Manic GT 1971 : l'essai de la sportive québécoise
Cet essai est un peu spécial, car il s’agit de la dernière voiture québécoise à avoir été produite en série. Entre ses débuts en 1969 et la dernière auto produite à l’été 1971, environ 160 unités ont été livrées. Cette aventure, lancée par Jacques About, aurait pu connaître le succès mais a finalement tourné court (voyez notre dossier complet ici).
Jacques Duval connaissait bien Jacques About, et a même piloté pour son écurie de course en 1968. Lorsque la Manic GT, première sportive de route du constructeur a été achevée, le fondateur du Guide de l’auto a logiquement été le premier journaliste à en prendre le volant. Il a conduit un modèle de pré-production et son essai routier a été publié dans l'édition 1970.
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Le modèle que vous avez sous les yeux est sans aucun doute une des plus belles survivantes. Appartenant au député Gérard Deltell, la voiture a été magnifiquement restaurée. La teinte verte a été trouvée grâce à une trace de la peinture originelle située dans l’encadrement des feux arrière, le tapis de couleur or (cousu sur mesure) vient des États-Unis, et tous les éléments de l’habitacle sont identiques à ceux montés sur les Manic à la sortie d’usine.

Bien que la brochure d’époque parle de trois moteurs différents, il n’y avait en réalité que deux options mécaniques d’origine Renault. Le 4 cylindres de base de 1,1 litre développait 60 chevaux, mais il était possible de monter un 1,3 litre dit « Autobleu » qui augmentait la puissance de 20 chevaux. C’est ce dernier, beaucoup plus rare, qui équipe notre modèle d’essai. Doté d'une culasse spécifique, on le reconnaît aussi à son bouchon d'huile bleu caractéristique.

Sous sa carrosserie en fibre de verre inédite se cache le plancher et les trains roulants des Renault 8 et 10. Courte, étroite et basse, la Manic ressemble à une petite sauterelle dans la circulation actuelle. Lors de notre reportage, nous sommes venus avec un Toyota Tacoma. En mettant les deux véhicules côte à côte, on mesure combien la Manic est petite!

L’entrée à bord demande une certaine souplesse. Comme l’a très justement dit Jacques Duval à l’époque, la position de conduite est étrange. Avec des sièges au dossier très incliné (et non réglable), un volant trop bas et un pédalier décalé à droite, l’ergonomie est loin d’être idéale. Au démarrage, le 4 cylindres dévoile une sonorité plutôt flatteuse pour une si faible cylindrée. Grâce à des commandes conciliantes, les premiers tours de roues s’effectuent facilement.

Dépourvue d’assistance, la précision de la direction demeure tout à fait correcte aujourd’hui. Cela explique pourquoi Jacques Duval la trouvait magnifiquement précise il y a plus de 50 ans. On peut faire les mêmes compliments au freinage, capable d’arrêter la voiture efficacement et sans se faire peur dans la circulation actuelle.
Côté moteur, les chiffres font sourire aujourd’hui, mais avec seulement 658 kg à déplacer, les accélérations comme les reprises sont assez toniques. La boîte à 4 rapports est courte, avec un levier ferme mais au guidage plutôt précis. À plus haute vitesse, le bruit du vent et du moteur engendrent une véritable cacophonie à bord.

On apprécie davantage la Manic GT sur des routes secondaires, plutôt sinueuses si possible. Pure propulsion, la voiture n’est pas piégeuse lorsqu’elle est conduite à une allure raisonnable. Et comme vous vous en doutez, il n’était pas question de la battre comme Jacques Duval l’a fait à Mont-Tremblant il y a un peu plus de 50 ans.
Au terme de cette balade estivale, nous avons été séduits par les sensations distillées par la Manic GT. Totalement anachronique dans la circulation actuelle, elle a fait tourner bien des têtes autour d’elle durant notre essai. Et bien qu’elle demande un peu d’engagement derrière le volant, ses performances sont loin d’être ridicules. C’est aussi une voiture au nom évocateur, symbole d’une époque où tout semblait possible, mais dont la carrière a malheureusement été trop courte.
L’avis de Jacques Duval dans le Guide de l’auto 1970 :
« Le style de la carrosserie se veut mi-américain, mi-européen. On peut dire que la ligne est assez plaisante, même si l’on retrouve certaines ressemblances ici et là. Nous tenons à préciser qu’il s’agissait d’un modèle de présérie encore un peu au stade du prototype et qui n’avait pas encore bénéficié de certaines modifications. On dit souvent qu’on monte dans une voiture. Dans le cas de la Manic, il serait plus approprié de dire que l’on y descend. Les sièges baquets de type course ont un dossier beaucoup trop incliné pour offrir le confort désiré sur un long trajet. La finition sur notre voiture d’essai était assez médiocre et de type artisanal. Le petit moteur Renault ne perd rien de ses qualités dans la Manic. Nous avons été agréablement surpris par le fonctionnement de la boîte de vitesses, meilleur que sur une Renault standard. Le volant est on ne peut plus direct et rapide, les freins sont tout simplement sensationnels et ne font jamais dévier la voiture d’un pouce lors d’une application brusque. La tenue de route ne donne malheureusement pas la même sensation. La voiture est ce qu’il convient d’appeler survireuse, et la perte d’adhérence du train arrière est assez sèche. Avec du courage, de la volonté et de l’argent, l’équipe de Jacques About pourrait bientôt nous prouver que « Québec sait faire ». La voiture est encore loin de la perfection, mais elle roule dans la bonne direction ».
Un immense merci à Gérard Deltell pour son enthousiasme, sa passion dès qu’il s’agit de parler de la Manic et pour nous avoir permis de conduire sa superbe voiture.





