Bientôt, il n’y aura plus de ports USB dans les voitures…

Bientôt, il n’y aura plus de ports USB dans les voitures… mais il y aura une voiture autour des ports USB! Lundi soir dernier, 36 heures avant le début du Salon de Los Angeles, Ford tenait un événement majeur pour souligner le lancement de son nouveau (en Amérique du Nord, s’entend) EcoSport, un VUS sous-compact.

Durant l’après-midi, les journalistes avaient eu droit à un prélancement où avaient été divulgués quelques détails techniques. Ford en avait également profité pour nous faire remarquer que son EcoSport possédait deux ports USB stratégiquement placés, une multitude d’espaces de rangement capables d’accueillir un cellulaire, tout aussi stratégiquement disposés, le système SYNC 3, le SYNC Connect, des prises de 110 et de 12 volts, et bien plus.

Quelques heures plus tard, Ford dévoilait officiellement son EcoSport en présence d’une foule de jeunes gens qui n’en avait que pour le rappeur invité, DJ Khaled. L’auteur de ces lignes a vécu un choc…

Snapchat vs Led Zeppelin

Le Ford EcoSport 2018 a été lancé via Snapchat, un média prisé des jeunes (clarifions un point… dans cet article, je vais parler des jeunes en tant que groupe social. Et de façon générale puisqu’il y a des exceptions partout). Sur scène, DJ Khaled jouait du Snapchat avec doigté (il a plus de 40 ans en passant, soit environ le double de l’âge moyen de son auditoire!).

Dans la foule délirante, il y avait autant de téléphones cellulaires allumés que de personnes. Sur scène, aucune donnée technique, juste des paroles incompréhensibles au vieux journaliste qui tripe encore sur Led Zeppelin. Cette stratégie de Ford s’aligne sur celle de Chevrolet qui, depuis déjà plusieurs mois, mise bien davantage sur la technologie Wi-Fi 4G LTE que sur la puissance des moteurs pour vendre ses voitures.

Ce mouvement, de la mécanique vers la technologie, n’est pas apparu hier soir. Mais il s’intensifie drôlement. Et on peut tenter de l’expliquer…

Quand un journaliste automobile fait de la sociologie

Depuis les quarante dernières années, l’automobile et son industrie ont connu leur part de coups durs : crises du pétrole, crises économiques, crises d’identité, coûts de production à la hausse, réglementations de plus en plus sévères quant à la sécurité et l’environnement, et l’on en passe, faute d’espace. En même temps, les villes sont devenues de plus en plus congestionnées et le stationnement coûtait de plus en plus cher. Pour motiver les ventes, on faisait appel à des vedettes, une technique vieille comme l’automobile.

Parallèlement, la société entrait de plus en plus dans une ère de divertissement où l’individu primait sur le groupe. Ralph Lauren et Chanel, entre autres, l’ont bien compris! Grâce à la technologie, on pouvait même jouer au ping-pong sur la télé! Seul ou avec d’autres. En même temps, on découvrait qu’on pouvait changer les chaînes de la télé sans se lever grâce à la télécommande, se faire à manger rapidement avec un four à micro-ondes et entrer dans un commerce sans jamais pousser ses portes, à ouverture automatique.

La révolution Facebook

Ce n’était que le début. La miniaturisation de l’électronique, en particulier, mènera un jour à la mise en marché du téléphone cellulaire en même temps qu’à la démocratisation de l’ordinateur personnel. Bientôt, suite aux avancées techniques de l’armée, on mettra sur pied un réseau de communication entre ordinateurs. Qui, à peine quelques années plus tard débouchera sur l’Internet que nous connaissons aujourd’hui. Dans les années 2000, profitant de ce réseau facilement exploitable, un jeune universitaire met au point un nouveau moyen de communication, Facebook. Sans le savoir, Mark Zuckerberg donne à la société ce qu’elle attendait depuis longtemps; une façon de faire partie d’un groupe tout en étant parfaitement solitaire, protégée derrière un écran.

De son côté, le téléphone cellulaire est devenu de plus en plus petit. On lui a d’abord intégré une caméra, ensuite la capacité de communiquer par courriel. Puis par textos. La capacité des batteries augmentant sans cesse, on a pu agrandir l’écran pour pouvoir consulter des sites Internet, dont les médias sociaux. Avec Facebook, Snapchat, Twitter et cie (et j’irais jusqu’à nommer Google), le monde se trouve désormais dans un téléphone.

Une certaine conception de la liberté

Les enfants qui ont environ dix ans aujourd’hui n’ont jamais connu que ces téléphones connectés. Ceux qui ont moins de vingt ans ont appris à communiquer via ces appareils avec une consternante facilité. Le téléphone est d’ailleurs devenu davantage qu’un moyen de communication. Il représente désormais un mode de vie.

Et aujourd’hui vous voudriez que ces jeunes aient de l’automobile la même vision de liberté et de pouvoir qu’un bonhomme grisonnant de 55 ans? La liberté et le pouvoir, ils l’ont au bout des doigts, dans ce bidule lumineux qui les connecte à leurs semblables, à deux rues de là ou à l’autre bout de la planète.

Mais il y a des contraintes… Quand il n’y a pas de réseau ou que la batterie du cellulaire rend l’âme, l’univers de ces jeunes s’effondre. Qu’à cela ne tienne, les constructeurs automobiles ont prévu le coup. Avec leur voiture, approuvée par leurs vedettes préférées, les jeunes (et les moins jeunes aussi!) auront tous les ports USB nécessaires à leur survie et un réseau sans faille. Pour beaucoup d’entre eux, la puissance du moteur n’a que bien peu d’importance.

Ce sont ces mêmes jeunes qui baignent dans un monde où l’on ne cesse de parler de la voiture électrique et autonome. Cette dernière s’inscrit d’ailleurs parfaitement dans le cadre de leur vie actuelle et n’est que la suite logique de la télécommande ou des portes à ouverture automatique.

Il restera toujours des entreprises pour fabriquer des voitures et lire la société avec le plus de justesse possible pour pouvoir les vendre. Hier c’était Frank Sinatra, aujourd’hui c’est DJ Khaled. Les gens voulaient de gros moteurs, on leur donnait de gros moteurs. Ils veulent des ports USB? Ils en auront! Personne ne réinvente la roue, mais ceux qui réussissent sont ceux qui s’adaptent à son rythme...