Renault 5 Turbo 2 1984 : le chameau devenu guépard

Jacques Duval a été un des premiers à conduire une Renault 5 en Amérique du Nord. Il a pris le volant d’un prototype apporté par la marque au Canada et publiera un essai routier très positif, réclamant son arrivée au pays dans Le Guide de l’auto 1974. Un vœu qui sera rapidement exaucé puisque la R5 débarque chez nous deux ans plus tard.

Elle rencontrera un grand succès au Québec, et sera popularisée par les publicités réalisées chez Cossette, notamment « le Schnac ça s’attrape » ou « je l’aime comme un fou » où l’on voit Robert Charlebois perché sur un chameau. Pourquoi cet animal? Pour mettre en exergue la faible consommation d’essence de la voiture.

Pourtant, la paisible citadine française a aussi été déclinée dans une version beaucoup plus radicale : la Renault 5 Turbo. Une voiture complètement revue, avec un châssis renforcé, des voies élargies (surtout à l’arrière!) et un moteur qui migre dans le dos du conducteur. La base retenue est le fameux 4 cylindres « Cléon fonte », monté dans un grand nombre de Renault, mais aussi dans la Manic GT. Décliné dans un grand nombre de versions et de cylindrée, il cube 1,4 litre dans la 5 Turbo.

Photo: Julien Amado

Cette spécification dérive de celle qui était montée dans la Renault 5 Alpine (jamais vendue chez nous), mais une grande partie des pièces internes est revue pour augmenter les performances. Dopé par un gros turbocompresseur Garett T3, le moteur développe 160 chevaux (normes européennes) pour un poids réduit de seulement 970 kg. Cette voiture, qui n’a plus grand-chose en commun avec la R5 de monsieur Tout-le-monde, servait de vitrine technologique à Renault, mais aussi de base d’homologation pour la compétition. La Turbo sera d'abord vendue en bleu ou en rouge avec un intérieur très particulier signé Marcello Gandini, avec notamment un volant en L retourné.

Photo: Renault

La voiture s’assagira à partir de 1982 avec la Turbo 2, dotée d’un habitacle plus sage et de panneaux de carrosserie en acier au lieu de l’aluminium. La version que nous avons essayée est une Turbo 2 de 1984, une des deux à avoir été importée officiellement au Canada à l’époque (voir plus bas). Ses proportions amusent, avec un gabarit contenu mais des ailes arrière surdimensionnées, abritant de (très) larges pneus. À l’applaudimètre, c’est une des voitures qui nous a valu le plus de compliments. Photos, pouces levés, jasette à la station-service, la R5 Turbo étonne et détonne au milieu des VUS blancs, gris et noirs.

Photo: Julien Amado

Exubérante à l’extérieur, la voiture dévoile un habitacle très classique. Le combiné d'instrumentation est plutôt banal, et mis à part les deux manomètres (pression d’huile et du turbo) trônant au centre de la planche de bord, on jurerait que l’on se trouve dans une Renault 5 normale. Notez que le volant à trois branches original de notre modèle d'essai a été remplacé par un cerceau typé course. La position de conduite n'est pas particulièrement sportive, mais le maintien et le confort des superbes sièges est à souligner.

Photo: Julien Amado

En démarrant le moteur, la sonorité est plutôt quelconque. Situé juste derrière le dos des occupants, on ressent ses vibrations mais ses vocalises n'ont rien de lyrique au premier abord. La première vitesse difficile à enclencher et l’embrayage au point de patinage très haut demandent un peu d’habitude, mais on finit par s’y faire. Les trois pédales, très rapprochées et avec un grand accélérateur articulé vers le bas, sont parfaites pour le pilotage, le talon-pointe rentrant sans la moindre difficulté.

Photo: Julien Amado

En revanche, nous avons trouvé la direction très lourde lors des manœuvres. Habituellement, cela s'améliore lorsque la vitesse augmente, mais ce n'est pas vraiment le cas de la Turbo 2, qui demande toujours de la poigne dans les virages abordés à plus haute vitesse. Le roulement est ferme et les suspensions cognent fort lorsque la route est mauvaise. Ce n'est clairement pas une voiture taillée pour nos routes...Mais si l'on fait abstraction des ses défauts, il faut reconnaître que la sportive française demeure très attachante et plutôt efficace.

Photo: Julien Amado

Mais la pièce maîtresse, c’est évidemment le moteur. Avec son turbo « à l’ancienne » il ne se passe rien à bas régime. La voiture se déplace, mais l'accélération est lente tant que le turbocompresseur ne se trouve pas dans la bonne fenêtre d'exploitation. Il faut attendre de passer les 3 500 tr/min pour que le petit 1,4 litre change de visage, libérant toute sa cavalerie et fonçant vers la zone rouge. Sachant que le régime maxi s'élève à 6 000 tr/min, la plage de régime n'est pas immense. Mais quand on la conduit de manière plus enthousiaste, les performances sont loin d'être ridicules. Les accélérations n’égalent évidemment pas celles des sportives actuelles. Mais côté plaisir de conduite, le contrat est rempli haut la main!

Photo: Julien Amado

L’avis de Jacques Duval dans le Guide de l’auto 1985 :

Si vous apercevez soudainement dans votre rétroviseur un petit point rouge ressemblant à une Renault 5 sortie d’une bande dessinée et que ce curieux engin vous dépasse à la vitesse de l’éclair, rassurez-vous, il ne s’agit pas d’une hallucination. Vous venez simplement d’être « victime » d’une Renault 5 Turbo 2, cette fusée sur quatre roues qui circule désormais en toute liberté sur les routes du Québec. On peut remercier un concessionnaire Renault de Québec, Renault Canardière qui, sans que Renault Canada ne s’y oppose, est devenu l’importateur privé de la R5 Turbo. Avant d’être expédiée ici via cargo aérien, la 5 Turbo reçoit, dans un atelier de Paris, tous les équipements et accessoires nécessaires pour qu’elle soit parfaitement légale aux yeux de Transports Canada. Tout cela est très coûteux et il faudra débourser environ 38 000 $ (101 000 $ aujourd'hui). Côté performances, les chiffres parlent d’eux-mêmes puisque cette « super-5 » passe de 0 à 100 km/h en 7,35 secondes. L’agrément de conduite de haut niveau a été vérifié à l’extrême limite sur le circuit de Sanair. Elle s’est même permis d’égaler les temps de la Ferrari 308 Quattrovalvole essayée au même endroit. La plage d’utilisation du moteur est plutôt étroite. Toutefois, malgré ce caractère pointu, un freinage sous-assisté (quoique très endurant), une tendance à dévier de sa trajectoire sur route bosselée et un coffre à bagages minuscule, la Renault 5 Turbo est sans aucun doute la voiture haute performance la plus attachante que l’on puisse trouver.

Un grand merci à Francis Beaudet pour nous avoir laissé le volant d’une sportive aussi mythique que la Renault 5 Turbo 2.

À voir aussi : la Renault 4 Plein Air de Terre des Hommes à l'essai

Partager sur Facebook

Plus sur le sujet

Top 1010 voitures françaises parfaites pour le Québec
Les automobilistes québécois ont toujours eu cette attirance pour les petites voitures amusantes, efficaces… et importées. Et les exemples récents de cette réalité sont nombreux ( Honda Civic , Mazda3 , Nissan Micra , etc.), mais si on remonte aux décennies 60-70 et 80, on dénote un attachement des conducteurs …
EssaisRenault 5 E-Tech 2025 : le chameau électrifié
La Renault 5 occupe une place à part dans l’histoire de l’automobile québécoise. Toutes les personnes qui les ont connues se souviennent d’un parent, d’un oncle ou d’un voisin qui en possédait une. Sans compter ceux qui ont pu faire leurs premières armes avec les modèles usagés…lorsqu’ils n’étaient pas trop …
Voitures anciennesRenault 5 Turbo : le chameau sous stéroïdes
Au Québec, la Renault 5 a laissé de nombreux souvenirs… bons ou moins bons. Et maintenant que Renault vient de la ressusciter sous la forme d’une auto électrique , il est temps de revenir sur sa version la plus démonstrative. La petite citadine française est présentée en janvier 1972. Elle …
GenèveLa Renault 5 renaît en version 100 % électrique
Le Salon de l’auto de Genève est de retour pour la première fois depuis 2019 en raison de la pandémie et son ouverture lundi a été marquée par le dévoilement de la nouvelle Renault 5 E-Tech, version 100% électrique de l’icône française qui revient sur la scène. La voiture a …

À lire aussi

Et encore plus

En collaboration avec nos partenaires