Pontiac Parisienne : canadienne pur sucre…?

Vendue pendant des décennies chez nous, y a-t-il une auto plus canadienne que la Pontiac Parisienne? Et bien, vous serez surpris d’apprendre que les dernières de la lignée sont plus américaines que canadiennes!

Le nom « Parisienne » apparaît pour la première fois chez GM sur un concept de coupé présenté au Motorama de 1953 (l’auto existe encore aujourd’hui). Il faut attendre 1958 pour qu’il soit apposé sur la carrosserie d’un véhicule de série canadien. À cette époque, nous sommes avant le Pacte de l’auto  et, pour simplifier la production, les Pontiac canadiennes utilisent des châssis et des moteurs Chevrolet. En 1958, Chevrolet lance l’Impala comme sous-série de la Bel Air. La Parisienne en devient l’homologue chez Pontiac Canada, en versions coupé et cabriolet.

L’Impala et la Parisienne deviennent des séries séparées dès 1959. À partir de là, la gamme Pontiac canadienne suit les évolutions de la gamme Chevrolet au cours des années 60. Les Pontiac connaissent une grande popularité au Canada : la perspective d’avoir une auto plus prestigieuse qu’une Chevrolet pour seulement quelques dollars de plus séduit les acheteurs et la Parisienne enregistre ici, en proportion, de meilleurs chiffres de ventes que ses équivalents américains.

Photo: Pontiac

Le poids c’est l’ennemi!

À partir de 1971, les choses changent. General Motors lance une nouvelle génération de ses modèles pleine grandeur (châssis B et châssis C pour les plus longs) et les Pontiac canadiennes ne reposent plus sur des châssis Chevrolet (plus courts) mais sur des Pontiac, avec des empattements identiques aux véhicules américains. Quant aux mécaniques, elles sont un mélange de blocs d’origine Chevrolet ou Pontiac. De 1971 à 1976, la Parisienne est un modèle de milieu de gamme, les Bonneville, Bonneville Brougham, Grand Ville et Grand Ville Brougham (selon les millésimes) occupant le haut du pavé.

L’année 1977 marque un important tournant dans l’histoire des gammes pleine grandeur avec l’introduction de véhicules plus compacts et plus légers dans les cinq divisions. Beaucoup ont vu ce programme comme une réaction à la première crise du pétrole d’octobre 1973. En fait, la décision de jouer la carte de l’économie d’essence avait été prise par la direction quelques mois avant cet événement. GM avait en effet été critiquée pour la taille de ses autos (de 5,66 m pour une Chevrolet Impala 1976 à 5,94 m pour une Cadillac Fleetwood du même millésime) et leur poids (de 1 894 kg à 2 365 kg pour les mêmes modèles). Un an plus tard, ces chiffres passent à 5,39 m et 1 646 kilos pour la Chevrolet et 5,62 m et 1 967 kilos pour la Cadillac… le tout sans baisse significative de l’habitabilité (voire d’une augmentation selon certaines cotes). Le public plébiscite les nouvelles GM et le magazine Motor Trend attribue son titre de voiture 1977 à la Chevrolet Caprice Classic.

Photo: Pontiac

La chasse au gaspi

Chez Pontiac, la gamme américaine repose sur deux modèles : la Catalina et la Bonneville, lesquelles sont proposées en carrosserie deux ou quatre portes ainsi qu’en familiale. Au Canada, les choses sont un peu différentes. Par rapport à 1976, la gamme est simplifiée (disparition des Bonneville et Bonneville Brougham) et se compose de trois modèles : Laurentian (nom introduit en 1953, mouture de base très dénudée), Catalina et Parisienne. Là aussi, des carrosseries 2 portes, 4 portes et familiales sont offertes. Ces dernières ont le suffixe Safari ajouté. Bizarrement, il n’y a pas de Parisienne Safari mais une Grand Safari. Les familiales ont une porte qui peut s’ouvrir sur le côté de façon classique ou se rabattre, comme dans un pick-up. Les mécaniques sont d’origine Chevrolet : 6 cylindres en ligne de 4,1 litres (110 chevaux) de base pour les berlines, V8 de 5,0 litres (145 chevaux) de série sur les Safari et en option sur les berlines, V8 de 5,7 litres (170 chevaux) en option sur tous les modèles. Dans tous les cas, la boîte de vitesses est une automatique à 3 rapports. La Parisienne est la plus équipée des trois mais pour obtenir la climatisation, les vitres électriques, la condamnation centrale, les sièges électriques ou le régulateur de vitesse, il faut encore payer des suppléments. Eh oui, nous sommes en 1977… Un ensemble optionnel Brougham comprend des garnitures intérieures spéciales, la banquette avant 60/40, des ceintures  et des tapis spéciaux.

Logiquement, 1978 n’apporte pratiquement aucun changement. Pour 1979, le 6 cylindres passe à 115 chevaux, le V8 5,0 litres à 130 et le 5,7 litres à 160. La Parisienne familiale prend enfin le nom de Parisienne Safari et que la Parisienne Brougham devient une version à part entière. L’année suivante, les calandres sont revues et le coupé reçoit un nouveau toit plus vertical, dit formal roof (une transformation qui a lieu sur les coupés pleine grandeur pour les cinq divisions). Côté moteurs, ça bouge sérieusement : celui de base est dorénavant un V6 de 3,8 litres (115 chevaux), le premier V8 disponible (de série pour les Safari) est un 4,4 litres de 120 chevaux, suit un 5,0 litres de 155 chevaux alors que le 5,7 litres (fourni par Buick) est uniquement monté dans les familiales.

La plus grosse nouveauté de l’année reste l’introduction du moteur diesel. Développé par Oldsmobile et d’une cylindrée de 5,7 litres, il délivre la puissance désolante de… 105 chevaux. Même le couple n’est pas faramineux : 205 lb-pi à 1 600 tr/min (en comparaison aux 280 lb-pi à 1 600 tr/min du 5,7 litres à essence). Conçu à partir d’un V8 à essence, sa fiabilité sera désastreuse parce qu’il doit supporter des taux de compression près de 3 fois plus élevés. Mais la deuxième crise du pétrole est passée par là et les amateurs de frugalité se jetteront dessus. Les pauvres… En 1981, le V6 3,8 litres de base est fourni par Buick (110 chevaux). Les États-Unis sont passés aux V8 avec carburateurs à pilotage électronique (un premier pas avant l’injection) mais pas le Canada, qui conserve les carburateurs classiques et offre la version électronique en option… mais pas sur les mêmes moteurs. Le V8 de base reste le 4,4 litres Chevrolet (115 chevaux) alors que la variante électronique est un 4,3 litres Pontiac de 120 chevaux. Le 5,0 litres classique est un Chevrolet de 150 chevaux tandis que sa déclinaison électronique est un Oldsmobile de 145 chevaux. Le 5,7 litres disparaît et le diesel est reconduit sans modifications.

Photo: Pontiac

Le tour de passe-passe

La deuxième crise du pétrole de 1979 a entraîné une désaffection du public pour les modèles pleine grandeur. Aux États-Unis, les ventes de Catalina/Bonneville ont été divisées par deux entre 1979 et 1980 (de 226 300 à 98 473 exemplaires). Pour 1982, GM mise gros sur ses nouveaux A-Body traction avant (Chevrolet Celebrity, Pontiac 6000, Oldsmobile Cutlass Ciera, Buick Century) et envisage un temps de supprimer les châssis B. Finalement, Pontiac est la seule division à effectuer cette opération : la Bonneville est transférée sur le châssis A propulsion  de la Le Mans (renouvelé en 1978) et renommé en 1982 G-Body pour éviter la confusion. Elle repose sur un empattement réduit de 116 à 108,1 pouces et devient la Bonneville G. Logique. À cette occasion, la Catalina disparaît.

Photo: Pontiac

Et c’est là que GM Canada est confronté à un dilemme. En effet, les Laurentian/Catalina/Parisienne se vendent encore assez bien chez nous et sont rentables pour la division. Que faire? En faire à sa tête, bien évidemment! Pour 1982, Pontiac Canada maintient ses modèles pleine grandeur et garde le nom de Grand LeMans pour les G-Body.

La gamme est radicalement simplifiée : les Laurentian et Catalina sont supprimés. Quant à la Parisienne, normale ou en version Brougham, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une Chevrolet Caprice Classic (aussi produite à Oshawa) avec une calandre Pontiac greffée et quelques options supplémentaires. Les emboutis et le tableau de bord spécifiques à Pontiac ont disparu, ainsi que les jupes d’aile arrière. Il fallait faire vite et pas cher! Le choix des moteurs est réduit : le V6 et le V8 diesel demeurent et les V8 de 4,4 et 5,0 litres sont offerts avec ou sans contrôle électronique du carburateur (respectivement 115 et 145 chevaux), plus de doublons.

Le réseau américain n’est pas spécialement satisfait de la Bonneville G et le souvenir de la crise de 1979 commence à s’éloigner alors que l’économie repart. Les ventes de modèles pleine grandeur redécollent durant les millésimes 1982/83. Pontiac est maintenant la seule division de GM à ne plus avoir de B-Body dans sa gamme. Que faire? Se tourner vers le Canada et importer les Parisienne aux États-Unis, bien sûr! Au cours de 1983, la Parisienne est introduite sur le marché américain, les coupés ont disparu et le choix de moteurs a été simplifié : V6 3,8 litres de base pour la berline 4 portes (110 chevaux), V8 5,0 litres de série sur la Safari et en option sur la berline (150 chevaux) et V8 diesel en option sur les deux carrosseries (105 chevaux). Toutes les Parisienne sont fabriquées à l’usine d’Oshawa, en Ontario. Les États-Unis absorbent 17 445 exemplaires sur un millésime tronqué.

Photo: Pontiac

Direction : sud

Pas de gros changements à noter pour le millésime 1984 si ce n’est l’introduction d’une boîte automatique à surmultipliée sur les V8. En revanche, au niveau industriel, ça bouge! En cours d’année, la production des Parisienne est transférée de l’usine d’Oshawa à celle de Fairfax, dans le Kansas. Ce qui veut dire qu’à partir de là, les Canadiens achètent des Parisienne fabriquées aux États-Unis. Vous avez dit paradoxe? Les ventes américaines montent à 59 984 exemplaires. Pour 1985, Pontiac ressort les matrices d’emboutissage de 1981 et la Parisienne retrouve des lignes plus typiques et des jupes d’aile arrière. Les intérieurs récupèrent aussi un cachet supérieur à celui des Chevrolet. Au Canada, la seule évolution côté moteurs se situe au niveau du V8 5,0 litres, qui passe à 165 chevaux. Les États-Unis ont par contre droit à un V6 4,3 litres Chevrolet en monte d’origine. Les Américains achètent 82 107 Parisienne. Un joli petit succès!

Photo: Pontiac

Pourtant, 1986 marque la fin de la route pour le modèle. Les principaux changements sont la disparition du V8 diesel et l’introduction de V6 4,3 litres au Canada. Les Américains achètent tout de même 85 082 exemplaires mais GM a d’autres plans pour 1987. Le constructeur a déjà lancé les Buick LeSabre et Oldsmobile 88 en 1986 sur la plate-forme H traction avant et la Bonneville fait son retour sur ce soubassement des deux côtés de la frontière l’année suivante. Le châssis B perdurera chez Pontiac jusqu’en 1989, mais uniquement sous forme de familiale (chez Oldsmobile et Buick, les familiales dureront jusqu’en 1990). Seuls Chevrolet (beaucoup pour les ventes de flottes, jusqu’en 1990) et Cadillac (pour le marché du luxe, jusqu’en 1992) garderont des berlines 4 portes. Lorsque la plate-forme B sera finalement renouvelée en 1991, Pontiac sera encore une fois l’unique division à ne pas en tirer profit (probablement parce que des berlines 6 places ne rentrent pas bien dans la stratégie de la marque, résumée par leur slogan de l’époque : We build excitement (La marque des sensations ). Mais ceci est une autre histoire…

Ce ne sera pas là la fin des Pontiac canadiennes (on pense à la Tempest de 1987 à 1991 ou bien à la Pursuit plus récemment) toutefois, avec la disparition de la Parisienne, c’est une importante page des annales du patrimoine automobile canadien qui se tournait.

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