bobos de jeunesse), mais qui ne mérite pas le sort que Jeep lui a réservé, conséquence d’une très mauvaise mise en marché. On a d’ailleurs l’impression que les stratèges de Stellantis lancent leurs dés en espérant tomber sur le bon chiffre... Ils changent d’idée, ils lancent des rumeurs, ils repoussent sans arrêt les échéanciers et surtout, ils promettent mer et monde aux concessionnaires qui, en attendant, se mordent les pouces.
Tout récemment, nous avons aussi appris que les travaux de réoutillage de l’usine de Brampton, en Ontario, avaient cessé. Celle-ci devait dès l’an prochain construire des Jeep Compass de nouvelle génération, ce qui n’arrivera visiblement pas. Et sans surprise, l’usine de Toluca au Mexique a été fermée pour une période indéterminée : c’est là que sont assemblés les Compass et le nouveau Wagoneer S.

On imagine que l’espoir de voir débarquer chez nous le Jeep Avenger, qui connaît un bon succès en Europe, est anéanti. Et qu’en sera-t-il du Recon 100% électrique qui s’inspire du Wrangler? Le verra-t-on de sitôt?
Chose certaine, Jeep doit se ressaisir. Réussir à redorer son image de marque, moderniser sa gamme, offrir des produits plus compétitifs et maintenir l’engouement envers le Wrangler, lequel se fait de plus en plus talonner par le Bronco. L’an dernier, les ventes du VUS de Ford ont grimpé de 45,3%, alors que celles du Wrangler étaient en chute libre. Un constat alarmant, considérant que le Wrangler est l’un des produits phares de tout le groupe Stellantis.
Bref, Jeep a du pain sur la planche. Quoi qu’il en soit, dites-vous que si vous avez l’intention de vous procurer un Jeep dans les prochains mois, vous aurez un très grand pouvoir de négociation.






