Honda et Nissan abandonnent leur projet de fusion, mais projettent toujours de « collaborer »

Les constructeurs automobiles japonais Nissan et Honda ont officialisé jeudi l’abandon de leurs discussions en vue d’une fusion, destinée à unir leurs forces dans l’électrique, qui se sont heurtées à la volonté de Honda de prendre le contrôle de la nouvelle entité.

Nissan, en sérieuses difficultés financières, avait ouvert fin 2024 avec Honda des négociations en vue d’un mariage pouvant donner naissance en 2026 au troisième constructeur mondial.

Photo: Yuichi YAMAZAKI / AFP

Mais « les deux groupes ont conclu que, pour privilégier la rapidité des prises de décision et de leur exécution dans un environnement de marché de plus en plus volatil […], il serait plus approprié de cesser les pourparlers », ont-ils indiqué dans un communiqué commun.

« L’impossibilité d’aboutir à un accord est très regrettable », s’est désolé devant la presse le PDG de Honda, Toshihiro Mibe.

L’objectif initial était d’associer les forces de Honda et Nissan, respectivement deuxième et troisième constructeurs japonais derrière le leader mondial Toyota, et même d’y associer un troisième constructeur, Mitsubishi, afin de mieux négocier le virage coûteux et stratégique de l’électrique.

Photo: Dominic Boucher

Un créneau dominé par l’américain Tesla et les constructeurs chinois, et où les groupes nippons, focalisés jusqu’ici sur les hybrides (associant motorisation thermique et électrique) ont pris un retard considérable. Dopée par l’essor du tout électrique, la Chine a dépassé le Japon comme premier pays exportateur de véhicules en 2023.

Alarmés par leur retard, Nissan et Honda avaient dévoilé dès mars 2024 un « partenariat stratégique » dans les logiciels et équipements pour véhicules électriques.

« À l’avenir, Nissan et Honda collaboreront (dans ce cadre) pour affronter l’ère des véhicules électrifiés et intelligents », ont-ils assuré jeudi.

« Pas acceptables »

Un mariage Nissan-Honda aurait permis de dégager des économies d’échelles pour financer à la fois la recherche et l’outil industriel. La perspective initiale était de les regrouper dans une société de participation unique avec une seule cotation.

Mais Honda, en position de force avec une capitalisation boursière cinq fois supérieure, a finalement réclamé de transformer Nissan en simple filiale: scénario inacceptable pour ce dernier, soucieux de préserver son autonomie.

Photo: Nissan

S’ils avaient opté pour un mariage entre égaux et un conseil d’administration conjoint, « les prises de décision auraient pu être ralenties lorsqu’il s’agit de faire des choix difficiles », s’est justifié jeudi M. Mibe.

Le français Renault, qui détient 35 % du capital de Nissan, a de son côté jugé jeudi que les termes proposés par Honda — sans offrir de prime de contrôle— n’étaient « pas acceptables », et a salué « l’intention de Nissan de se concentrer avant tout sur l’exécution de son plan de redressement ».

« Nous continuerons à soutenir Nissan dans les projets en cours », a assuré à l’AFP une porte-parole de Renault.

« Nissan semble mettre l’accent sur son indépendance et sa liberté de décision en matière de stratégie », ce qui « pour Honda ne maximisait pas forcément les économies d’échelle » recherchées, résume Yoshitaka Ishiyama, analyste chez Mizuho Securities.

« Compliqué de survivre seul »

Ce rapprochement était perçu comme providentiel pour Nissan, massivement endetté et dont la marge opérationnelle a fondu. Sous pression, il avait annoncé en novembre supprimer 9 000 postes dans le monde et réduire de 20 % ses capacités de production, pour réduire ses coûts et relancer ses ventes.

Photo: Yuichi YAMAZAKI / AFP

Honda avait cependant d’emblée insisté sur le fait qu’il ne voulait pas secourir son partenaire, sommé de concrétiser préalablement ses transformations structurelles.

Or, la situation de Nissan reste très fragile: il a dévoilé jeudi une nouvelle perte trimestrielle inattendue, sur fond de plongeon de ses ventes en Chine, et table désormais sur une perte nette de 80 milliards de yens (739 millions $ CAD) sur l’exercice décalé 2024/2025 s’achevant fin mars.

Et les perspectives restent maussades face à l’essoufflement du marché mondial. « Vu la performance de l’entreprise, il est compliqué de survivre seul » sans partenaire, a reconnu jeudi le PDG de Nissan, Makoto Uchida.

Affaibli, le constructeur est en quête d’alliés alternatifs et attise les convoitises: le géant taïwanais de l’assemblage électronique Foxconn (Hon Hai), fournisseur d’Apple et désireux de se diversifier, a indiqué être ouvert à un rachat de la participation de Renault dans Nissan.

Honda, lui, semble résister un peu mieux: son bénéfice d’exploitation d’octobre à décembre a déçu, mais s’établit en hausse de 4,7%, pour un chiffre d’affaires de 34 milliards d’euros ou 50,5 milliards $ CAD (+2,6).

À voir : retour en arrière sur Nissan et Honda qui ouvrent des négociations pour fusionner

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