La Porsche Turbo Carrera 1977 : Un monstre sacré!

Cet essai routier a été publié dans le Guide de l'auto 1977.

Depuis quelques années, il faut bien le dire, nous avions perdu l'habitude de nous enthousiasmer pour une automobile et nous cherchions vainement une nouvelle signification à ce qu'on appelle le plaisir de conduire. Écrasées par les restrictions des normes gouvernementales, les voitures d'aujourd'hui n'inspirent plus de grandes passions. Comme tant d'autres amateurs de belles performances, nous étions prêt à capituler en pensant aux joies du passé jusqu'à ce que l'on nous offre de faire l'essai de cette fabuleuse Porsche Turbo Carrera.

Sans nous demander ce que vient faire sur le marché une voiture aussi rapide (156 mph) et aussi dispendieuse (37 900 $) en notre époque d'inflation et de limitation de vitesse, nous avons redécouvert l'automobile dans toute sa grandeur tout en vivant des émotions que nous croyions à jamais perdues.

Ces remarques paraîtront irraisonnées à ceux qui considèrent l'automobile comme un « mal » ou un « bien » nécessaire, mais il faut comprendre que la Porsche Turbo Carrera n'est pas une voiture de grande diffusion, mais une sorte de reproduction à tirage limité d'un chef-d’œuvre technique. Elle est destinée à cette clientèle bien nantie qui voit dans l'automobile une forme d'expression artistique se manifestant au niveau des performances disponibles ou de l'exécution. Dans cette optique, la Porsche Turbo Carrera atteint un degré de perfection quasi inattaquable.

Son prix est un tribut à payer à l'exclusivité et au raffinement de sa mécanique. On en a produit tout au plus 1000 exemplaires pour l'année 1976 et, de ce nombre, seulement 16 ont été réservées au marché canadien.

Le prix de 37 900 $ comprend le coût du transport aérien afin que chaque voiture soit livrée à son propriétaire dans un état immaculé. Le nom du propriétaire est aussi gravé sur une petite plaque fixée au tableau de bord de série comprend un climatiseur d'air, un appareil de radio à bandes AM, FM et ondes courtes avec sélection automatique électronique, lecteur de cassettes et magnétophone, des glaces à commande électrique, un dispositif de lave-phares, un essuie-glace de lunette arrière, un rétroviseur extérieur chauffant à réglage électrique et des phares anti-brouillard.

La mécanique

Enfin, il y a la mécanique... Précisons d'abord que la Turbo Carrera fait la preuve qu'une ligne réussie ne se démode pas. Elle se présente en effet sous les traits de la Porsche 911 dont les débuts datent de 1963. Côté carrosserie, elle se distingue toutefois par son déflecteur avant, ses ailes arrière considérablement élargies et cet aileron arrière qui lui confère toute son agressivité. À l'intérieur, cette super Porsche nous montre que le luxe et le confort ne sont pas incompatibles avec la haute performance.

En plus des sièges garnis de cuir, l'équipement de série comprends un climatiseur d’air, un appareil de radio à bandes AM, FM et ondes courtes avec sélection automatique électronique, lecteur de cassettes et magnétophone, des glaces à commande électrique, un dispositif de lave-phares, un essuie-glace de lunette arrière, un rétroviseur extérieur chauffant à réglage électrique et des phares antibrouillard.

Les caractéristiques techniques de la Porsche Turbo démontrent encore plus clairement ce qui en fait un modèle hors-série. Bien que ses organes mécaniques soient similaires à ceux de la 911, ils n'en ont pas moins subi d'importantes modifications. L'embrayage et la boîte de vitesses sont plus robustes, le châssis s'apparente à celui de la Carrera RSR de compétition, les bras oscillants de la suspension en fonte d'aluminium sont de conception nouvelle et les roulements de roue ont été empruntés à la Porsche 917.

On trouve également des freins à disques ventilés aux quatre roues et des pneus arrière surdimensionnés 215/60 VR 15 par opposition aux 185/70 VR 15 du train avant.

La technique turbo

Toutes ces modifications ont été rendues nécessaires à cause du moteur puisque c'est là, sous le capot arrière, que se joue toute l'existence de la Porsche Turbo Carrera. Après avoir fait triompher le principe du turbo-compresseur sur toutes les pistes de course du monde, les ingénieurs de chez Porsche ont réussi à l'adapter à une voiture d'utilisation routière alors que plusieurs autres constructeurs avaient échoué dans cette même tentative. À cause de l'énorme surcroit de puissance qu'il engendre, le turbocompresseur a vite fait de faire « sauter » un moteur si celui-ci n'est pas d'une solidité à toute épreuve.

Grâce à l'expérience acquise en course, Porsche a réussi à contourner cette difficulté et à réaliser une voiture qui est une synthèse fascinante entre un engin de compétition, une Grand Tourisme ultraconfortable et un véhicule urbain parfaitement adapté à la circulation de tous les jours.

Pour les profanes, résumons brièvement la technique du turbo-compresseur qui donne au moteur 6-cylindres à plat de 3 litres de la Turbo Carrera l'étonnante puissance de 234 ch à 5500 tours/minute.

Le turbo-compresseur utilise le courant des gaz d'échappement pour suralimenter le moteur ou, si l'on veut, enrichir le mélange air-essence. Il est composé d'une roue de turbine et d'une roue de compresseur fixées l'une et l'autre sur un arbre commun. La roue de turbine est actionnée par les gaz d'échappement du moteur et amenée à une vitesse de 90 000 tours/minute.

La roue de compresseur tourne à la même vitesse. Elle aspire l'air par l'intermédiaire du filtre à air, du régulateur de mélange et de la conduite d'aspiration, comprime l'air jusqu'à 0.8 atm. et l'envoie aux cylindres en le faisant passer par la canalisation de compression, le carter de papillon et le distributeur d'air aspiré. Il en résulte une poussée considérable qui se manifeste aux environs de 3800 tours/minute et qui propulse la voiture à une allure démentielle. La puissance d'accélération est d'ailleurs tellement phénoménale que la Turbo s'accommode fort bien d'une boîte de vitesses à quatre rapports. Dans ces conditions, le secret de robustesse du moteur s'explique partiellement par son rapport volumétrique très faible de 6.5 à 1 qui a aussi l'avantage de réduire sensiblement son taux de pollution.

Au volant

Ce serait faire injure à cette Porsche Turbo que de nous attarder à son aménagement intérieur pour vous dire que certaines commandes ne sont pas très facilement accessibles. Les acheteurs éventuels pourront toujours s'acquitter eux-mêmes de cette tâche. Nous avons préféré consacrer tout notre temps à chiffrer les performances de la Turbo et à nous gaver du plaisir de la conduire.

Nous n'avions pas sitôt pris le volant de la voiture que nous nous dirigions vers la piste de Sanair afin de pouvoir lui permettre de s'exprimer en toute quiétude. Dans les encombrements du centre-ville ou sur la route, on constate tout de suite qu'il s'agit sans doute de la voiture haute performance la plus facile à conduire. Contrairement à ces Ferrari ou Lamborghini trop « pointues » qui préfèrent les grands espaces, cette Porsche se prête aussi bien à la flânerie qu'au sprint final.

Au ralenti, le moteur tourne régulièrement à 1000 tours/minute et s'avère d'une souplesse remarquable. Et si l'on veut disparaître de la circulation à la vitesse de l'éclair, il suffit d'enfoncer l'accélérateur et bonjour la visite... Le turbo entre en action et vous êtes calé dans votre siège avec une force inouïe comme l'indiquent les temps d'accélération relevés à Sanair. Avec une vitesse de pointe de 156 mph, la Porsche Turbo ne peut prétendre tenir tête à une Ferrari Boxer ou une Lamborghini Countach mais elle devance facilement ces dernières aux accélérations. Jamais encore nous n'avions pu avec une voiture de route passer de 0 à 30 mph en moins de 2 sec. ou réaliser le 0-100 mph-0 en 19.8 sec. Ces performances sont d'autant plus remarquables que le turbo-compresseur n'entre en fonction qu'après un délai d'une seconde lorsqu'on enfonce l'accélérateur.

Les vitesses dont la Porsche Turbo est capable ne compromettent jamais la sécurité, grâce à une stabilité qui, à 120 mph, vous donne l'impression de rouler à 70 mph. Les freins non plus ne peuvent jamais être pris en défaut et la voiture s'arrête encore plus rapidement qu'elle accélère. 

Nous devons toutefois nous montrer plus sceptique quant à l'efficacité des pneus Dunlop qui équipaient notre voiture d'essai. Sans doute à la hauteur de leur tâche pour la conduite semi-rapide, ils ont une perte d'adhérence très imprévisible lorsqu'on veut pousser la voiture au maximum de ses possibilités en virage. Nos quatre tête-à-queue sur la piste de Sanair nous en ont rapidement convaincu. Les Pirelli CN36 sont, paraît-il, beaucoup mieux adaptés à la Turbo Carrera.

Plus on conduit cette Porsche cependant, plus on recherche les adjectifs flatteurs et les superlatifs pour la décrire.

Il faut vraiment se montrer pointilleux et chercher la petite bête noire pour la prendre en faute. Pour la postérité, on peut toujours ajouter que la voiture est essentiellement sous-vireuse et que l'ancienne technique qui consistait à relâcher quelque peu l'accélérateur pour rompre l'adhérence des roues motrices est très difficile à pratiquer avec la Turbo. Les pneus s'accrochent avec acharnement jusqu'à ce qu'ils relâchent leur emprise de façon très imprévisible. Nous n'avions d'ailleurs pas encore commencé à « pousser » la voiture et nous commencions tout juste à la prendre en main lorsque le train arrière s'est avisé de partir dans l'autre direction à Sanair. Ces mêmes pneus sont d'ailleurs un handicap quand vient le moment de chronométrer le savoir-faire de la Turbo Carrera aux accélérations. Il est difficile de trouver le juste milieu entre un moteur calé ou un embrayage grillé lorsqu'on veut lui faire jouer les dragsters.

Porsche Canada nous dit d'ailleurs que les prochains modèles de la Turbo Carrera seront dotés de nouveaux pneus Pirelli encore plus larges (205 et 225/55 VR) montés sur des roues de 16 pouces de diamètre. Les freins, qui sont déjà parfaitement à la hauteur, seront également assistés. De plus, le tableau de bord comportera une jauge de pression pour la poussée du turbo-compresseur.

Il ne faudrait pas croire que la Porsche Turbo Carrera est une voiture uniquement destinée à vous défouler sur les circuits de vitesse. Bien au contraire, son comportement sur la route est celui d'une Grand Tourisme parfaitement rompue aux exigences de la circulation de chaque jour. En ville, elle se conduit aussi facilement qu'une Coccinelle et ne laisse jamais deviner ce qu'elle a dans le ventre. On peut tout juste se plaindre du sifflement de la pompe à essence et d'un volant qui se ressent peut-être un peu trop des inégalités du revêtement.

À basse vitesse, la suspension est résolument ferme mais pas au point d'être inconfortable et on apprécie toujours cette remarquable solidité des carrosseries Porsche.

Conclusion

Réunissant un confort et un luxe peu communs pour une voiture de sport et des performances qui dépassent l'imagination, la Turbo Carrera est le couronnement de la technique Porsche, une technique dûment apprise dans les laboratoires et les circuits de vitesse. Dans les annales de l'automobile, la Porsche Turbo Carrera s'inscrit comme un monstre sacré et l'une des grandes réussites de notre temps.

FICHE TECHNIQUE

Style: coupé 2 portes, 2 + 2

Empattement: 227 cm (89.4 po) 

Carrosserie 

Longueur: 429 cm (168.9 po) 

Largeur: 177 cm (69.8 po)

Hauteur: 132 cm (52 po) 

Poids: 1195 kg (2635 lb)

Moteur

Type: arrière, 6 cyl. à plat, refroidi à l'air 

Cylindrée: 2993 cc (182.6 po3) 

Puissance: 234 ch à 5500 tpm 

Alimentation: à injection continue et turbocompresseur 

Essence: super, octane minimum 96

Transmission 

Nombre de rapports: 5 

Rapport du pont: 4.222

Suspension

Avant: barres de torsion

Arrière: à bras tirés, roues indépendantes

Freins

Avant: disque

Arrière: disque

Direction

Type: à crémaillère

Diamètre de braquage: 10.8 mètres (35.4 pi)

Divers 

Pneus: avant: 185/70VR15 arrière: 215/60VR15 

Capacité de carburant: 78.7 litres (17.5 gal) 

Garantie: 12 mois 20 000 milles

Accélérations 

0-30: 1.4 sec. 

0-40: 2.8 sec. 

0-50: 4.2 sec. 

0-60: 5.1 sec. 

0-70: 7.3 sec. 

0-100: 14.2 sec. 

Performances 

Quart de mille: 14.2 sec. à 100 mph 

Reprises: 30-60: 5 sec. 

50-70: 3.1 sec.

Vitesse maximale: 250 kmh (156 mph) 

Consommation moyenne: 22 mpg (12.9 litres/100 km) 

Autonomie moyenne: 385 milles (616 km)

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