Pourquoi c’est si cher, faire réparer sa voiture?

Le prix d’une réparation après un accident de voiture est déjà en forte hausse et ne fera qu’augmenter avec les années, avertissent les carrossiers. Ils blâment un système à l’avantage des assureurs, qui les sous-payent et les empêchent de grandir.

« On a arrêté de travailler avec certains assureurs parce qu’ils ne nous payent pas assez », dénonce Tony Cutrone, de Carrosserie Euro, à Montréal. 

Si ce garagiste qui compte plus de 20 ans d’expérience accepte de parler publiquement, c’est parce qu’il possède une expertise en voitures exotiques qui le rend moins fragile que d’autres. 

Le Journal de Montréal a parlé avec une dizaine de carrossiers aux fins de ce reportage, mais aucun n’a souhaité voir son nom publié par crainte de se voir retirer des clients par les assureurs. 

Le coût d’un sinistre est passé en moyenne de 4951 $ en 2019 à 5918 $ en 2021, une hausse de 20%, selon le Groupement des assureurs automobiles (GAA).

Les délais d’attente sont aussi beaucoup plus longs qu’avant la pandémie, en raison notamment d’un manque de pièces.

« Le coût de la réparation explose en raison de la technologie. Le carrossier est rendu plus techno que le gars de mécanique », assure Tony Cutrone. 

Il donne l’exemple d’un phare Honda dont la valeur est passée de 200 $ à 700 $ en moins de 10 ans – ou celui d’une Tesla, « un iPhone sur quatre roues ». 

Si les pièces coûtent plus cher, c’est la même chose pour l’équipement, la main-d’œuvre et la formation continue des techniciens. 

Mais le gros du combat se joue sur le terrain du taux horaire. Alors qu’un mécanicien va passer une heure ou deux par dossier, ce sera en moyenne 24 heures pour un carrossier. 

« Un assureur avec qui je ne fais plus affaire me donnait 55 $ de l’heure pour des réparations alors que mon technicien m’en coûte 42 $. Ça n’a pas de sens », raconte le carrossier, qui doit aussi payer un loyer, des salaires administratifs... et des assurances.

Il dénonce un système où « l’assureur n’a pas évolué » et empêche les carrossiers d’investir dans leur avenir en ne leur donnant que le minimum. 

Le taux horaire

Le nombre de carrossiers est appelé à diminuer si rien ne change. « Tout le monde est écœuré de négocier avec des assureurs qui veulent nous dire comment travailler », ajoute M. Cutrone. 

Et une industrie à la santé fragile où l’offre est réduite verra ses prix grimper, faute de concurrence suffisante.

« On est sous-payé par les assureurs », confirme le chef de la direction de la Corporation des carrossiers professionnels du Québec (CCPQ), Michel Bourbeau.

Le taux horaire offert par les assureurs aux carrossiers oscille entre 64 $ et 78 $, selon la CCPQ. 

« Avec de meilleurs revenus, de meilleures conditions et une charge de travail moins abrasive, les carrossiers pourraient payer leurs employés en conséquence ainsi que la formation continue », explique-t-il. 

Le chiffre maintes fois évoqué par les carrossiers est de 100 $ l’heure. « Il y a une culture de partenariat qui doit changer entre le carrossier et l’assureur », pense M. Bourbeau. 

La réaction des assureurs

Au GAA, on ne commente pas la question du taux horaire. « Pour des raisons de Loi sur la concurrence, on ne peut pas intervenir », explique Anne Morin, du Bureau d’assurance du Canada (BAC). 

Le BAC et le GAA partagent certains employés, dont ceux qui sont chargés des communications. 

« C’est certain qu’il y a des tensions et des désaccords entre certains carrossiers et certains assureurs, mais la majorité des réclamations se passent bien », ajoute Mme Morin. 

Elle insiste sur la présence de carrossiers et d’assureurs au sein du comité du GAA chargé des normes et des procédures que doivent suivre les assureurs. 

« Ils sont huit assureurs pour quatre carrossiers sur ce comité-là. Ça vous donne une idée », rétorque Michel Bourbeau, de la CCPQ. 

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