Dodge Viper GTS 1999 : moins venimeuse qu’attendu
Lorsque Dodge Viper est sortie, Jacques Duval ne l’a pas conduite puisqu’il travaillait encore pour Ford à cette époque (voyez notre dossier complet ici). Il faudra attendre quelques années avant qu’il puisse en prendre le volant. Et parmi les essais qu’il va réaliser, son record de vitesse sur l’anneau de vitesse de PMG Technologies à Blainville avait marqué les esprits (voir plus bas).
Le modèle que vous avez sous les yeux est une GTS de 1999, mais pas n’importe laquelle. En effet, il s’agit de la version ACR, la plus affûtée que l’on pouvait se procurer à l’époque. Il s’agit d’une édition spéciale destinée à commémorer la victoire de la Viper GTS-R dans la catégorie GT2 lors des 24 Heures du Mans 1998. Elle se distinguait, entre autres, par ses jantes BBS spécifiques de 18 pouces, des amortisseurs Koni recevant des ressorts spécifiques et des harnais à cinq points. L’énorme V10 de 8 litres, gagne aussi 10 chevaux et 10 lb-pi (460 chevaux, 500 lb-pi), ce qui ne change pas grand chose à ses performances.

Posée au ras du sol, large et trapue, la voiture demeure toujours aussi intimidante aujourd’hui. À l’ouverture de la portière, la largeur du seuil impose quelques contorsions au moment de monter à bord. La qualité de finition n’est clairement pas son point fort, la Viper reprenant certaines commandes déjà vues dans des véhicules bon marché du Groupe Chrysler. La console centrale est immense, avec un gros levier de vitesse planté dessus. Le volant oblige à tendre un peu les bras, mais le pédalier réglable en profondeur permet tout de même de trouver une position de conduite correcte.

Le conducteur apprécie le maintien des sièges, mais les pédales décalées vers la gauche et l’absence de repose-pied demandent de l’habitude lors des premiers tours de roues. Au démarrage, le V10 en aluminium fait bruyamment entendre sa voix grave. Alors que l’on s’attendait à vivre un enfer en ville, nous avons été surpris par la docilité de la Viper. La visibilité limitée vers l’arrière, le diamètre de braquage de Boeing 747 et la largeur de la voiture imposent une certaine vigilance. Mais l’embrayage est plutôt souple, la boîte agréable à manier et la direction bien dosée.
Dans la GTS ACR, le couple est tel que l’on peut lancer la voiture sur le régime de ralenti sans même toucher à l’accélérateur! En première et en deuxième il faut faire attention à la force brute du moteur, qui impose de manier la pédale de droite d’un orteil. Plus coupleux que puissant, c’est entre 1 500 et 4 000 tr/min que le V10 est le plus vigoureux. Au-delà, la poussée diminue en intensité, une sorte d’antithèse d’un Honda VTEC…

Sur une route ouverte à la circulation, le moteur est si performant et les rapports de boîte si longs que l’on pourrait n’utiliser que quatre vitesses sur les six. Souvent présentée comme une voiture capricieuse et piégeuse, nous avons abordé l’essai de la Viper avec une certaine appréhension. Dépourvue de toute aide à la conduite, il ne fait aucun doute qu’elle doit être maniée avec ménagement sur un circuit ou sur une route mouillée.
Mais en gardant la retenue nécessaire à la conduite d’une propulsion puissante sur la route, nous avons apprécié son couple de camion, sa direction précise et sa bonne agilité considérant son gabarit. Aussi étonnant que cela puisse paraître, une Dodge Challenger Hellcat à boîte manuelle, pourtant dotée de l’ABS et d’un antipatinage, est bien plus intimidante et exigeante à conduire qu’une Dodge Viper. Comme quoi, il ne faut jamais se fier aux apparences…
L’avis de Jacques Duval dans le Guide de l’auto 1998 :
« La Viper n’a sans doute pas la noblesse des italiennes de Maranello, ni même l’armoire à trophées d’une Corvette. Mais quand vient le temps d’aligner des chiffres à se faire dresser les cheveux sur la tête elle ne donne pas sa place. La puissance est remarquablement facile à exploiter. Sans se faire tirer l’oreille, la Viper nous a donné un étonnant 8,8 secondes entre 0 et 160 km/h, un temps dont plusieurs petits coupés sport se contenteraient pour le 0 à 100 km/h. C’est son exceptionnelle puissance qui permet de faire ce que l’on veut de cette voiture. Sur la route toutefois, je me méfierais de la Viper, même si ses pneus Michelin Pilot font l’impossible pour transmettre la puissance au sol. Elle n’offre ni ABS, ni antipatinage, ce qui détonne dans une voiture à près de 100 000 $. Durant mes tours de familiarisation je me suis rendu compte que la 6è vitesse jouait le rôle d’un « overdrive » et qu’elle était inutile pour déterminer la vitesse maximale de la voiture. C’est donc dans la zone jaune du compte-tours, en 5è vitesse à 5 800 tr/min, que la Viper a foncé vers son nouveau record de piste à 299,7 km/h. Oui j’étais déçu de ne pas avoir dépassé la barre des 300 km/h, mais je suis certain qu’il suffirait de peu pour y arriver. Il est certain par exemple que l’appareillage de contrôle monté sur la portière de droite près du sol perturbe l’aérodynamique et fait perdre un bon km/h à lui seul. Raison de plus pour recommencer l’an prochain… »
Un grand merci à Mathieu Ziska et Dominique Ziska pour nous avoir permis de conduire cette Viper parfaitement préservée.





