Véhicules électriques : un pas en arrière pour mieux avancer?

Le premier ministre Carney annonçait cette semaine un recul face aux objectifs de 2026 quant aux ventes de véhicules zéro émission. Un soupir de soulagement pour l’industrie automobile tout entière, qui aura appris à ses dépens que les gouvernements prennent souvent des décisions sans en mesurer les conséquences, sans comprendre les enjeux, autres que les aspects politiques...

En premier lieu, précisons que le développement d’un véhicule à partir d’une feuille blanche exige en moyenne de trois à cinq ans de travail. De ce fait, comprenez que des constructeurs comme Ford, General Motors, Hyundai et Volkswagen travaillent donc actuellement sur des produits qui ne verront pas le jour avant 2029 ou 2030.

Ceux-ci conçoivent bien sûr des véhicules d’abord en fonction de la réglementation, puis en fonction d’une certaine profitabilité et des désirs de la clientèle. Or, il est extrêmement difficile d’anticiper la réglementation qui sera en place dans quatre ou cinq ans, surtout dans le contexte politique actuel... Un contexte qui implique des changements de gouvernement chaque quatre ans, ce qui s’accompagne inévitablement de décisions diverses.

Et étant donné que les États et provinces ne nagent pas tous et toutes dans la même direction, cela complexifie de façon ridicule le développement et la commercialisation de divers produits. On ne vend donc pas un Hyundai Ioniq 5 de la même façon au Québec qu’en Alberta. Hyundai pourrait ainsi choisir de ne pas l’offrir dans certains États américains qu’il n’y aurait aucune différence sur les ventes : les mœurs des acheteurs ne sont pas les mêmes, et la réalité démographique et politique diffère aussi complètement.

Photo: Hyundai

Depuis quelques années, certains paliers de gouvernement - dont celui du Québec - ont voulu forcer l’industrie automobile à maximiser la vente de véhicules électriques. Serait-ce pour des raisons politiques, environnementales, financières, voire dans l’optique d’un meilleur contrôle de l’énergie? Toutes ces réponses sont bonnes. Or, les décisions souvent prises de façon maladroite et sans connaissance de leur impact ont mis les constructeurs et les concessionnaires dans un merdier sans nom.

Pensez au retrait instantané des crédits gouvernementaux, aux objectifs distincts des provinces et du fédéral, et au plafond d’admissibilité des crédits, qui ont forcé les fabricants à vendre des VÉ à 64 999 $... ou moins. Un véritable foutoir! Et en ce moment, nous attendons toujours le retour promis d’un crédit fédéral pour véhicule électrique, annoncé début juin. Inutile de vous dire que cette annonce a fait en sorte de freiner temporairement les ventes de VÉ, les personnes intéressées ayant décidé de patienter jusqu’au retour de ce crédit.

Les consommateurs ne réalisent toutefois pas qu’aujourd’hui, on peut obtenir un VÉ au même prix que lorsque l’on nous offrait 12 000 $ de crédit. Et ce, grâce à des rabais maison, des taux de financement à 0% et au montant de 4 000 $ octroyé par le gouvernement provincial. Si le crédit fédéral revenait - qu’il soit de 5 000 $ ou moins - ça ne ferait qu’inciter les constructeurs à augmenter leurs taux de financement ou à retirer leurs rabais, afin d’accroître leurs profits.

Depuis la dégringolade des ventes de VÉ, plusieurs constats sont faits. D’abord, celui d’une industrie automobile où les concessionnaires du Québec n’ont plus l’obligation de vendre ce qui ne se vend pas ailleurs au pays. On constate aussi une baisse du prix moyen des véhicules vendus, car les gens achètent plus de véhicules non subventionnés. Et surtout, on remarque que les constructeurs automobiles lancent des véhicules plus rationnels, plus logiques et qui répondent davantage aux besoins des consommateurs qu’aux désirs des gouvernements.

L’arrivée multiple de véhicules hybrides, de modèles électriques compacts et de plates-formes capables d’accueillir des motorisations à essence, hybrides ou électriques permettra aux constructeurs de vendre ce que les consommateurs ont envie d’acheter. On a l’impression que certains manufacturiers se sont sentis contraints de jouer la partie, tout en réalisant que ça ne tenait pas la route, pour finalement rebrousser chemin et faire à leur tête.

D’autres, comme Stellantis, ont pris des décisions plus radicales. Quoi qu’il en soit, n’oublions pas que la vente de véhicules à moteur V8 contribue à renflouer les coffres afin de multiplier dans un avenir prochain les modèles reposant sur la plate-forme STLA Large. Celle-ci pourra autant recevoir des motorisations à essence qu’’électriques. De ce fait, un changement de décision gouvernementale n’obligerait plus le constructeur à retourner à la table à dessin. Il lui suffirait de changer son offre mécanique, qu’il s’agisse d’une décision provinciale, nationale ou mondiale.

Photo: Stellantis

La vente de véhicules électriques continue de reculer alors que l’offre n’a jamais été aussi grande. Mais je suis confiant, elle rebondira : la technologie s’améliora sans cesse, les véhicules deviendront un tantinet plus accessibles et les contraintes seront moins nombreuses, notamment en matière d’autonomie et de vitesse de recharge. Cela dit, on réalise aujourd’hui que la décision d’un petit groupe de fonctionnaires incompétents prise dans un bureau à quelques jours de Noël ou juste avant les vacances de la construction a eu des conséquences épouvantables. Loin de moi l’idée de laisser les fabricants faire à leur guise, car sinon on ne verrait que des camionnettes pleine grandeur sur nos routes (le segment le plus lucratif pour les constructeurs)!  

Bref, ils ont eu leur leçon et joueront désormais leurs pions deux coups d’avance, étant dorénavant mieux armés pour contester certaines décisions ou, du moins, pour les influencer. Parce qu’en fin de compte, la quantité d’erreurs commises n’a profité à personne, pas même au consommateur qui, on le sait, paie aujourd’hui à peu près le même prix pour son VÉ sans subvention qu’à l’époque où des crédits gouvernementaux très généreux étaient octroyés.

À voir aussi : de nouveaux véhicules électriques abordables chez Volkswagen

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