Ferrari F40 : le cadeau d’anniversaire le plus rapide du monde!

La F40 est sans aucun doute l’un des modèles les plus importants de l’histoire de Ferrari, voire de l’histoire de l’automobile. Elle a permis de célébrer un anniversaire majeur et de cimenter la légende d’un homme. Mais saviez-vous que son développement était dû à des circonstances tragiques?

Si la Scuderia Ferrari, l’équipe de course, fut fondée en 1929, la toute première Ferrari de route, la 125S, ne fît son baptême du bitume que le 12 mars 1947. Pour Enzo Ferrari, les véhicules clients étaient un mal nécessaire pour pouvoir financer les activités de compétition. Mais, au fil des années, il se prendra au jeu.

Le retour de la GTO

Nous sommes au mois de décembre 1982. Fiat a pris le contrôle de Ferrari en 1969. Enzo n’est plus responsable du département des autos de route. C’est à Eugenio Alzati, directeur général de Ferrari, et Vittorio Ghidella, PDG de Fiat, que revient cette responsabilité. Mais Ferrari a encore son mot à dire et reste, évidemment, très écouté à l’usine. C’est là qu’il convoque Angelo Bellei, le directeur du bureau d’étude, pour lui demander de développer une 308 GTB plus sportive. Dès septembre 1983, des prototypes roulent sur la piste de Fiorano.

Si la 308 a bel et bien servi de base, les différences sont majeures. Le châssis tubulaire est allongé, les ailes sont élargies pour accommoder de plus gros pneus, l’aérodynamisme est optimisé et la carrosserie fait appel à des matériaux comme la fibre de verre, le kevlar ou la fibre de carbone. Et puis, il reste le plat de résistance : le V8 biturbo de 400 chevaux. Développé par Nicola Materazzi, retenez bien ce nom, il dispose d’une cylindrée de 2,9 litres pour pouvoir répondre aux normes du Groupe B et embarque deux turbos IHI.

Photo: Ferrari

Grâce à lui, l’auto réalise le 0 à 100 km/h en 4,9 secondes, le 0 à 200 km/h en 15,2 secondes et elle atteint 305 km/h en pointe. Une bête! Enzo Ferrari est tellement satisfait qu’il consent à ressortir le label GTO, utilisé de 1962 à 1964 sur une version homologuée Groupe 3 de sa 250. Ce modèle mythique n’a été produit qu’à 36 exemplaires et a longtemps été l’auto de collection la plus chère du monde. La 288 GTO est présentée au Salon de Genève, en mars 1984, dans l’enthousiasme général. Si Ferrari ne prévoyait initialement que 200 exemplaires, le constructeur en fabriquera au final 272.

Vie et mort du Groupe B

Le Groupe B fut introduit par la Fédération internationale de l’automobile (FIA) en 1982 pour remplacer les Groupe 4 et 5, relatifs aux voitures de sport, notamment le rallye. Il précisait que les autos en version client devaient être produites à 200 exemplaires sur 12 mois pour pouvoir être homologuées. Une fois les 200 exemplaires construits, le constructeur pouvait concevoir une déclinaison « Évolution », fabriquée à 20 exemplaires, et uniquement réservée pour la compétition.

La production de la 288 GTO débuta en novembre 1984 et le modèle fut homologué en juin 1985. Commença alors l’étude de cette « Evoluzione », en collaboration avec Michelotto, une compagnie spécialisée dans le développement d’autos de compétition située à Padova. La cellule centrale de la 288 est retenue mais l’Evoluzione connaît d’importantes modifications : nouvel avant, grand aileron arrière, châssis allégé et renforcé (poids total de 940 kilos contre 1 160), voies élargies et suspensions recalibrées.

Le moteur est revu et le souffle des turbos augmenté pour atteindre 650 chevaux. Le 0 à 100 km/h s’effectue en moins de 3 secondes et la vitesse de pointe passe à 360 km/h. L’intérieur est dépouillé et les sièges en cuir ont laissé leur place à des baquets de course. Michelotto fabrique un exemplaire de test et cinq exemplaires finaux avant que les choses ne tournent au vinaigre.

Photo: Ferrari

Depuis plusieurs mois, la FIA s’inquiétait de la course à l’armement qui avait lieu en Groupe B. Les Peugeot 205 Turbo 16, Audi Quattro S1, Ford RS200 et autres Lancia Delta S4 avoisinent ou dépassent les 500 chevaux. Un premier accident au rallye du Portugal, en mars 1986, avait entraîné le décès de trois spectateurs et mis les autorités en alerte. Le 2 mai 1986, Henri Toivonen et son copilote Sergio Cresto, alors en tête du Tour de Corse dans une Lancia Delta S4, sortirent de la route. En tombant dans le ravin, le réservoir prit feu et les deux hommes furent brûlés dans un violent incendie. Le 3 mai 1986, la FIA décrétait la disparition du Groupe B à la fin de la saison. Pour Ferrari, cela signifiait l’arrêt du programme 288 GTO et une perte sèche sur les Evoluzione. À moins que…

Des délais serrés

Nicola Materazzi, qui a aussi travaillé sur le moteur de l’Evoluzione, a l’idée d’utiliser ce modèle comme base pour une mouture de rue extrême, capable d’aller concurrencer la Porsche 959 (elle aussi initialement pensée pour le Groupe B). Il en parle à Enzo Ferrari. « Il Commendatore » a 88 ans et sait que ses jours sont comptés. Séduit par l’idée, il entrevoit l’auto comme la touche finale de son héritage. Eugenio Alzati, le directeur général de la marque, accepte le projet, mais à une condition : mener les études en dehors des heures de bureau. C’est ainsi que le projet Tipo F120 démarre officiellement le 10 juin 1986 avec une équipe réduite. Mais il va falloir aller vite car Enzo Ferrari a lui aussi une demande : que le modèle soit prêt pour l’été 1987, afin de célébrer les 40 ans de la 125S.

Photo: Ferrari

Materazzi retravaille le moteur de la GTO. La cylindrée passe de 2 855 à 2 936 cm3, le taux de compression de 7,6 à 7,8:1 et le souffle des turbos de 0,8 à 1,1 bar. Le système d’injection électronique Weber-Marelli est calibré pour une plus grande facilité de conduite sur route. La puissance indiquée par Ferrari est de 478 chevaux, soit 162,8 chevaux par litre, une valeur impressionnante pour l’époque. Mais il paraîtrait qu’en réalité, elle est supérieure à 500 chevaux.

Ce sont les designers de Pininfarina, le partenaire habituel de la marque au cheval cabré, Leonardo Fioravanti et Pietro Camardella, sous la direction d’Aldo Bravarone, qui signent les lignes de la F40. Par rapport à la GTO Evoluzione, l’avant est plus fin et l’aileron arrière mieux intégré. Pininfarina sera également mis à contribution pour sa soufflerie. La F40 y passera de nombreuses heures, les ingénieurs réussissant à faire baisser le Cx à 0,34. À 200 km/h, la force d’appui aérodynamique est de 50 kilos sur l’avant et 120 kilos sur l’arrière. Les onze morceaux de carrosserie sont en carbone kevlar, une première pour une auto de route. Grâce à une utilisation étendue de matériaux composites, la F40 ne pèse que 1 100 kilos. Pirelli créera les premiers P-Zero pour elle, en 245/45ZR17 à l’avant et 335/35ZR17 à l’arrière.

Photo: Ferrari

L’intérieur est largement repris de l’Evoluzione. Il n’y a aucun élément de confort : pas de radio, pas de vitres électriques, pas de coffre à gants, de tapis de sol ni même de poignées de portes à l'intérieur! Et les 50 premiers exemplaires ont des vitres coulissantes. Il n’y a pas non plus de direction ou de freins assistés. Les sièges de course sont moulés aux spécifications de l’acheteur. Seule concession au confort : l'air conditionné.

Aimée/mal-aimée… mais finalement adorée

Le pari de l’équipe de développement est réussi et la F40 est officiellement dévoilée le 21 juillet 1987, au centre civique de Maranello, soit treize mois après le début du projet. Le monde entier est soufflé par les lignes de l’auto et ses performances : 324 km/h en pointe, 0 à 100 km/h en 4,6 secondes, 0 à 200 km/h en 12 secondes et le kilomètre départ arrêté en 21 secondes à 270 km/h (selon Ferrari). Ferrari pense en produire 400 exemplaires au rythme de 200 par an.

La presse n’est cependant pas toujours tendre avec le bolide. Sous les 3 000 tr/min, le V8 est presque civilisé mais au-dessus, les turbos se déchaînent à la façon on/off et la F40 exige beaucoup de doigté. Elle souffre quelque peu de la comparaison avec la Porsche 959, techniquement plus avancée et plus docile. Gordon Murray, qui concevra la McLaren F1, regrettera le manque de rigidité de son châssis. Peu importe, la F40 est une expérience passionnante, viscérale, voire terrifiante, et les acheteurs se pressent pour déposer des chèques.

Photo: Ferrari

La demande est tellement forte que Ferrari en produira finalement 1 311 exemplaires entre 1987 et 1992, toutes quittant l’usine revêtues de rouge et avec un volant à gauche (certains véhicules seront repeints ou convertis avec volant à droite). L’auto connaîtra peu d’évolutions : installation d’une suspension avant ajustable en hauteur au milieu du cycle de production et des catalyseurs pour le marché américain à partir du millésime 1990 (213 exemplaires y seront écoulés). La F40 aura aussi droit à des versions de course LM et GTE, mais ceci est une autre histoire.

La F40 sera l’ultime Ferrari validée par Enzo lui-même. Ce dernier décédera quelques mois après sa présentation, le 14 août 1988. Nicola Materazzi quittera Ferrari en 1988, suite à la mort du Commandatore, pour aller travailler chez Cagiva avant de participer à la renaissance de Bugatti, avec l’EB 110, en 1991. La F40 sonnera le départ, avec la 959, d’une nouvelle génération de super sportives rares et excessives.

Mais certains reprocheront à Ferrari qu’elle ne soit pas assez exclusive. La marque corrigera le tir avec ses supercars suivants en limitant strictement leur production : 349 F50, 399 Enzo et 499 LaFerrari. Qu’importe, la F40 est aujourd’hui devenue une icône et un bel exemplaire peut facilement coûter quatre millions de dollars canadiens. Le prix de l’histoire…

Note de la rédaction : toutes les données techniques de cet article sont des valeurs européennes.

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