La Ridgeline 2011 de Honda: héritière du trône de la Subaru Baja

Points forts
  • Espace intérieur
  • Douceur de roulement
Points faibles
  • Tout le reste
Évaluation complète

Ici en Colombie-Britannique, sortir de Vancouver est sans doute le plus beau cadeau qu’un Vancouverois peut s’offrir. Que ce soit vers le nord ou vers l’est, deux heures suffisent pour vous dégager des tentacules urbaines; ajoutez deux heures et vous vous isolerez de tout contact humain, ou presque, dans l’un des paysages les plus magnifiques de la planète. C’est précisément la raison pour laquelle, jeune homme, j’ai toujours possédé, ou à tout le moins pu utiliser, une camionnette.

Lorsque j’étais jeune, c’était une Ford F-250 Custom 1974, héritée ou empruntée, avec un moteur crate 360, une transmission manuelle à quatre rapports, une boîte de conduite Armstrong et des freins assistés. Mon père, en sueur à cause des journées chaudes de l’été et surtout des efforts qu’il mettait à conduire ce vieux camion noir sur noir, passait la plus grande partie de ses vacances estivales à nous trimbaler, ma mère, moi et un gros berger anglais du nom de Penny dans les différents terrains de camping de la province. À mes seize ans, j’ai appris à conduire ce mastodonte de couleur noir mat; ses pare-chocs énormes et la forte épaisseur de la tôle qui le recouvrait donnaient à mes parents un minimum de tranquillité au moment où leur aîné profitait des premières bouffées de liberté apportées par le vent qui s’engouffrait par les déflecteurs d’air. Pendant les années qui ont suivi, ce camion a jalonné tous les chemins forestiers au gré de ma volonté, transportant de grandes quantités d’équipement de camping, de motos vertes, de vélos de montagne et de diverses babioles. Même s’il s’est avéré plutôt difficile à manoeuvrer dans les rues congestionnées de Vancouver, sa masse impressionnante et sa nature imposante contrebalançaient sa taille importante, forçant les autres usagers de la route à être attentifs aux mouvements de mon gros véhicule.  Finalement, il est tombé, victime du même cancer que les autres camionnettes Ford ; il a été adopté par un nouveau propriétaire mieux préparé pour soigner son mal.

Cependant, même rouillé, ce camion mettait la barre haute pour tous ceux qui ont suivi.

Excellente au travail, la camionnette demeure le véhicule préféré des Canadiens pour plusieurs raisons, celles-là mêmes qui m’ont fait craquer pour cette vieille routière. Qu’on l’utilise pour le travail ou pour le plaisir, elle représente le nec plus ultra dans le transport de charge et reste l’un des véhicules les plus efficaces sur la route aujourd’hui lorsque les conditions sont loin d’être favorables. Et c’est précisément la raison pour laquelle la Honda Ridgeline peut être considérée comme un échec total. Les ventes devaient dépasser au moins 50 000 unités par année pour que la Ridgeline demeure rentable et elle n’a atteint ce seuil qu’une seule fois, en 2006. Depuis, elle se classe dans les causes perdues. L’année dernière, seulement 16 464 Ridgelines se sont vendues dans le vaste marché américain, ce qui constitue un nouveau record de ventes à la baisse pour ce véhicule bizarre et qui remet en question l’avenir de cette camionnette. Même si les passionnés de la Ridgeline gardent espoir et que les dirigeants de Honda restent silencieux, la plupart des sources considèrent 2012 comme l’année de la disparition de la Ridgeline.

Si l’humanité survit aux prédictions d’autres sources sur ce qui nous attend en 2012, je serais personnellement très surpris de voir la Ridgeline faire partie de nous, les survivants. Pourquoi ? D’abord, pensons à l’apparence de la chose. Depuis ses débuts en fanfare en 2005, elle est restée à peu près inchangée pendant une longue période qu’on pourrait presque appeler géologique. En dépit d’une retouche cosmétique mineure il y a quelques années, la base et les panneaux principaux de la carrosserie révèlent sans contredit son âge.  Même si sa construction monocorps s’est révélée un atout il y a quelques années, elle semble avoir pris de l’âge maintenant et la qualité générale d’assemblage laisse beaucoup à désirer. Mettant en évidence chaque petite marque ou bosse sur mon véhicule de test, la peinture noire et brillante a signalé la construction en tôle très mince de la Ridgeline, au grand désavantage de sa valeur de revente. Bien sûr, une inspection plus poussée de la carrosserie a fait ressortir quelques autres points sensibles dans la construction du camion : particulièrement l’alignement tout à fait atroce des panneaux et par conséquent les espaces irréguliers présents partout.

De plus, la forme bizarre de sa carrosserie limite jusqu’à un certain point son utilité pratique. Excluant toutes sortes de longues bennes standards privilégiées dans les gammes de camions plus gros (et plus réussis), la construction monocoque force Honda à attacher une petite plate-forme ordinaire de 1,5 m (5 pi) à la grosse structure de cabine. Les propriétaires de Ridgeline font valoir la souplesse offerte par le coffre intégré verrouillable, mais en fin de compte, dans un camion, c’est inutile. Il ne transportera pas de panneaux de contre-plaqué, ni même un gros vélo de montagne. Sa charge utile est lamentable par rapport aux standards, et quiconque veut l’utiliser pour transporter de la terre ou encore d’autres matériaux meubles ne doit pas avoir besoin d’accéder rapidement à son coffre (c’est là, par pur hasard, que se loge le pneu de secours).

M…, après avoir déchargé votre terre, vous devriez vous attendre à devoir passer plus que quelques minutes à nettoyer la gouttière entourant le coffre allant dans la benne avant que le sceau ne soit étanche. Enfin la construction en plastique de la benne peut permettre d’éviter l’utilisation d’une gaine protectrice au fond de la benne, mais entraîne cependant des problèmes liés aux profondes et vilaines rayures. C’est sûr que la benne de ma vieille Ford avait une allure horrible après trois décennies et demie de service, mais c’était là un état auquel on pouvait facilement remédier à l’aide d’une couche de protection appliquée au jet au fond de la benne. Dans le cas de la Ridgeline, par ailleurs, on ne pourra que constater que le fond de la benne s’est détérioré après seulement la moitié de ce temps.

Ce qui nous mène au groupe motopropulseur. Alors que les gens de Honda sont prêts à admettre les liens familiaux de la Ridgeline et de la Acura MDX de première génération, la réalité est que ces deux modèles se servent de versions modifiées de la même plate-forme qui soutient la gamme de la Honda Odyssey, très loin de celle de la camionnette. Et pendant que le moteur transversal V6 de 3,5 litres et le système VTM-4 all-wheel drive intégral peut accomplir des merveilles dans le désert (la Ridgeline est championne de sa classe à l’éprouvante compétition du Baja 1000 stock mini class), sa garde au sol peu élevée et le diamètre plus petit de ses pneus destinés à la conduite urbaine conspirent contre elle dans le contexte plus exigeant au niveau technologique du Nord canadien. De plus, bien que le système VTM-4 soit appelé « 4RM », il n’y a pas de mode quatre roues motrices disponible au conducteur au-delà du second rapport ou de 29 kilomètres à l’heure, ce qui mine quelque peu ma confiance en cette camionnette. Bien que ce ne soit pas un problème durant l’été, je préfère pouvoir utiliser une boîte de transfert à engagement positif dans ma camionnette en hiver.

Maintenant, je souhaiterais pouvoir finir cet article en faisant l’éloge de la cabine intérieure et du comportement de ce camion sur la route, mais, malheureusement, un seul de ces deux éléments vaut la peine d’être souligné. Sur la route, la Ridgeline s’en tire assez bien dans la circulation aux heures de pointe. La suspension indépendante négocie les dos d’âne beaucoup mieux que l’essieu rigide qu’on trouve sous la plupart des camions; sa courte benne et sa caméra de recul facilitent le stationnement. À l’intérieur, il semble y avoir des hectares d’espace. De l’avant à l’arrière, même les jambes les plus longues s’étireront sans problème et la banquette arrière offre un espace utilitaire intéressant lorsqu’elle est rabaissée. Cependant, la finition et l’aménagement intérieurs sont loin d’être à la hauteur.

En premier lieu, il y a une grande quantité de matériaux plastiques à prix modique partout à l’intérieur de la Ridgeline et, plus précisément, chacune de ces pièces moulées affiche ses marques évidentes de moulage comme si l’on en était fier. Le pire exemple, et de loin, est celui du panneau de la portière. Moulé en deux moitiés, le haut du panneau intérieur de la portière présente une ligne de coulage procurant un rebord en plastique où appuyer le bras. Ce n’est pas très confortable et cela indique le peu de réflexion apportée au design de l’intérieur de la Ridgeline. De plus, la colonne de direction de mon véhicule de test semblait sortir du dessous du tableau de bord à un angle bizarre, l’espace important entre la colonne et le tableau de bord du côté droit et entre la colonne et les panneaux de frottement à gauche en témoignant. La position assise évoque celle d’un camion et donne la sensation d’être assis plus haut qu’en réalité et le volant décentré n’a jamais semblé trop bizarre, mais l’utilisation de la console centrale s’est avérée un énorme désagrément.

Les bacs de stockage avec leurs couvercles et leurs étagères à glissières partagent le même espace de rangement : il est donc impossible de retrouver certains objets stockés qui sont tombés d’un bac à l’autre au moment d’ouvrir le compartiment de l’avant. Ironiquement, la seule étagère de laquelle les objets peuvent tomber est la plus élevée, d’une profondeur de 5,08 cm (2 po), un cabaret très facile d’accès, pendant que la fosse caverneuse dans laquelle les items tombent semble presque sans fond. Toute personne connaissant la tonalité de la sonnerie du Blackberry devrait lancer leur ‘berry dans le fond de la fosse juste pour voir l’utilité de ce ping.

De façon générale et de toute évidence, je ne pleure pas la disparition inévitable de la Ridgeline. Elle n’a rien accompli de ce qu’on peut attendre d’une camionnette et n’inspire pas la même confiance en ses capacités que la plupart des autres produits Honda. De plus, si les chiffres de vente peuvent servir de preuves, il semble bien que les acheteurs de camionnettes soient d’accord. Alors que trop de propriétaires de Ridgeline paraissent prêts à sacrifier les acheteurs de camionnettes “traditionnelles” sur l’autel de l’environnement et de l’économie d’essence, le triste fait est que les économies à la pompe que j’ai réalisées avec la Ridgeline sont moindres que celles obtenues avec d’autres modèles courants des Trois Grands. Et encore, je ne dis rien du fait que j’ai dû m’y prendre à deux fois (ou plus) pour transporter la même quantité d’objets.

Bien sûr, son roulement doux, comparable à celui d’une voiture, joue en sa faveur; bien sûr, elle possède un joli petit coffre et un hayon à ouverture horizontale et verticale, mais ce ne sont que des caractéristiques mineures sur un véhicule terriblement inutile. En fait, ici au pays des gros VUS et des plus gros camions, l’acheteur nord-américain n’a pas besoin de tels gadgets ou d’un camion-voiture monocoque, ce qui a été démontré à maintes reprises. Nombreux sont ceux qui ont essayé, mais tous s’y sont cassé les dents sur ce continent. Cet effort de Honda mérite totalement son adhésion au club hétéroclite de la stupidité motorisée amorcée par la Ranchero de Ford, l’El Camino de Chevrolet, la Rampage de Dodge et, plus récemment, par la Baja de Subaru.  Nous devrions seulement être soulagés que ce véhicule subisse éventuellement le même sort.

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