Les routes sont mauvaises parce qu’on fait le minimum

Par Éric Yvan Lemay et Philippe Séguin

La couche d’asphalte posée sur deux des plus importantes autoroutes du Québec répond aux normes du ministère des Transports... mais c’est parce que ces normes ne sont pas assez exigeantes, selon un des plus grands experts dans le domaine.

Au cours des derniers mois, Le Bureau d’enquête a mandaté une équipe de l’École de technologie supérieure à Montréal pour analyser trois échantillons d’asphalte. L’objectif était de comprendre pourquoi nos routes sont souvent dans un état lamentable.

Ces échantillons provenaient de travaux effectués l’été dernier sur l’autoroute 20 ouest en Montérégie, sur l’autoroute 10 dans les Cantons-de-l’Est, et dans l’entrée d’un immeuble à condominiums.

Les résultats démontrent que les enrobés bitumineux, soit l’asphalte, répondaient aux normes, mais sans plus. 

«Globalement, ce sont des enrobés qui sont corrects. Est-ce que ce sont des enrobés exceptionnels? Non. Est-ce que ce sont des enrobés plutôt mauvais? Non plus», indique le professeur Alan Carter, qui a piloté les analyses effectuées l’automne dernier.

Hausser la barre

Selon celui qui est l’une des sommités dans la composition des enrobés bitumineux au Québec, il y a moyen de faire mieux. Certaines exigences du ministère pourraient être revues. 

«Les critères peuvent être augmentés, mais il faut être certain d’augmenter les bons critères», dit-il. 

L’expert donne en exemple certaines sortes d’enrobés bitumineux conçues pour être appliquées comme une couche mince en surface, mais qui sont parfois utilisées pour rehausser la structure de la chaussée et qui sont appliquées en couches trop épaisses.

L’autre problème important, selon lui, est la base de la route sur laquelle on appose la couche d’asphalte. 

«J’ai beau faire le mieux que je peux, si ce n’est pas appuyé sur quelque chose de totalement bien fait, de bien solide, ça ne change rien», dit-il.

Un exemple flagrant de ce problème est la section de l’autoroute 30 entre l’autoroute 20 et Sorel-Tracy, construite sur une mauvaise base. 

Il s’agit d’un des pires tronçons d’autoroutes au Québec. Des travaux de réfection doivent régulièrement être faits pour colmater les trous.

Erreurs dans les mélanges

Le laboratoire de génie de la construction dirigé par Alan Carter analyse chaque année des centaines d’échantillons. On teste leur résistance à la chaleur, à la fissuration et à l’orniérage causés par le passage des véhicules. La plupart des échantillons sont conformes, mais d’autres n’ont pas du tout la bonne composition.

«Des erreurs au niveau des mélanges, ça arrive comme dans n’importe quoi», dit-il.

Si cela peut avoir un effet positif sur la durabilité de l’enrobé bitumineux, d’autres erreurs peuvent avoir de graves conséquences. 

«Si ce n’est pas le bon bitume qui a été mis à l’intérieur, ça se peut qu’on ait de la fissuration plus rapidement, par exemple», dit le professeur. 

RÉPARER LES BONNES ROUTES AVANT CELLES QUI SONT FINIES  

Pour s’assurer de mettre l’argent au bon endroit dans les routes, le professeur Alan Carter propose une solution surprenante. Il faut réparer les routes qui sont encore en bon état avant celles qui sont finies. 

«La route à réhabiliter en premier, c’est pas celle qui est brisée, c’est celle qui n’a pas grand-chose. Parce que réparer ce qui n’est pas brisé est souvent une bonne idée qui coûte moins cher et qui fait en sorte qu’elle va durer longtemps», dit-il.

Selon lui, il vaut donc mieux retarder d’un an les travaux sur une route en mauvais état pour prioriser celles qui peuvent être sauvées en effectuant un entretien mineur. Les travaux sur une route en très mauvais état vont souvent coûter plus cher puisqu’il faut refaire l’ensemble de la structure sous la couche d’asphalte. 

Pas populaire

Il admet toutefois que cette proposition n’est pas nécessairement populaire et se heurte à d’autres considérations, qu’elles soient politiques ou financières.

Le réseau québécois est d’ailleurs très imposant pour la petite population que compte la province. 

«On a besoin de mettre beaucoup d’argent par personne pour entretenir ce réseau-là, c’est mathématique, c’est assez simple», dit-il, en comparant la situation avec celle de nos voisins qui ont souvent une plus grande concentration de population. 

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