David E. Davis: un légendaire chroniqueur automobile nous a quitté

Je ne sais pas combien de gens au Québec connaissaient David E. Davis. Mais toutes celles et ceux qui ont lu les publications Car & Driver et Automobile savent de qui je parle. Ce coloré journaliste automobile nous a quitté à la fin du mois de mars. Son décès laisse un vide important dans la confrérie nord-américaine des chroniqueurs automobiles. Il  connaissait une demi retraite depuis quelques années, il avait après tout 80 ans, mais au cours de sa carrière, il a remodelé le métier et a influencé des dizaines de journalistes dans l'exercice de leurs fonctions.

Résumons ses faits d’armes. Lorsqu'il est arrivé à la barre de la revue Car & Driver dans les années 70, il a œuvré  pour que les journalistes exerçant le métier soient reconnus davantage, soient également mieux payés et il a beaucoup insisté sur la qualité des textes et des photographies. En plus, il a incité ses journalistes à donner l’heure juste et à écrire ce qu'ils conduisaient même si cela risquait de froisser le constructeur. Il a ensuite quitté cette publication après l'avoir rendu la plus importante  au monde pour fonder la revue  Automobile avec le soutien financier de Robert Murdoch en 1986. Lorsqu’il a quitté le magazine, il a contribué au lancement de Winding Roads, une publication automobile publiée exclusivement sur l’internet.

Sa plume souvent vitriolique avait pour effet de faire rager les compagnies automobiles. Suite à un commentaire jugé trop sévère par des constructeurs comme Ford et GM, ceux-ci  ont même retiré toutes leurs publicités des publications qu’il dirigeait. Il maniait la plume comme les mousquetaires maniaient l'épée et il touchait souvent la cible, ce qui avait pour effet d'enrager bien des gens.

Soulignons au passage que notre homme a également travaillé pour des compagnies publicitaires et il a rédigé plusieurs textes commerciaux pour la Chevrolet Corvette. La légende veut que ce soit David E. qui ait trouvé le célèbre slogan : « Baseball, hot-dogs apple pie and Chevrolet », une des publicités les plus efficaces des 50 dernières années.

David E. :l’homme

Tout le monde le connaissait, et tous les chroniqueurs américains l’appelaient David E. J'ai eu l'occasion au cours de ma carrière de fréquenter cet homme qui était haut en couleurs. Plusieurs ont été la cible de ses remarques acerbes, de ses critiques et même de ses propos dérisoires. Il pouvait être aussi charmant que détestable. Même ses meilleurs amis lui en ont voulu à mort en certaines circonstances.

Je dois me compter chanceux, car il a toujours été d’un commerce agréable avec moi. Ma première rencontre avec David E. est survenue  au début des années 80 alors que je participais à un voyage de presse chez Jaguar en Grande-Bretagne. Imaginez, le petit journaliste québécois, attablé aux côtés de cette légende vivante qui dirigeait alors le magazine automobile le plus important de la planète. Il faut également savoir que notre homme était toujours habillé comme un dandy et il appréciait beaucoup les luxueux complets de Saville Row de Londres. Je faisais piètre figure à ses côtés avec mon veston de chez L.L. Bean.

Mais au cours des discussions, nous avons découvert que nous avions certains intérêts en commun. Je ne sais comment, mais nous en sommes venus à parler des chiens de chasse. Je suis certain d'avoir remonté dans son estime alors que je lui ai avoué avoir un Drahthaar, un chien de chasse allemand à poils rudes. David E. pour sa part possédait un Spinone, une version italienne du même chien ou presque. Un autre point que nous avions en commun était notre affection pour les produits Orvis. Cette célèbre marque américaine est reconnue pour la qualité de ses produits de plein air. Par contre, j'étais intéressé aux produits Orvis pour la pêche à la mouche, tandis que lui n’en n’avait que pour les magnifiques fusils de chasse de fabrication britannique importés par cette compagnie. Et bien entendu, nous aimions les mêmes voitures.

Bref, nous avions plusieurs points en commun, mais de  grandes différences nous séparaient. On dit que les opposés s’attirent, cela devrait être le cas. Au fil des années, nous nous sommes croisés à de multiples reprises, généralement lors de lancements de modèles. À une occasion, nous avons roulé ensemble et j'étais au volant de la voiture lorsque la grosse berline allemande que je conduisais dans les Alpes a manqué de freins. Un peu comme dans les films, nous avons descendu la route en zigzag avec des crissements de pneus, beaucoup de fumée et des dérapages assez spectaculaires. Malgré tout, j'ai réussi à maîtriser la bête et à l'immobiliser en bas de la montagne. David E., qui était un conteur hors pair, a décrit cet événement au souper et il ne tarissait pas d’éloge à mon sujet. J'avais sans doute été chanceux, mais il avait été impressionné.

Mais ce qui va passer à la légende, ce sont ses articles sur les belles voitures, son goût pour le luxe et les bonnes tables en plus d'être un personnage dominant du journalisme automobile nord-américain pendant au moins quatre décennies.

Son leitmotiv était : ‘‘Cogito ergo zoom", soit ‘‘ Je pense, donc je roule à fond". Il aura été flamboyant toute sa vie et il a influencé des dizaines de personnes qui sont devenues d'excellents chroniqueurs automobiles. Nous te saluons une dernière fois David E.

En hommage à ta mémoire, je vais boire un excellent scotch. Mais pour respecter le personnage, je vais attendre de le faire dans le cadre d’un lancement d'un nouveau modèle et je vais refiler la facture au constructeur qui m’aura invité, comme notre homme savait si bien le faire!

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