Électrification des transports: la course au recyclage des batteries est lancée

Par Hélène Schaff

Alors que la pénurie de minéraux nécessaires aux batteries de véhicules électriques s’accentue, il faudra sans conteste miser sur le recyclage pour électrifier les transports et répondre à la demande. 

« Déjà en 2019, on estimait que le recyclage serait inévitable et indispensable et on le dit aujourd’hui plus que jamais », lance Sarah Houde, qui est présidente-directrice générale de Propulsion Québec, la grappe des transports électriques et intelligents.

Lithium, cuivre, cobalt, nickel... Si l’électrification des transports est nécessaire à la transition énergétique en cours, elle n’en est pas moins gourmande en minéraux provenant du sous-sol.

Photo: Mercedes-Benz

La demande pour les minéraux critiques devrait être multipliée par 10 d’ici 2030, et la pénurie est « imminente », estime un rapport publié plus tôt cette année par la société d’investissement en transport UP.Partners. 

La croissance de la demande est telle qu’il faudrait 50 nouvelles mines de lithium et 60 de nickel d’ici 2030, d’après l’Agence internationale de l’énergie. 

Ces objectifs sont cependant impossibles à atteindre, puisqu’il faut plus de 15 ans à un nouveau projet minier pour se mettre en branle. 

Recyclable à l’infini

Ne plus dépendre du pétrole pour nos transports appellera donc deux solutions : réduire nos besoins et réutiliser au maximum les minéraux déjà dans le circuit.

Lorsque suffisamment de batteries auront été produites à l’aide de minéraux issus de l’extraction minière, on pourra les recycler en quasi-totalité (95%) et à l’infini, avec la technologie développée par Recyclage Lithion, basée au Québec.

Photo: Mercedes-Benz

Grâce au recyclage, le besoin en extraction minière sera donc progressivement réduit, une bonne nouvelle pour l’électrification des transports, mais aussi pour l’environnement.

La technologie développée par Recyclage Lithion émettrait 75% moins de gaz à effet de serre (GES) que l’extraction minière, et utiliserait 90% moins d’eau. 

Preuve que le recyclage est amené à jouer un rôle critique : les Américains lorgnent du côté du seul joueur québécois du recyclage des batteries.

Après que General Motors y a investi, c’était au tour d’Antony Blinken, le numéro trois de l’administration américaine, de visiter Recyclage Lithion l’automne dernier.

Être prêts pour les besoins futurs

On prévoit que la première usine de l’entreprise verra le jour au Québec d’ici la fin de l’année. 

Sa capacité de recyclage atteindra 7500 tonnes par année, soit entre un tiers et la moitié des besoins du Québec en 2030, selon une étude de Propulsion Québec.

Elle couvrira la première phase du procédé de recyclage : la séparation mécanique.

Photo: Mercedes-Benz

Pour compléter le recyclage des batteries, il faudra aussi s’attaquer à la deuxième phase du procédé, l’hydrométallurgie, et donc construire une autre usine à cet effet.

Pour la grande patronne de Propulsion Québec, Sarah Houde on doit faire croître nos capacités.

« Il faut préparer cette industrie pour le futur et non pas attendre qu’on croule sous les volumes de batteries à recycler », ajoute Yves Noël, vice-président et chef de la direction du développement des affaires de Recyclage Lithion.

Réduire la demande aussi

Même si le recyclage s’avérera indispensable, la pénurie imminente de minéraux critiques rappelle que les ressources naturelles ne sont pas illimitées. 

Il faudra donc minimiser la demande et compter sur d’autres modes de transport que l’auto solo.

« Il faut recycler, mais ça ne veut pas dire toujours augmenter notre parc automobile », conclut Mme Houde. 

L’ÉTAT QUÉBÉCOIS TARDE À AGIR 

La réglementation pour rendre le recyclage des batteries de véhicules électriques obligatoire se fait attendre par des acteurs du secteur.

« C’est vraiment important qu’il n’y ait pas de batteries qui se retrouvent dans le champ ou chez les ferrailleurs, ce serait dramatique d’un point de vue environnemental et vraiment dommage sur le plan économique », déclare Sarah Houde, PDG de Propulsion Québec.

Il y avait déjà plus de 170 000 véhicules électriques en circulation dans la province au 31 décembre 2022, d’après les données de l’Association des Véhicules Électriques du Québec (AVEQ).

Et la croissance du parc automobile électrique ira en s’accélérant, puisque d’ici seulement trois ans, 20% des véhicules neufs vendus devront être électriques. À l’horizon 2035, ce sera la totalité. 

Par ailleurs, près d’un tiers des minéraux utilisés dans les usines de production de batteries sont rejetés et peuvent donc être recyclés. Les premières usines de cathodes devraient voir le jour d’ici 2025.

Autant dire que les besoins en recyclage sont imminents. 

Pas d’engagement de Québec

Chez Propulsion Québec, on souhaite que le recyclage soit rendu obligatoire et l’on « suit de près » les travaux en cours sur le sujet. 

Alors, le gouvernement s’engage-t-il à rendre le recyclage des batteries obligatoire? 

Le Journal a posé la question à l’attachée de presse de Benoit Charette, le ministre responsable de ce dossier.

Elle a indiqué, par courriel, que le ministère de l’Environnement a actuellement des discussions avec l’industrie, qui « propose de se doter d’un programme volontaire de récupération des batteries de véhicules électriques ».

Il ajoute que le principe de la responsabilité des producteurs servira de base au programme, sans toutefois s’engager à exiger que 100% des batteries usagées soient recyclées.

En vidéo : comment recycler les vieilles batteries de voiture électrique?

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