Porsche 356B Super 90 1963 : la première de Jacques Duval
Lassé par les performances moyennes et la fiabilité aléatoire de son Alfa Romeo Giulietta Sprint Veloce, Jacques Duval débute une longue histoire d’amour chez Porsche avec la 356B. Il va d’abord acheter un Roadster de 1961, puis un coupé de 1963. Les deux sont des Super 90, ce nombre faisant référence à la puissance de la voiture selon les normes DIN européennes.
Dans la brochure américaine d’époque, Porsche précise que cela correspond à « environ 88 chevaux » chez nous. C’est très peu pour une sportive de luxe européenne aujourd’hui, mais plutôt flatteur au début des années 60. Le modèle que vous avez sous les yeux est en tout point identique à celle que possédait Jacques Duval. Il s’agit d’une 356B Super 90 coupé de 1963.
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Si vous n’êtes pas familier avec l’histoire de Porsche, sachez que la 356 est la première voiture de l’histoire de la marque…et qu’elle dérive de la Volkswagen Beetle. Cette filiation se remarque d’ailleurs tout de suite lorsqu’on la démarre, le 4 cylindres à plat de 1,6 litre laissant échapper une sonorité très similaire. La planche de bord rectiligne accueille un équipement minimal, avec une instrumentation à trois cadrans qui n’est pas entravée par un large volant à trois branches. Signé Nardi, sa fine jante est superbement réalisée dans du bois d’excellente qualité.

Le pédalier est un peu décalé vers la droite, mais la position de conduite n’est pas caricaturale comme certaines sportives de la même époque. Le siège, dans lequel on s’enfonce plus profondément qu’aujourd’hui, est très confortable. Le pédalier articulé vers le bas se manie aisément, et les vitesses passent facilement en dépit d’un débattement assez long au levier. Grâce à un poids réduit tournant autour des 900 kg selon les versions, les accélérations sont suffisantes pour s’insérer dans la circulation actuelle.

La direction très démultipliée demande un peu d’habitude, tout comme le cerceau de grand diamètre qui fait que vos mains touchent vos cuisses dans les virages. Comme vous vous en doutez, la 356 n’a rien d’une fusée, mais elle est plaisante à conduire. Son moteur marche surtout entre 2 500 et 4 500 tr/min, là où le couple est le plus important. Au-delà, il manifeste une certaine inertie à monter en régime et il n’apprécie que modérément les hautes révolutions. Un trait de caractère que l'on ne retrouve plus dans les Porsche actuelles, qui dont les moteurs se ruent férocement vers la zone rouge.

À bord de la 356, ll faut aussi faire attention au freinage et garder une bonne distance avec les véhicules autour de vous, les quatre tambours manquant de mordant et de puissance. Cela dit, le très bon confort de la suspension, le niveau sonore étonnamment bas jusqu’à 100 km/h et la conduite charmante en font une voiture très agréable pour les balades dominicales.
En revanche, étant donné l’absence totale de sécurité active et passive ainsi que la valeur d’une telle voiture, nous n’envisagerions pas vraiment d’aller la pousser à son maximum sur une piste de course comme le faisait Jacques Duval…

L’avis de Jacques Duval dans son autobiographie* :
« Mon Alfa Romeo Grand Tourisme n’était pas de taille pour lutter contre les Porsche 356 qui, elles, pouvaient être considérées comme de vraies voitures de sport. (…) Une nouvelle version plus puissante, la Super 90, avait été introduite avec un moteur de 1 600 cm3 de 90 chevaux. J’avais opté pour le roadster, (…) il était de couleur ivoire. (…) Elle me servait à la fois à mes déplacements quotidiens et à mon loisir de fin de semaine, lorsque je devenais « un fou dans une Porsche » (…) La Super 90 m’a mené à Mosport, Harewood Acres (le Saint-Eugène des Ontariens) et à quelques autres pistes de l’Est des États-Unis, dont Limerock et Bridgehampton. Ma deuxième Porsche, un coupé Super 90 1963 servit aussi à me véhiculer (…) comme elle me permit de m’attaquer plus sérieusement à la course automobile. Ce fût là ma première voiture un tantinet préparée pour la compétition. Il s’agissait mécaniquement d’une Super 90 comme les autres, à l’exception de ses portes en aluminium et de ses sièges sport Recaro. Avec son poids allégé, elle était un brin plus rapide que le modèle de série, surtout lorsque j’entreprenais de lui retirer son silencieux au profit d’un tuyau d’échappement libre. À bien y penser, elle n’était peut-être pas plus performante que mon ancienne, mais elle faisait un bruit d’enfer qui laissait supposer le contraire. »
*AUTObiographie, Jacques Duval de Gilbert Bécaud à Enzo Ferrari, Québec Amérique, 2007
Nous tenons à remercier Jacques Rivard de l’atelier Rivard Compétition spécialiste de l’entretien, la réparation et la restauration des Porsche, ainsi que son frère Pierre Rivard, pour nous avoir laissé le volant de cette sublime 356 B Super 90.






