Chevy Van G20 1985: Un amour de Chevrolet

Toute cette histoire commence dans un paisible camping du petit village de Montebello en Outaouais. Cela va bientôt faire trois jours que ma copine et moi dormons entassés dans mon vieux Mazda Protegé nauséabond et microscopique. Tout en massant mes articulations endolories, debout dans le chemin, une idée faisait déjà son sillon dans mon esprit et me faisait rêvasser : un jour, j’aimerais avoir une camionnette… Mais pas n’importe quelle camionnette, car je dois vous faire une confidence, je suis un passionné de véhicules antiques et ayant récemment complété une formation en carrosserie, je me sens d’attaque pour l’acquisition de mon premier projet.

L’été passe… Le Mazda approche les 400 000 km. Il rugit, il pue à réveiller les morts et il a très mauvaise mine. Certains trous sont assez gros pour y rentrer mon bras jusqu’au coude. Bref, j’ai besoin d’une nouvelle voiture… pas chère! C’est alors que Thérèse fait son apparition dans ma vie.

Thérèse est la propriétaire de la vieille maison de la commune où réside mon frère. Depuis sept ans, elle est la propriétaire d’une Chevy Van G20 1985. Par un heureux hasard, elle apprend que je cherche une camionnette, de préférence ancienne, pour une longue restauration. Elle décide de me la vendre pour 400 dollars. Je lui dis oui sans aucune hésitation! Thérèse me tend les clés; le regard brillant, elle me lance : « Allez! Va faire un tour! » Ma copine et moi sortons de la maison, ivres d’excitation, et courons vers la vieille grange. J’avais déjà conduit la vieille Chevrolet auparavant, mais cette fois c’était spécial. Cette fois, elle serait la mienne.

Tout de suite, le trip commence. Le véhicule, qui démarre au quart de tour, émet un grondement apaisant et réconfortant. On se sent puissant et invincible, mais surtout lourd, ce que l’on est d’ailleurs à plus de 4 000 livres. On sent bien que l’on peut passer à travers n’importe quoi ou n’importe quelle situation périlleuse. Une garde au sol élevée assure un débattement maximal des robustes suspensions, ce qui peut être bien utile pour se sortir d’une fâcheuse position.

Un petit bloc de 5,0 litres à double corps et une transmission automatique à trois rapports assurent la motorisation. Ce qui offre (à ma grande surprise) une franche accélération et des crissements de pneus, tout en gardant une consommation « raisonnable ».

Je dois dire que ce qui m’a avant tout conquis, c’est la conduite et l’ambiance chaleureuse qui règne dans l’habitacle de la Chevy Van. Les garnitures nous font tout de suite voyager dans une autre époque et on aime s’y laisser transporter. Planche de bord en vinyle bleu royal sur fond de tôle blanc cassé qui rappelle la couleur d’origine : blanc. Une « radio am » — aux gros boutons chromés émettant une lumière verdâtre à l’intensité glauque — enchaînant les plus grands succès du country francophone via de petits haut-parleurs en carton (véritablement!) cachés à l’avant du tableau de bord. Tonalité stridente et décevante. Mais en réalité, je ne m’attendais même pas à avoir une radio et encore moins à ce qu’elle fonctionne! Ce qui est très bien! Le volant est assez petit, mais donne une bonne prise. Cependant, il peut être glissant s’il est humide. Évidemment, il n’y a pas de fenêtres électriques, mais une section de vitre qui s’ouvre avec un petit levier. Malheureusement, le joint en caoutchouc de cette section causera des ennuis et des problèmes de rouille.

Côté conduite et comportement routier, ce fut pour moi un autre coup de cœur. On n’a vraiment pas l’impression d’être dans un véhicule qui pèse presque deux mille kilos… et qui vient d’avoir 30 ans! Des miroirs convexes enlèvent toute impression de longueur et la direction fluide et facile à manier plaît même aux plus nerveux et anxieux conducteurs.

Le véhicule est stable et inspire la confiance. Lorsqu’on met la transmission sur le « D », on sent un choc brutal. La seule chose qui peut causer des ennuis est, selon moi, la visibilité. Les fenêtres sont trop petites, ce qui gêne pour les angles morts et pour certaines manœuvres. La Chevy Van n’est vraiment pas faite pour les gens pressés. Elle exige de la patience et de la retenue, une conduite souple et détendue est donc requise.

Il faut aussi savoir que le véhicule demande beaucoup d’amour et de soins. Quelques éléments de la carrosserie sont perforés par la rouille et certaines composantes mécaniques sont encore à ajuster ou à remplacer, car la camionnette a été certifiée 100 % originale. La plupart des pièces sont fatiguées et désajustées, c’est pourquoi il faut être patient et ingénieux avec les réparations, car bien souvent, c’est du « fait maison ».

Si je n’avais eu aucune compétence et aucun contact avec l’industrie de l’automobile, je ne crois pas que je me serais lancé dans un tel projet. Donc, est-ce qu’acheter une vieille voiture est une bonne affaire pour tout le monde? Je dirais malheureusement non, mais la PATIENCE et le temps sont des outils essentiels. Toujours se souvenir que l’on ne pourra pas travailler tous les jours sur notre joujou adoré. Si l’on adopte ce mode de pensée, on part avec une attitude gagnante et l’on évite toute déception et frustration.

Au final, quels sont mes gains? Ma transaction a été conclue avec succès et sans souci. J’ai assouvi ma passion pour l’automobile et mon désir pour les véhicules antiques. J’ai obtenu une caravane de tournée, une maison sur roues, un mode de vie et rendu ma copine très heureuse! Tout ça pour 400 dollars…

Y aurait-il une morale dans cette histoire? Je crois que les rêves sont à la portée de tous et, souvent, ils sont bien plus accessibles qu’on ne le croit. Quelquefois, dans la vie, il faut lâcher toutes nos bébelles électroniques et se rapprocher des choses vraies et simples. D’avoir le courage d’ouvrir le capot et de prendre la mécanique en main.

Louis-Paul Gauvreau

Partager sur Facebook

À lire aussi

Et encore plus

En collaboration avec nos partenaires