La Toyota Supra 1987: Sous le signe du raffinement
Nous avons ressenti une légère déception, lors de notre premier examen de la Supra, au Salon de Toronto. Cette nouvelle venue nous paraissait en effet d'une étonnante sobriété, alors que dame rumeur nous avait chuchoté qu'elle se manifesterait sous les traits d'un véhicule ultrafuturiste, avec tableau de bord vidéo et allure d'un autre monde. La réalité était tout autre puisqu'on nous présentait un modèle sobre et d'une grande simplicité. Cette voiture se devait donc de posséder d'indéniables qualités routières pour être en mesure de surpasser l'ancienne Supra. La mise à l'essai de la voiture, sur le très intéressant parcours de la piste d'essais de Yamaha à Hamamatsu, au Japon, a permis d'en découvrir le comportement routier général, tandis que plusieurs kilomètres sur les routes du Québec et lors du match comparatif présenté en deuxième partie de ce guide permettraient d'en savoir davantage.
Voici donc ce que ces deux essais ont révélé à propos de la Supra, qui a été mise au point avec une grande minutie par une des meilleures équipes techniques de Toyota.
Une silhouette discrète
La première fois qu'on aborde la Supra, on ne peut s'empêcher de ressentir une impression de «déjà vu». Non pas que l'allure générale de la voiture soit peu esthétique, bien au contraire ! Mais tandis que l'ancienne Supra possédait une silhouette caractérisée, reconnaissable au premier coup d'oeil, sa rem-plaçante peut facilement être confondue avec d'au-tres modèles, d'autres marques. Certains lui trou-vent d'ailleurs une ressemblance avec la Nissan 300 ZX, d'autres avec la Mazda RX-7, et bien entendu, quelques-uns la comparent à l'inévitable Porsche 944. Pourtant, la Supra est une jolie voiture aux lignes bien équilibrées qui souffre du seul défaut de s'apparenter d'un peu trop près aux modèles de la compétition. Par contre, elle affiche une élégance certaine et on peut croire qu'elle subira avec bonheur le poids des années. En fait, la voiture circule sur nos routes depuis plusieurs mois déjà et elle nous semble de plus en plus esthétique et de plus en plus désirable. C'est là le propre des voitures bien dessinées. Souvent, elles ne nous emballent pas au premier coup d'oeil, mais elles sont de plus en plus appréciées au fur et à mesure que les mois et les années passent. La Supra appartient à cette catégorie de voitures.
Pourtant, la tâche du styliste en chef de Toyota présentait un défi de taille. M. Kunihiro Uchida devait en effet composer avec un moteur de six cylindres en ligne nécessitant obligatoirement un capot très long. De plus, comme la Supra est un coupé 2 + 2, il devait aussi concevoir un habitacle plus spacieux dans l'ensemble sans pénaliser conducteur et passager à l'avant. En outre, il devait dessiner la carrosserie la plus aérodynamique possible. À ce propos, la Supra affiche un Cx de 0,33, ce qui est comparable à nombre de voitures de cette catégorie.
Force est d'admettre que M. Uchida s'est fort bien tiré d'affaire compte tenu des contraintes initiales, en privilégiant le raffinement des lignes plutôt que l'approche trop visuelle dont le public se lasse après seulement quelques mois. L'approche de M. Uchida relève d'ailleurs de la même philosophie en ce qui concerne l'habitacle.
Un habitacle exemplaire
Toyota a toujours su concevoir des habitacles très confortables répondant à la plupart des exigences d'ergonomie. La Supra ne fait pas exception à cette règle. Si de prime abord, l'intérieur paraît dépouillé, c'est plus en raison de la présentation que du contenu, puisque cette voiture possède tout ce qu'il faut pour satisfaire les plus exigeants. Le tableau de bord enveloppant trouve sa prolongation dans les portières, positionnant ainsi le conducteur dans un environnement ultra fonctionnel. Les cadrans ne font pas défaut et le conducteur, d'un simple coup d'œil, sait ce qui se passe sous le capot. Tout est sobre et assez bien disposé. On regrette cependant l'utilisation de boutons carrés en chrome pour le contrôle de la climatisation, qui à notre avis, ne conviennent pas à l'esthétique de ce tableau de bord et qui font un peu pacotille.
Ceux qui aiment leur voiture « toute garnie» apprécieront la Supra avec son volant télescopique à mémoire, son système haute-fidélité ultrasophistiqué, les boutons du régulateur de vitesse sur le moyeu du volant, la climatisation automatique, et j'en passe... De plus, chez Toyota, on se montre particulièrement fier des sièges avant qui offrent la possibilité de huit ajustements différents. Ces sièges, capables d'un nombre incroyable d'ajustements, offrent aussi un excellent support tout en accommodant la plupart des gabarits.
Quant aux places arrière, pas plus spacieuses que sur les autres coupés 2 +2, elles serviront à véhiculer un adulte de petite taille sur de courts trajets ou de très jeunes enfants. D'autre part, le coffre à bagages est petit, peu profond et son seuil de chargement très élevé. Toujours au sujet du coffre à bagages, celui-ci est de dimension encore plus réduite sur le modèle à toit amovible, puisqu'une fois le toit remisé dans le coffre, l'espace réservé aux bagages est encore plus restreint.
Bref, le conducteur profite d'un habitacle fonctionnel et confortable et d'une position de conduite agréable qui facilite l'utilisation de la technique du pointe-talon. Tout cela, sans tape-à-l’œil et sans tomber dans le style «Star Wars» qu'affectionnent certains constructeurs japonais. Cette politique a d'ailleurs présidé à la conception des organes mécaniques: efficaces et raffinés, mais pas nécessairement révolutionnaires.
Un moteur super
Ce n'est pas un moteur V6 ou turbocompressé qui tourne sous le capot de la Supra. C'est le même moteur six cylindres en ligne de la version antérieure dont la cylindrée a été portée de 2,5 à 3 litres, tandis que le nombre de soupapes atteint dorénavant 24, soit quatre soupapes par cylindre. Le conducteur dispose dorénavant de 200 chevaux, ce qui est la même puissance que celle du V6 Turbo de Nissan. En outre, ce groupe propulseur n'est pas seulement plus puissant, mais il est doté aussi de dispositifs électroniques de contrôle fort poussés, en plus d'un système d'injection d'essence très élaboré. Ainsi, l'alimentation en carburant s'effectue par le biais de trois groupes de deux injecteurs chacun qui vaporisent simultanément l'essence dans les deux cylindres, et ce à toutes les deux révolutions du moteur. De plus, le jet de l'injecteur est dirigé vers la soupape d'admission pour un mélange air-essence encore plus complet. Toutes les fonctions du groupe propulseur sont gérées par le TCCS (Toyota Computer Controlled System) qui les analyse constamment et qui prévient le conducteur de tout mauvais fonctionnement. Ce système ira même jusqu'à stopper le moteur s'il juge que des dommages sérieux pourraient être causés à la mécanique.
Comme cela est de plus en plus courant, ce moteur dispose de quatre soupapes par cylindre et de deux arbres à cames en tête. D'ailleurs, Toyota est passé maître dans la technique du DACT puisqu'il est le plus important fabricant au monde de moteurs semblables. Doux, silencieux et docile, ce moteur s'avère bien adapté à la personnalité de la voiture qui privilégie l'équilibre entre la performance et le confort. ll est, en outre, disponible en version turbo pour 1987.
Une suspension raffinée
Cette sportive possède un «mini-châssis» à l'avant comme à l'arrière, pour assurer plus de rigidité et mieux isoler l'habitacle des secousses de la route. De plus, les joints de contact avec la carrosserie sont fabriqués en caoutchouc spécialement étudié pour assurer toute la rigidité nécessaire et réduire les secousses. La suspension est indépendante aux quatre roues et comprend des ressorts hélicoïdaux ainsi que des barres antiroulis. Mais ce qui caractérise le plus la suspension de la Supra, c'est l'utilisation de bras triangulés en aluminium aussi bien à l'avant qu'à l'arrière. Cette approche, rarement adoptée dans les modèles à grande diffusion, à cause de ses coûts élevés, a été retenue par Toyota afin d'obtenir une tenue de route à l'égale des performances du moteur, et une certaine réduction de poids sur cette voiture qui n'est pas des plus légères. De plus, selon M. Wada, l'ingénieur en chef qui a présidé au développement de cette nouvelle Supra, il s'agit également de la meilleure technologie disponible.
Ces bras triangulés offrent un autre avantage intéressant: ils se modifient on ne peut plus facilement pour la course automobile. Enfin, des freins à disque de 16 pouces équipent les roues avant et arrière. Chez Toyota, on a spécifiquement dessiné cette suspension pour prévenir l'écrasement en accélération et le piqué en freinage. En fait, la voiture connaît une réduction en plongée de 20 p. 100 au freinage, grâce à cette nouvelle suspension.
Une Grand Tourisme
D'excellentes fiches techniques, aussi impressionnantes soient-elles, ne signifient pas nécessairement que la voiture sera performante sur la route. Pour le savoir, il faut prendre le volant et piloter la voiture. Lorsque confrontée au sinueux parcours de la piste Hamamatsu, la Supra s'est immédiatement révélée une routière de grande classe. Non seulement la tenue en virage est-elle sans reproche, mais la suspension est bien calibrée et pas trop rigide Sur cette Toyota, confort et performances cohabitent sans ennui. D'autant plus que les mini-châssis avant et arrière remplissent leur rôle à merveille, en filtrant les chocs de la route, tout en établissant une assise très solide pour les éléments de la suspension. Quant aux freins, ils sont très puissants et ralentissent avec aisance les 1 500 kg de la voiture. Incidemment, le système ABS fera bientôt son apparition sur les Supra.
Seule la direction est un peu trop assistée et en virage, on a presque toujours tendance à donner un peu trop de volant pour devoir rétablir par la suite.
Une direction un peu plus ferme ne serait pas à dédaigner. Cette direction assistée à commande électronique mérite qu'on s'y attarde. En effet, sa prestation nous a semblé manquer de constance ; le temps parfois trop long de réaction de la commande provoque une sur-assistance suivie d'un durcissement soudain. Par contre, la stabilité linéaire de l'ensemble est excellente puisque le volant affiche un temps mort en position centrale.
Quant à la boîte manuelle, elle ne s'attire que des éloges. Bien étagée et facile à manier, elle rend la conduite de la voiture plus agréable et s'harmonise très bien avec le moteur, dont la souplesse est remarquable. Quant à la boîte automatique, elle est efficace, mais rétrograde trop fréquemment lorsque placée en position «puissance».
Côté performances, on se souviendra que cette voiture fait osciller la balance à 1 500 kg et que les 200 chevaux ne sont pas superflus. Il nous a fallu quelques essais pour obtenir un 0-100 km h de 8,1 secondes, même si le manufacturier annonce un temps de 7,8 secondes pour le même exercice, ce qui est quand même passablement rapide. Quant à la vitesse de pointe enregistrée, elle a atteint 215 km h. Toutefois, l'aérodynamique de la voiture permet de dépasser cette marque sur une route en ligne droite suffisamment longue. Comme la ligne droite de la piste d'essais était un peu courte, nous avons dû nous « contenter» de 215 km h...
Enfin, une dernière remarque ; selon les informations préliminaires, la Supra devait être chaussée de pneus Goodyear Eagle 225 / 50 VR 16. Cependant, lors de nos deux essais, aussi bien au Japon qu'au Canada, les voitures étaient chaussées de pneus Dunlop SP et on nous a précisé que ces pneumatiques étaient en équipement standard. Curieux tout PRIX: 27488$ de même... D'autant plus que ces Dunlop se sont révélés assez glissants et qu'on y gagnerait avec des Goodyear ou encore avec des Michelin ou des Pirelli. Incidemment, au Japon, les voitures en montre lors de la présentation officielle étaient dotées de Pirelli P6I.
Une sportive équilibrée
Rapide, luxueuse et dotée d'une tenue de route impressionnante, la Supra ne décevra pas les automobilistes recherchant une voiture alliant luxe et confort. Indiscutablement sportive, cette Toyota se montre également confortable, tant au chapitre de la suspension que de l'habitacle. De plus, comme Toyota a toujours su produire des voitures à la mécanique fiable, leur modèle de prestige s'avérera certainement à la hauteur. Il faut cependant lui reprocher son apparence un peu trop sage et à ce chapitre, elle devrait s'inspirer de la MR-2. Bref, la Supra mérite bien son titre de la plus racée des Toyota et elle saura sans aucun doute y faire honneur.
FICHE TECHNIQUE
Marque: Toyota
Modèle: Supra
Carrosserie
Style: Coupé sport 2 +2
Empattement: 259 cm
Longueur: 462 cm
Largeur: 174 cm
Hauteur: 131 cm
Poids: 1 573 kg
Moteur
Type: 6 L
Cylindrée: 3 litres
Puissance: 200 ch a 6 000 tr mn
Alimentation : injection electronique
Carburant: sans plomb
Transmission
Type: manuelle
Nombre de rapports: 5
Rapport du pont: 4.30
Suspension
Avant: indépendante
Arrière: indépendante
Freins
Avant: disque
Arrière: disque
Direction
Type: à crémaillère
Diamètre de braquage: 10,7 mètres
Divers
Pneus: 225 / 50 VR 16
Capacité de carburant: 70 litres
Performances
Accélérations:
0-50 km / h: 2,7 s
0-70 km / h: 4,2 s
0-80 km / h: 6,3 s
0-100 km / h: 8,1 s
0-120 km / h: 11,1 s
Reprises:
60-100 km / h: 7,2 s
80-120 km / h: 8,9 s
Vitesse maximale: 215 km / h
Consommation moyenne: 12,6 litres/100 km
PRIX: 27488$