La Grosse Brune ressucitée

La Grosse Brune. Une AMC Matador 1978… brune! Bêtement rebaptisée par bibi. Pratiquement devenue une marque de commerce, et qui en aurait long à dire si elle pouvait parler! Une voiture si rare et si curieuse que j’avais décidé d’en faire l’acquisition lors de l’International des Voitures Anciennes de Granby en 2017. Depuis, j’ai parcouru à son volant environ 28 000 km, incluant un aller-retour sur la Route 66 jusqu’en Californie!

Comment est-ce que cette voiture a pu faire autant de route, presque sans anicroche, alors qu’elle était dans un si triste état? Voilà ce que s'est demandé Christian Dallaire qui, un beau jour, m’avait tout bonnement lancé : « On va te la remettre propre! ». Pauvre Christian, il ne savait peut-être pas à quel point il s’embarquait dans une aventure périlleuse. Est-ce que la fiabilité mécanique des dernières années l’avait induit en erreur? Est-ce que le « camouflage » de sa carrosserie fardée de mastic et de couches de peinture avait altéré ses perceptions?

Photo: Antoine Joubert

Ce propriétaire d’un atelier CarStar à La Tuque, passionné de voitures anciennes, avait aussi mis la main à la pâte pour restaurer le fameux camion Ford que vous avez aperçu dans la brillante télésérie Léo de Fabien Cloutier. Le cœur sur la main, sans compter ses heures, Christian s’est donc lancé dans la restauration de mon AMC. Et sans contredit, la première étape aura été de loin la plus décourageante, soit celle du démantèlement.

Des trous, encore des trous!

Ailes avant soudées, structure avant transpercée, joints de soudures cassés : ce ne sont que quelques-uns des éléments que Christian a observés lorsqu’il a inspecté la voiture une première fois. Il le savait, cette restauration allait comporter des défis. Mais pouvait-il se douter que sous les caoutchoucs de portière et du hayon, le métal brillait par son absence? Pouvait-il savoir que sous les couches d’antirouille se trouvait un plancher aux allures de fromage suisse? Pouvait-il même imaginer que la coque de la voiture avait plié au fil des années, ce qui allait engendrer un sérieux casse-tête? Non, une AMC Matador ne se répare pas aussi facilement qu’une Ford Mustang, pour laquelle les pièces et les informations techniques servant à sa réparation sont communes.

Photo: Antoine Joubert

Ici, tout est à étudier. Les dimensions, les paramètres, les lignes. Recréer des formes lorsque les originales n’y sont plus demande de la recherche et beaucoup de patience. Heureusement, Christian en a à revendre et il adore surmonter les défis... sans quoi il aurait laissé couler la Grosse Brune dans la rivière Saint-Maurice depuis bien longtemps!

Après des centaines d’heures à tôler, à souder et à créer des pièces métalliques, la Grosse Brune avait repris forme. Une partie de la mécanique devait ensuite être remise en place pour qu’il ne reste que le défi de la peindre, de la rhabiller et de la reboiser! Un travail d’orfèvre considérant aussi la taille de l’engin et les trop nombreux détails. Au total, pas moins de 1 100 heures comptabilisées (plus quelques centaines d’heures oubliées) ont été nécessaires pour cette restauration. Et dire que Christian m’avait simplement dit vouloir « la remettre propre »!

Photo: Antoine Joubert

La surprise

Volontairement, je n’avais pas voulu assister à la restauration de la voiture, souhaitant garder la surprise. Certes, je connaissais l’étendue des dommages, mais la condition dans laquelle l’équipe de Christian allait me remettre la bagnole m’était inconnue. Jusqu’au jour J. Un moment inoubliable alors que toute l’équipe s’est déplacée pour me remettre les clés et effectuer une levée de couverture officielle dans le cadre du Salon Auto Sport de Québec.

Ébahi, je renouais avec la Grosse Brune qui avait déserté mon garage pendant un an. Elle revenait solidifiée et embellie! Probablement plus belle qu’à l’état neuf, considérant que la qualité des peintures en 1978 (et surtout chez AMC) n’était certainement pas renommée. Au fil des minutes, je découvrais de nouveaux trucs : une horloge fonctionnelle, des ailes reconstruites et de bonnes formes, des longerons sans trous, une baie mécanique en superbe condition. Même un battant arrière s’ouvrant désormais dans les deux directions, ce qui n’était plus possible en raison de l’affaiblissement de la structure et de la corrosion.

Photo: Antoine Joubert

Un travail exceptionnel, une peinture qui brille et une voiture tellement plus solide et sécuritaire que je reprendrais sans hésiter la route de la Californie à son bord pour une seconde fois. Seule chose : elle ne consommerait pas moins. Oui, la Grosse Brune a soif!

Je prends donc un moment pour remercier l’équipe de CarStar à La Tuque pour sa dévotion, son acharnement à mener ce projet à terme et pour avoir donné une seconde vie à une voiture qui, dans les faits, en est peut-être à sa quatrième!

À voir aussi : La Route 66 en Grosse Brune – Épisode 01

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