Audi R8 à moteur V10, cavalerie sublime

Points forts
  • Moteur V10 carrément fabuleux
  • Comportement routier remarquable
  • Confort de roulement étonnant
  • Finition irréprochable
  • Ligne racée
Points faibles
  • Boîte séquentielle R-Tronic rude
  • Consommation élevée
  • Visibilité arrière limitée
  • Prix aristocratique
  • Coffre exigu
Évaluation complète

La Audi R8 est une voiture brillante, à la fois sportive d’exception et grand tourisme surdouée. À ses débuts l’an dernier, elle a décroché les titres de Voiture de l’année et Design de l’année au niveau mondial après avoir raflé les mêmes distinctions chez nous, malgré son prix substantiel.

Et pourtant cette première R8 était dotée d’un V8 de 4,2 litres et 420 chevaux qu’elle partageait avec la regrettée RS 4 alors qu’on s’attendait plutôt au moteur V10 dont on avait équipé le prototype Le Mans quattro. Imaginez maintenant que l’on remplace son V8 par un V10 et vous obtenez la Audi R8 5.2 FSI quattro 2010.

Une riche lignée en devenir

Et pourquoi ne pas l’appeler R10, puisque la légendaire voiture de course qui a prêté son nom à la R8 est devenue la R10 en changeant de motorisation? Pas question, de dire Andreas Heine, le jeune ingénieur allemand plein d’enthousiasme qui a dirigé le développement de cette deuxième version de la R8. La raison est simple: Audi veut que la R8 devienne son ‘classique’ comme la série 911 pour Porsche, marque à la fois rivale et cousine.

Quant à une R8 équipée d’un moteur diesel comme le V12 qui équipait le prototype R8 V12 TDI Le Mans, dévoilé l’an dernier au Salon de Détroit: patience. Un ingénieur d’Alcan rencontré durant le trajet vers la présentation de la nouvelle R8 assure qu’Audi a déjà produit la version présérie d’une telle voiture. Il faut souligner qu’Alcan est le partenaire d’Audi pour la fabrication de voitures en aluminium comme les R8, S8 et A8.

Or, avec un carnet de commandes déjà débordant et une nouvelle R8 à moteur V10, Audi n’en a aucun besoin pour l’instant, préférant se concentrer sur un nouvel assaut sur les 24 Heures du Mans avec la nouvelle R15, équipée d’un nouveau moteur diesel. Tiens, c’est un V10 cette fois-ci.

Le jeu des différences

Les modifications apportées à la carrosserie et à l’habitacle de la R8 5.2 FSI quattro sont vraiment très discrètes. Les plus évidentes sont les minces tiges chromées de la grille quadrillée de la calandre, des prises d’air plus larges sous les grandes lames verticales derrière les portières, la bande noire qui fait toute la largeur de la partie arrière et les deux embouts d’échappement ovales.

Les seules différences lisibles sont une paire d’écussons ‘V10’ sur les ailes avant et un autre juste devant le moteur, sur un des carénages de fibre de carbone du compartiment-moteur immaculé. Les couvre-culasses du V10 sont évidemment plus longs que ceux du V8 mais la présentation et finition sont identiques. C’est du grand art automobile qu’on peut admirer par la lunette même la nuit, grâce à un jeu de diodes bleutées.

À l’intérieur, on remarque seulement les anneaux rouges autour du pommeau du levier de vitesses et des deux cadrans principaux. Il y a aussi un écusson ‘V10’ au milieu du compte-tours dont la zone rouge s’amorce à 8 400 tr/min.

Cousines ennemies

Le nom R8 5.2 FSI n’a peut-être rien d’excitant mais sa mécanique ne manque pas de noblesse puisqu’elle partage l’essentiel de son V10 avec celui qui propulse la Lamborghini Gallardo LP560-4. Alésage, course, cylindrée et rapport de compression sont identiques mais le rendement et la sonorité affichent des différences marquées, en accord avec le caractère foncièrement différent de la R8 et de la Gallardo.

Cela tient surtout à conception de l’échappement selon Ralph Worret, le jeune docteur en mécanique qui dirige l’équipe qui a conçu et développé les deux moteurs au sein du groupe Audi AG: « la Gallardo est plus nerveuse et directe tandis que la R8 doit être plus souple et civilisée, plus polyvalente ». La cartographie de l’injection directe, le collecteur d’admission et le calage variable de toutes les soupapes y sont également pour beaucoup.

Les chiffres ne mentent pas: le V10 de la R8 5.2 FSI produit 518 chevaux à 8 000 tr/min et celui de la Gallardo LP 560-4 livre 560 chevaux au même régime. Le couple maxi de l’allemande est toutefois de 530 lb-pi à 6 500 tr/min et celui de la germano-italienne de 398 lb-pi, toujours au même régime. Grosse différence.

Côté transmission, on a le même choix de la boîte manuelle ou de la R-Tronic à embrayage automatisé qu’avec la R8 4.2. Leur démultiplication est identique mais la deuxième permettrait de consommer 13,7 litres aux 100 km soit un de moins.

L’empattement de l’Audi est également plus long de 90 mm et elle est plus haute de 87 mm et plus large de 30 mm. Voilà qui explique aussi que la R8 soit une ‘grand tourisme’ d’un confort impressionnant et qu’on puisse la conduire en hiver, ce qui est beaucoup moins sûr pour la Gallardo, selon le chef de projet Heine.

Révélation matinale

De notre base à Marbella sur la côte espagnole il y a 65 kilomètres vers le circuit Ascari et nous allons évidemment nous y rendre dans une R8 5.2. La veille, un premier essai nocturne a permis d’apprécier le faisceau remarquablement uniforme et brillant des nouveaux phares à DEL et la sonorité à la fois plus rauque, plus aigue et plus riche du V10. Un plaisir tempéré par les réactions sèches de la boîte R-Tronic, si on ne prend pas soin de moduler l’accélérateur en passant les rapports sur la route.

Le trajet vers le circuit est révélateur et réjouissant. Sur cette route fluide et sinueuse, je retrouve les réactions félines de la R8. C’est le même aplomb remarquable, la même stabilité et un équilibre à peu près total. L’ingénieur Heine dit que son équipe a surtout cherché à maîtriser l’affaissement de la suspension arrière en accélération, avec le couple supérieur du V10.

Le plaisir rare de conduire une R8 est augmenté par le couple et le souffle du nouveau V10, avec ce côté rageur qui est assez enivrant. Le couple linéaire complète le comportement précis de la 5.2 à merveille. J’aimerais avoir l’oreille absolue et pouvoir vous confirmer que le nouveau V10 de la R8 peut chanter plus haut que le V8 d’une pleine octave. C’est certainement l’impression qui m’est restée à la conduire.

Sur la route qui mène au circuit, roulant à grande vitesse, les oreilles inondées d’une musique mécanique déjà fabuleuse, je réalise que le V10 peut encore prendre quelques centaines de tours avant d’atteindre le rupteur, même si la puissance maxi de 518 chevaux est livrée dès les 8 000 tr/min. Je rétrograde, j’enfonce la pédale et il l’aiguille du compte-tours grimpe vers la zone rouge et la limite de régime à 8 700 tours. Un plaisir envoûtant qui justifie à lui seul les 90 000 $ additionnels qu’il faudra sans doute verser pour s’offrir la R8 5.2 FSI quattro.

Histoire à poursuivre

Le circuit Ascari propose des enchaînements de virages lents et rapides et quelques dénivelés. Nous n’avons droit qu’à cinq tours pour évaluer les deux versions de la R8 5.2. C’est très peu pour explorer le registre d’une telle voiture. Le jour de notre essai, il fait environ 3 degrés. L’adhérence des pneus n’est évidemment pas à son meilleur, surtout qu’il y a des plaques humides par endroits.

Je boucle un premier tour avec antipatinage et antidérapage et deux autres avec une 5.2 à boîte manuelle, antipatinage désactivé. Comme la version 4.2, la nouvelle accepte beaucoup de dérive à l’avant que les pneus ne crissent et en poussant plus, l’arrière décroche, sans excès. La grille métallique de la boîte manuelle ajoute du charme mais il ne faut pas rater son coup et le levier est perché haut sur la console.

Les deux derniers tours dans une 5.2 R-Tronic sont les meilleurs. Antipatinage désactivé, je conduis plus à l’accélérateur et j’arrive à placer la voiture en dérive des quatre roues en virage. Le dernier tour est le plus intéressant, tous systèmes électroniques désactivés: La R8 se comporte alors comme une propulsion ultra-efficace. Le rouage quattro achemine normalement 85 % du couple aux roues arrière qui profitent d’un différentiel autobloquant mais il peut en transférer jusqu’à 30 % aux roues avant selon le contexte.

Les R8 5.2 pilotées sur le circuit sont équipées des freins carbone-céramique optionnels. Impossible de même effleurer leurs limites sur un seul tour, pas plus que celles des freins de métal sur la route. La sensation à la pédale est identique; ferme et constante. Les grandes qualités des freins au carbone: ils vont durer aussi longtemps que la voiture (à moins de fréquenter les circuits) et ils ne déposent aucune suie sur les belles jantes d’alliage.

Pour ce qui est du prix, on ne sait pas encore combien se vendra la nouvelle R8 chez nous mais les Allemands pourront bientôt se l’offrir pour un prix de base de 142 000 Euros. En comparant le prix de la R8 4.2 là-bas et chez nous, on en arrive par règle de trois à environ 180 000 $, ce qui est supérieur au prix de base actuel d’une Corvette ZR1 (127 545 $) ou d’une Porsche 911 Turbo (161 700$) mais encore très loin des 260 000 $ que commande une Gallardo. Chose certaine, cette nouvelle R8 mérite incontestablement sa place parmi les grands, à l’image des pur-sang d’Ingolstadt qui règnent sur les 24 Heures du Mans et l’endurance depuis près d’une décennie.

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