Un métier en voie de disparition?
Je reçois de temps à autre des messages de jeunes passionnés qui souhaitent plonger dans le métier de chroniqueur automobile, ne sachant pas trop quelle avenue emprunter. Certains d’entre eux ne sont que des amateurs de Porsche ou de Ferrari qui ne comprennent pas toujours l’étendue du travail, mais d’autres se sont mieux renseignés et semblent sérieux.
À ces jeunes, je réponds qu’il faut être multidisciplinaire : savoir écrire, communiquer oralement, bien s’exprimer (quoique de nos jours…), mais aussi se débrouiller en photographie et avoir une bonne maîtrise des réseaux sociaux. Naturellement, il est important d’avoir de bonnes connaissances automobiles qui dépassent le cadre des spécifications techniques. Et puis, il faut réfléchir à l’orientation souhaitée dans le métier. Que souhaite-t-on faire réellement : de la critique, de l’analyse, de la promo? Un facteur qu’on ne considérait pas à l’époque où j’ai débuté, mais qui revêt une importance capitale aujourd’hui.
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Je m’explique en mentionnant que le domaine a énormément changé au cours des dernières années et particulièrement depuis la fin de la pandémie. Je pense entre autres au nombre grandissant d’influenceurs qui sont payés pour vanter les mérites de produits, ce qui plaît de plus en plus aux compagnies automobiles.
Par conséquent, lors d’événements médiatiques ou de lancements de véhicules, les « vrais » chroniqueurs se font dorénavant plus rares, mais l’on y voit de plus en plus de TikTokeurs et de Youtubeurs qui souvent ne connaissent absolument rien aux voitures. Ils attirent les manufacturiers par leur popularité sur les réseaux sociaux et sont parfois même rémunérés par ces derniers pour prendre part à des événements, dans l’optique d’une représentation toujours positive et partiale.

Parallèlement, on observe un certain détachement des constructeurs automobiles envers la presse conventionnelle, comme en témoigne le sérieux relâchement des relations publiques. En effet, il fut une époque où le métier de relationniste était noble, voire prestigieux pour la plupart des constructeurs. Or, de nos jours, il s’agit souvent d’une simple porte d’entrée. Les chroniqueurs tentent donc d’obtenir de l’information via des gens qui ne sont que très peu connaissants et qui refilent les questions à l’étage supérieur… pour revenir avec une réponse protocolaire et vide d’information.
Bref, les communications des constructeurs n’ont aujourd’hui plus d’importance par rapport à la pratique d’il y a dix ans, rendant la tâche plus ardue pour nous, les chroniqueurs. Et ça, c’est ce que souhaitent de plus en plus de manufacturiers, qui préfèrent faire affaire avec des agences publicitaires pour gérer les relations publiques. Vous le voyez, le problème?

Bien sûr, les constructeurs sont également de plus en plus frileux face à la critique. Des conversations anonymes de responsables des relations publiques entendues entre les branches faisaient même état d’une remise en question de la pertinence du métier, sachant qu’en 2025 les constructeurs peuvent obtenir la publicité qu’ils veulent pour une bouchée de pain via des influenceurs, et sans risque de négativisme. Parce qu’entre une campagne publicitaire à grand déploiement et la présentation d’un produit Kia par Camille Felton sur Instagram, le budget n’est pas le même. Et parfois, une simple publication peut en effet produire des résultats étonnants.
Dans une lettre partagée par un ancien chef de direction d’un constructeur automobile au Canada, on pouvait même lire que le métier de journaliste ou chroniqueur n’était aujourd’hui plus viable… puisque toutes les automobiles sont bonnes! Permettez-moi d’être en désaccord avec cette affirmation. D’une part, de nombreux véhicules éprouvent des problèmes. D’autre part, le métier dépasse le cadre de l’analyse d’un véhicule au jour 1.
Certes, rares sont les véhicules neufs qui « vont mal ». L’époque des Lada ou même du Dodge Nitro est révolue. Toutefois, les véhicules coûtent cher, sont souvent mal développés et dotés de technologies que les constructeurs ne maîtrisent pas. Et puis, il y a la façon de les vendre, avec les entourloupes des constructeurs, des concessionnaires, des gouvernements. Des éléments pour lesquels les manufacturiers ne partagent aucune information, mais qui deviennent souvent de gros facteurs décisionnels.





