Walt Grace Vintage : la juxtaposition de deux passions
Mon paternel nous a quittés il y a de cela plus d’une décennie. Passionné par la musique, guitariste et professeur, il a dédié une bonne partie de sa vie à sa passion, ce que peu de gens ont la chance de pouvoir faire. J’ai donc toujours considéré ma profonde passion pour l’automobile comme une chance, mieux, un privilège. Cependant, mon père ne la partageait pas, lui qui n’a possédé que sept voitures dans sa vie, dont une seule avec l’air climatisé!
Les voitures n’avaient aucune importance pour lui, si ce n’est le rappel de quelques bons souvenirs y étant associés. Toutefois, il a découvert dès mon tout jeune âge qu’une étoile scintillait dans mes yeux au grondement d’un moteur. Je n’avais d’yeux que pour les bagnoles, avant même de pouvoir le verbaliser! Dès lors, il a choisi de me transmettre la passion, littéralement. Non pas celle pour les voitures, mais bien celle de « savoir être passionné ». Comment? Si seulement je le savais! Or, il est parvenu à me faire avaler cette potion magique qui coule depuis dans mes veines et qui y coulera jusqu’à la fin de mes jours. La transmission du « savoir être passionné » demeure donc pour moi le plus beau cadeau que m’a fait mon père, et je lui en serai éternellement reconnaissant.
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Évidemment, j’aurais aimé pouvoir en discuter davantage avec lui, obtenir quelques outils, quelques réponses. Mais la vie en a décidé autrement. Ses huit guitares dorment donc depuis son départ dans le sous-sol de ma maison, l’une d’entre elles étant accrochée au mur du salon. Je dis « dorment » sans exagérer : je n’ai aucune idée de comment en jouer! Pas même un accord. Triste, n’est-ce pas? Pourtant, j’adore l’objet, en écouter, appréciant d’ailleurs de plus en plus la musique instrumentale, sans doute parce qu’elle évoque pour moi de lointains souvenirs.
Depuis des années, je m’imagine d’ailleurs ce dessin (ce tatouage, que je n’ose pas me faire faire) qui marierait la forme d’une guitare à deux roues en mouvement sur une route sans fin, prenant forme à même la table d’harmonie et le manche de l’instrument. Pour moi, c’est le symbole du mariage de ces deux passions, comme si le paternel me tenait la main.
Pas plus tard que la semaine dernière, alors que j’étais en vacances du côté de Miami, je me suis retrouvé avec ma famille dans le quartier Wynwood, mieux connu sous le nom de « quartier des graffitis ». Un endroit fort sympathique et riche en culture, où se dressent de multiples musées, galeries d’art et bâtiments, tous peints de façon magnifique. Au coin d’une rue, il y a un commerce nommé Walt Grace Vintage. À travers la vitrine partiellement teintée, on aperçoit quelques voitures et instruments. Mais la révélation s’est faite au moment de passer la porte…

Aussitôt entré, j’ai vu une Porsche 944 Turbo de course, ayant jadis été pilotée par Derek Bell. Également, une 911 Targa 1987, une Ferrari 308 GTS et une Lamborghini Countach LP5000. Et ces bolides étaient entourés de guitares, tout aussi désirables. Des pièces de collection placées de façon thématique, ceinturées d’accessoires musicaux et de pièces automobiles, comme si l’on souhaitait ne s’adresser qu’à mon père et moi! Le souffle coupé, j’observai d’un autre œil cet environnement. Les voitures, forcément, qui attiraient mon attention, mais aussi les guitares, amplificateurs, motos, toiles et divers éléments de décoration.

Et puis, cette vingtaine d’employés incluant luthiers, archivistes, spécialistes automobiles et d’instruments. Bref, j’ai fini par comprendre que le Walt Grace Vintage se spécialise dans la vente de voitures et de guitares de collection. Un endroit que l’on décrit comme un facilitateur de rêve, dans la mesure où vous pouvez bien sûr allonger les 700 000 USD pour l’obtention de cette splendide Countach. Un endroit qui m’a effectivement fait rêver!

Entouré des miens, je me suis tus. J’ai simplement savouré le moment, en imaginant mon père me décrire les spécifications et particularités de quelques-unes de ces guitares, alors que j’en aurais fait autant avec les Porsche et ce superbe cabriolet Jaguar Type E. Ce qu’il aurait aimé en décrocher deux ou trois du mur, puis s’installer dans cette pièce isolée afin d’en apprécier la sonorité, le temps de quelques mélodies! Peut-être aurait-il même craqué pour l’une d’elles - sans doute moins coûteuse que ces voitures - majoritairement laissées en consigne, et triées sur le volet.
En fin de visite, ma blonde m’a offert un souvenir : un t-shirt à l’effigie de cet endroit, qui résonnera sans doute chaque fois que je le porterai. D’autant plus qu’en quittant le commerce, j’ai réalisé que ce jour-là marquait le onzième anniversaire du décès de mon paternel... Ce fut donc un moment mémorable, dépassant de beaucoup la beauté de cette Porsche 911 « 30 Jahre », pour laquelle on demandait la coquette somme de 285 000 USD...





