Nissan GT-R 2013 - Quatre jours en Batmobile

Points forts
  • Accélérations stupéfiantes
  • Tenue de route sans compromis
  • Freinage surpuissant
  • Construction solide, finition soignée
  • Instrumentation efficace
Points faibles
  • Extrêmement sensible aux ornières
  • Roulement encore très ferme
  • Échappement et boîte de vitesses bruyants
  • Places arrière risibles
  • Reflets dans le pare-brise
Évaluation complète

Comme le requin dans Jaws ou le Tyrannosaurus Rex de Parc jurassique, la menace que constituait la GT-R pour l’élite des sportives occidentales a précédé de beaucoup l’apparition de la bête dans sa version de série au Salon de Tokyo 2007. Sans les effets sonores, quand même. Elle s’est d’abord manifestée par le dévoilement de prototypes en 2001 et en 2005, mais surtout par la publication de la fiche technique impressionnante de ce nouveau missile terrestre de Nissan.

Versions sérieusement vitaminées de la Skyline japonaise, les GT-R précédentes étaient déjà des voitures mythiques pour les passionnés et les adeptes des jeux de simulation, Gran Turismo en tête. Les championnats et records collectionnés sur les circuits par les versions R32, R33 et R34 le confirmaient sans équivoque. Or cette nouvelle R35 GT-R allait s’attaquer aux meilleures sportives de la planète entière, pas seulement aux japonaises. Et pour la première fois elle était construite sur sa propre plate-forme baptisée Premium-Midship (PM) alors que les Skyline partagent l’architecture FM et se déguisent chez nous en Infiniti G37.

Chevaux cachés et rendez-vous ratés

Sous le capot de la nouvelle GT-R trône un V6 de 3,8 litres à double turbo coiffé d’un collecteur d’admission argenté et rouge. Nissan annonçait modestement une puissance de 480 chevaux, mais il en transmettait sans doute déjà plus de 500 aux quatre roues par un rouage intégral électronique ultraraffiné. La GT-R promettait des performances et une tenue de route exceptionnelles pour un prix à l’avenant.

Or, le massacre n’a pas eu lieu et les rivales ont survécu. La GT-R a inscrit des chronos hallucinants et gagné quelques batailles. Mais pas la guerre. Elle a également raté des rendez-vous importants. À nos yeux et à ceux des lecteurs du Guide de l’auto, à tout le moins. D’abord le match des sportives de l’édition 2009 à cause d’une interdiction de rouler sur circuit et tout récemment celui de l’édition 2013 parce que la GT-R du millésime n’a pu s’y présenter à temps.

Dans la première GT-R, j’ai heureusement pu enfiler des dizaines de tours à fond sur un parcours balisé lors des essais annuels de l’AJAC. Assez pour découvrir un engin d’une efficacité et d’une intensité inouïes. Rapide, directe et excitante comme aucune autre. Presque brutale, en fait. Un tournage au circuit Saint-Eustache pour l’émission du Guide de l’auto m’a appris ensuite qu’elle aime moins les longs virages où elle sous-vire nettement si l’on met les gaz trop fort.

Les prouesses de la GT-R sur un circuit avaient amené le mordu de pilotage que je suis à lui pardonner ses manières rudes, les gros bruits de sa boite de vitesse et la fermeté tout juste tolérable de sa suspension sur la route. De façon plus objective, le journaliste automobile qui partage le même cerveau pouvait seulement conclure que cette bête mécanique est loin d’être pour tout le monde.

Cent fois sur le métier…

Les ingénieurs et designers n’ont pas chômé après le lancement de cette première GT-R. Elle a effectivement été mise à jour plusieurs fois depuis. La puissance officielle de son moteur est notamment passée à 485 chevaux, puis à 530 l’an dernier en enfin à 545 chevaux pour le modèle 2013 qui est en vente depuis ce printemps. Le prix a également vite grimpé des 80 000 $ que Nissan en demandait à l’origine à plus de 100 000 $ maintenant. La note est même de 113 380 $ pour la version Black Edition. On est déjà dans une autre ligue.

La suspension, la boite de vitesse, les freins ont été modifiés pour bonifier le comportement mais aussi la civilité. La carrosserie a également été retouchée pour améliorer le refroidissement et l’aérodynamique sans que la silhouette ait changé pour la peine. La GT-R doit conserver ses lignes anguleuses taillées au scalpel, sa calandre béante, ses quatre grands feux de frein ronds et son quatuor d’échappements format bazooka.

À défaut d’avoir pu inscrire la GT-R au match des sportives du Guide 2013 nous avons sauté sur l’occasion de conduire celle qu’on nous a prêtée pour un essai de quatre jours. Une voiture empruntée à un concessionnaire, semble-t-il, que nous avons promis encore une fois de ne pas amener sur un circuit. Je ne peux donc rien vous dire de sa tenue de route à la limite de l’adhérence, mais je ne doute aucunement que la froide sauvagerie de la GT-R est intacte. Sinon améliorée.

Records de sprint mécanique

Je me suis par contre empressé de sauter dans la blanche GT-R avec mon VBox et d’aller mesurer ses performances. Question de voir l’effet des 60 chevaux supplémentaires, mais aussi d’essayer le nouveau mode départ-canon que Nissan a baptisé Mode R et qui est expliqué clairement dans le manuel. L’opération est simple : on place la boite de vitesse et l’antidérapage (VDC) en mode R, on met le pied gauche sur le frein, on enfonce l’accélérateur à fond, l’aiguille du compte-tours grimpe à 4 000 tr/min, on lâche les freins et la GT-R bondit en faisant patiner ses roues arrière juste ce qu’il faut.

Wow, ça fonctionne du premier coup maintenant! Pas comme avec la première GT-R. Les deux premiers essais sont bons. Au troisième, par contre, la puissance coupe net juste après le démarrage. Un message au tableau de bord annonce que les embrayages surchauffent et qu’il faut laisser le rouage se refroidir. J’étais averti. C’était mentionné dans le manuel. Je roule doucement pour laisser respirer cette mécanique complexe, bourrée de contrôles électroniques.

Quelques minutes plus tard, la GT-R avale facilement deux autres 1/4 de mille. Les chiffres sont encore meilleurs. Ce sont en fait les meilleurs chronos enregistrés à ce jour : un 0-100 km/h en 3,33 secondes et le quart de mille en 11,41 secondes. C’est mieux que les temps de 3,80 et 11,75 secondes de la Porsche 911 Turbo qui est toutefois plus rapide au bout du ¼ de mille avec une pointe de 199,9 km/h contre les 198,3 km/h de la GT-R. Mes meilleurs résultats, avec la première GT-R, avaient été de 3,85 secondes et 12,00 secondes à 193,0 km/h, respectivement.

Je précise que ces données ne tiennent pas compte du one-foot rollout qui simule le chronométrage d’une piste d’accélération où le premier pied (30 cm) du parcours n’est pas mesuré. La différence peut aller de 2 à 4 dixièmes de seconde. Au freinage la GT-R a stoppé de 100 km/h en 35,0 mètres juste contre 34,82 pour la 911 Turbo.

L’impatience d’un pur-sang

En conduite normale, la GT-R m’est apparue cette fois comme une version civile de la Batmobile. Sans les lance-roquettes! Pour le style, à tout le moins. C’est ce que je me suis dit en sortant de la salle après le film de l’été. Elle avait même l’air presque docile et inoffensive dans sa livrée ivoire mais je ne compte plus les têtes tournées, les saluts approbateurs, les téléphones et les caméras braqués sur elle. Même sur l’autoroute.

À l’arrêt ou à faible vitesse sur une chaussée lisse, la GT-R est sage comme une image mais ça ne dure jamais très longtemps. Aussitôt qu’on accélère le moindrement, la bête s’éveille et arrive difficilement à contenir ses nerfs et sa musculation. Un peu comme Hulk juste avant qu’une millième chemise se déchire sur son dos, pour rester dans le thème.

Même en réglant systématiquement les amortisseurs Bilstein en mode Confort, le roulement est ferme et le sursaut intense sur la moindre fente. Avec ses larges pneus, la GT-R réagit également aux roulières et suit le profil de l’asphalte comme aucune autre voiture à ce jour. Avec sa direction vive, sans le moindre jeu, il faut une attention de tous les instants pour maintenir le cap. Pour le pilote, le siège, l’ergonomie de conduite et les contrôles sont impeccables. Idem pour le volant qui se règle uniquement en hauteur, à l’unisson avec une nacelle qui loge un jeu de superbes cadrans.

[NOTE – en fait il y a aussi un réglage télescopique pour le volant, commandé par un deuxième levier placé sous la colonne de direction. À ma connaissance, aucun autre constructeur n’utilise deux mécanismes séparés pour ces réglages. Ça explique une partie des 1 737 kilos de la GT-R, une centaine de plus que la 911 Turbo actuelle]

En mode promenade, je me suis mis à rouler lentement parce que la note sourde des quatre gros échappements devient franchement insupportable à la longue quand on roule à deux. J’aurais volontiers appuyé sur un bouton qui réduirait ce bourdonnement de moitié. Le contraire de ce qu’on trouve chez certaines rivales allemandes. Le patrouilleur de la SQ semblait intrigué – ou désolé – dans sa Charger de me voir rouler à seulement 100 km/h sur la 10 dans une telle voiture. Ce rythme m’aura au moins permis d’abaisser la consommation réelle à 10,93 L/100 km sur mon parcours habituel.

De grands défis pour la prochaine

Comme grand-tourisme, on trouve facilement mieux que la GT-R. J’aurais vraiment aimé voir comment elle se serait débrouillée face à la Porsche 911 Carrera S, la Audi TT RS et la Mercedes-Benz SL 550 dans notre match. Elle aurait certainement été démentielle au circuit ICAR, mais aurait sans doute fini par devenir ahurissante sur les quelques centaines de kilomètres de notre boucle routière.

Parions également que la prochaine Porsche 911 Turbo reprendra ses records d’accélération et que la version de série de la spectaculaire Acura NSX chipera à la GT-R son titre de meilleure sportive nipponne, prix pour prix. Chose certaine, les ingénieurs de Nissan devront se surpasser pour que la prochaine soit à la hauteur de sa réputation et du culte qu’on lui voue tout en devenant plus frugale et raffinée, comme ses meilleures rivales. Sinon elle risque l’extinction comme ce bon vieux T-Rex mutant qui lui a valu son redoutable surnom de Godzilla.

Cela dit, il y aurait sans doute une GT-R dans mon garage de rêve pour cette férocité incomparable sur un circuit, mais sûrement pas si c’est la seule sportive que je peux y garer.

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