Tarifs douaniers ou pas, les voitures électriques chinoises arriveront ici

Malgré les tarifs douaniers de 100%, les véhicules électriques chinois vont éventuellement être en vente ici, estiment des experts, mais si ces constructeurs agissent comme en Europe actuellement, les prix ne seront pas aussi alléchants que ce qui est espéré.

« Tout le monde le dit, ce n’est qu’une question de temps pour que les Chinois entrent dans le marché nord-américain », croit Simon-Pierre Rioux, porte-parole de l’Association des véhicules électriques du Québec (AVEQ).

« Si on leur met les bâtons dans les roues, ils sont prêts à faire des usines ailleurs. Des usines chinoises vont être bâties en Europe et au Mexique. Ces derniers se foutent d’assembler des voitures pour GM ou BYD. Ils veulent du travail », ajoute-t-il.

Un avis que partage Yan Cimon, professeur à l’Université Laval et directeur du Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d’entreprise, la logistique et le transport.

« L’industrie chinoise a été énormément subventionnée et ça continue d’une autre façon. En raison de son efficience et des salaires plus bas, elle est capable de fabriquer des véhicules à des coûts très inférieurs. Le tarif de 100% frappe l’imaginaire, mais ce ne sera pas un frein si important », pense-t-il.

« Ils sont en train de se bâtir un avantage concurrentiel très important. Ils ont aussi un marché intérieur qui leur permet d’expérimenter ce qu’on ne peut pas faire à l’exportation. On ne pourra pas les retarder éternellement. Il faudra trouver une façon de bien les encadrer sur notre marché », ajoute-t-il.

Déjà sur nos routes

M. Cimon souligne aussi que la Chine est déjà très présente dans la chaîne d’approvisionnement en pièces de l’industrie nord-américaine. Il ajoute que des voitures chinoises roulent déjà au Québec comme la Tesla Model 3, fabriquée dans l’empire du Milieu, et ceux de la marque Polestar.

M. Rioux pense que le Canada a fait une erreur en fermant la porte aux Chinois pour s’aligner à la politique américaine.

Photo: BYD

« Pendant ce temps, la production chinoise va continuer à augmenter, ce qui va faire diminuer les coûts. Nous allons arriver à une situation où, ailleurs, un beau VUS coûtera 10 000 $. Ici, il coûtera trois ou quatre fois le prix avec une grosse facture d’essence. »

Très gros profits

Mais pour le moment, les quelques constructeurs chinois qui se lancent sur le marché européen utilisent une autre stratégie.

La BYD Dolphin par exemple est vendue 38 000 $ en France en excluant la taxe et les tarifs douaniers. En Chine, cette voiture se détaille entre 19 500 $ et 26 000 $.

Cette différence, selon l’agence Reuters, s’explique parce que le marché chinois est très compétitif. Les constructeurs chinois profitent du marché européen pour engranger des profits en alignant leurs prix tout juste sous celui de ses concurrents locaux.

Même Tesla pratiquerait des prix de 37% à 59% plus élevés en Allemagne qu’en Chine.

Des usines chinoises pousseront éventuellement ici

Comme les Japonais l’ont fait, ce ne pourrait être qu’une question de temps avant que les constructeurs de voitures électriques chinoises ouvrent des usines en Amérique-du-Nord.

Selon Simon-Pierre Rioux, porte-parole de l’Association des véhicules électriques du Québec (AVEQ), les gouvernements vont éventuellement demander aux Chinois de venir construire des véhicules ici.

« Comme la Chine a accepté en 1994 les premiers manufacturiers étrangers en partenariat avec des compagnies chinoises. Ils ont tellement bien appris qu’ils mettent leurs partenaires à la porte », martèle-t-il.

« La raison des tarifs de 100%, c’est que les Chinois ont voulu s’installer au Mexique. Ils vont vouloir s’installer à l’intérieur de l’Union européenne ou de l’ACEUM [Accord Canada–États-Unis–Mexique] pour bénéficier de ces ententes, comme les Japonais l’ont fait dans le passé », avance Yan Cimon, professeur à l’Université Laval et directeur du Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d’entreprise, la logistique et le transport.

Photo: Leapmotor

C’est d’ailleurs ce que fait Leapmotor, qui assemble en Pologne une petite citadine, la T03, offrant 260 km d’autonomie et en vente en Europe pour 22 500 $.

Non seulement elle échappe aux tarifs douaniers, mais elle peut être admissible à des aides gouvernementales.

Nuages noirs

M. Rioux, par ailleurs, est très pessimiste pour l’avenir de l’industrie automobile nord-américaine.

« Elle va disparaître parce qu’on n’a pas voulu être compétitif assez rapidement. Ford a de la difficulté et va fermer des usines. Jeep a fait faillite en Chine. Volkswagen et Audi mettent plein de monde à pied. La crise de 2008 va se reproduire à nouveau en 2025 ou 2026. Et il y a une centaine de marques chinoises qui attendent de prendre le marché. »

Une affirmation qui peut sembler exagérée, mais Wikipédia recense 60 constructeurs en Chine, dont 25 qui sont contrôlés par le gouvernement central ou un local. Et c’est sans compter que des groupes se divisent en plusieurs marques tels que Geely, qui en totalise 13, dont Volvo, Polestar et Lotus. Le cap des 100 est aisément dépassé.

Photo: Polestar

« On voit les manufacturiers américains changer. Avant, ils vendaient en grandes quantités avec peu de profit, maintenant les véhicules deviennent un objet pour les plus riches qui vont donner plus de profits, poursuit M. Rioux. Les véhicules plus abordables vont être délaissés. Apple fonctionne comme ça. Ils ne veulent pas aller vers les prix les plus bas ni viser tout le marché. »

Autre raison

Au-delà de vouloir protéger le marché, des enjeux de sécurité nationale sont évoqués pour bloquer la route aux véhicules chinois bardés de caméras comme les autres voitures modernes.

« On peut comprendre la préoccupation, mais l’excuse n’est pas bonne parce qu’il y a des solutions. Tesla a eu le même problème en Chine et a dû avoir des serveurs là-bas contrôlés par le gouvernement. On pourrait le faire ici », est convaincu Simon-Pierre Rioux.

Photo: Tesla
La dure réalité québécoise

CAA-Québec demeure prudente sur la question des voitures chinoises.

« Nous sommes favorables à des solutions qui diminueraient le fardeau des automobilistes qui renouvellent un véhicule. Mais il y a aussi une filière qui est en train de se développer ici et des enjeux économiques », explique Jesse Caron.

Il ne voudrait pas non plus que les automobilistes québécois deviennent des cobayes.

« Ces véhicules [chinois] n’ont pas fait leurs preuves dans notre climat. Nous allons toujours servir des avertissements de prudence à cet égard. Ils n’ont pas subi l’épreuve du temps », analyse-t-il.

À voir : Véhicules électriques chinois - le Mexique pour conquérir l’Amérique ?

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