Chrysler… Une vie en montagnes russes, allemandes et italiennes

Au début des années 2010, personne ne donnait cher de la Chrysler Corporation. Suite à la crise économique de 2008-2009, le troisième plus grand constructeur américain vivotait et n’a été maintenu en vie que grâce à l’argent des contribuables. Aujourd’hui devenue Fiat Chrysler Automobiles (FCA), l’entreprise semble en meilleure forme. Retour sur l’histoire pas banale d’une marque pas banale…

Walter Percy Chrysler naît au Kansas le 2 avril 1875. Jeune adulte, il se trouve divers boulots dans l’industrie du chemin de fer en tant que machiniste et mécanicien. Ambitieux, il gravit les échelons jusqu’à devenir l’un des principaux dirigeants d’une compagnie ferroviaire. Puis, il se voit offrir un poste de direction dans le domaine de l’automobile, un défi qui ne le rebute pas, bien au contraire, puisqu’il s’intéresse de près à cette nouvelle industrie. C’est ainsi qu’en 1911, il devient directeur de production pour Buick, à Flint au Michigan. Une de ses tâches consiste à réduire les coûts de production, ce dont il s’acquitte avec ferveur.

En 1916, lorsque Buick passe aux mains de Billy C. Durant et de General Motors, Chrysler reçoit alors 10 000 $ par mois, plus divers bonis et, surtout, prend le contrôle total de Buick. Trois ans plus tard, Chrysler, en désaccord avec Durant, part en revendant ses parts à ce dernier. Chrysler empoche des millions de dollars.

Photo: Jeep

Un million de dollars par année!

Walter Chrysler ne reste pas longtemps au chômage. Il se retrouve rapidement à la tête de la Willys-Overland Motor Company qu’il doit sauver de la faillite. Sans doute motivé par son salaire annuel de 1 million de dollars (nous sommes au début des années 1920!), il remet la marque sur pied. Puis, il acquiert la Maxwell Motor Company en 1921 et change son nom pour Chrysler Corporation en 1925.

Suivant un peu le modèle de Billy Durant et de sa General Motors qui possède un large éventail de marques pouvant répondre à tous les budgets, Walter Chrysler crée Plymouth et DeSoto en 1928. Cette même année, il achète la Dodge Brothers Company… qui mériterait un article à elle seule! Comme si 1928 n’était pas suffisamment occupée, c’est le début de la construction du Chrysler Building à New York, un gratte-ciel de style Art déco qui est, encore aujourd’hui, très impressionnant. Pour couronner le tout, Walter Percy Chrysler est élu l’homme de l’année par le magazine Times.

En 1936, notre homme décide de se retirer, en partie, de son entreprise. Il décède d’une hémorragie cérébrale le 18 août 1940 à l’âge de 65 ans. Vingt-sept ans plus tard, il sera intronisé au temple de la renommée de l’automobile (Automobile Hall of Fame).

MOPAR

Les années 30 voient l’arrivée de Mopar, contraction de Motor et Parts (moteur et pièces en français) qui finira par s’appliquer dans le langage populaire à toute voiture vendue par la Chrysler Corporation. Il faut toutefois attendre jusque dans les années 70 avant que Mopar fasse son entrée officielle au Canada.

Photo: Chrysler

Durant la Seconde Guerre mondiale, Chrysler fabrique, comme les autres constructeurs, du matériel de guerre. Au retour de la paix, en 1945, plusieurs technologies développées pour le combat sont transférées dans les automobiles. Commence alors une inexorable guerre des chevaux, un terrain où Chrysler excellera! En 1951, la corporation dévoile un V8 Hemi (à chambres de combustion hémisphériques), le premier d’une série de moteurs extraordinairement puissants pour l’époque, culminant avec le vénéré 426 Hemi. Il ne faudrait surtout pas oublier les fameux 340, 383 Magnum, 400 et 440 pouces cubes qui ont aussi fait les belles années de l’époque des muscle cars.

La fameuse crise du pétrole

La crise du pétrole de 1973 vient toutefois freiner les élans de Chrysler. Les années suivantes sont très difficiles pour ce constructeur qui avait fait de la performance son cheval de bataille. Et qui dit performances, dit consommation élevée… En 1975, Chrysler dévoile la Dodge Aspen et sa jumelle, la Plymouth Volaré, des compactes à la fiabilité très douteuse qui ont le lourd mandat de rapporter beaucoup de sous. Trois ans plus tard, Chrysler est sur le point de faire faillite. Mais c’est sans compter sur l’aide de son concurrent Ford…

Chez Ford, le vice-président Lee Iacocca en menait large. Extrêmement large. À tel point qu’il portait ombrage à Henry Ford II qui le prenait fort mal. Le 13 juillet 1978, Iaccoca est cavalièrement remercié. À peine quelques mois plus tard, il est engagé par Chrysler qui a besoin de quelqu’un de compétent à sa tête.

Photo: Chysler

Bienvenue Lee!

La première tâche du charismatique Iacocca chez Chrysler est de négocier un plan de sauvetage avec le gouvernement américain. Puis, il introduit la plate-forme K sur laquelle sont développées les Dodge Aries K, Plymouth Reliant K et une multitude de véhicules, dont l’Autobeaucoup (Dodge Caravan et Plymouth Voyager). Iacocca fait davantage; il supprime des emplois dans plusieurs usines, sabre les coûts de production et vend même des terrains qui ne rapportent pas. Dès septembre 1980, la Chrysler Corporation dégage des profits. Iacocca reste en poste jusqu’à la fin de 1992. Maintenant âgé de 94 ans, il profite d’une retraite parfaitement méritée!

Mars 1987. Chrysler achète les actions de Renault et, par le fait même, devient propriétaire de la déficitaire American Motors Corporation (AMC). Notez que cette dernière n’intéresse pas, ou si peu, Chrysler. Elle veut surtout mettre la main sur la marque Jeep, alors détenue par AMC.

Fusion Daimler-Benz-Chrysler

Coup de tonnerre en 1998! Daimler-Benz et Chrysler s’unissent pour former DaimlerChrysler AG. On annonce un partenariat 50-50 quoique, dans les faits, Daimler-Benz semble avoir plus de pouvoir. Son populaire président, Dieter Zetsche, assure aussi ce rôle chez Chrysler… Sous sa férule, Chrysler se départit de Plymouth (2001) et plusieurs plates-formes allemandes servent de base à des produits comme les Chrysler Crossfire, Chrysler 300, Dodge Charger, Dodge Challenger et Dodge Magnum. Malgré de belles apparences, le mariage bat de l’aile…

Photo: FCA

Le 14 mai 2007, DaimlerChrysler AG annonce avoir vendu 80,1% de ses parts dans Chrysler à Cerberus Capital Management, une firme de redressement financier. Au début de 2009, en pleine crise financière, Cerberus ne peut plus supporter Chrysler. Ce sont les gouvernements américain et canadien qui en deviennent, en bonne partie, les propriétaires à la suite de faramineux prêts.

Fiat s’en mêle (ou s’emmêle)

De manière plutôt inattendue, l’aide vient d’un conglomérat automobile italien dont l’avenir n’est pas parfaitement limpide, Fiat. Le 12 octobre 2014, Fiat S.p.A et Chrysler Group LLC fusionnent. Les deux entreprises ne forment plus qu’une, sauf que Ferrari, dans le giron Fiat depuis 1969, est maintenu à l’écart de cette opération. Sage décision si vous voulez mon avis…

Un peu comme dans le temps de DaimlerChrysler AG, c’est la direction européenne qui est à la tête de la nouvelle entité. Le président de Fiat, le sympathique Sergio Marchionne, un Italien ayant vécu plusieurs années au Canada (Toronto) et qui s’exprimait très bien en français, prend les rênes. Son décès, le 25 juillet 2018, prend tout le monde par surprise.

La nouvelle direction de FCA, Mike Manley en tête, jongle présentement avec plusieurs options, dont l’une serait, semble-t-il, de se départir de Maserati et d’Alfa Romeo pour mieux se concentrer sur Ram et Jeep, les deux marques les plus rentables. Quoi qu’il en soit, il faudra une certaine dose d’audace pour sortir FCA de son marasme actuel.

L’avenir n’est-il pas fait d’audace?

Même si marque Chrysler n’est plus l’ombre de ce qu’elle était (elle ne compte plus que la fourgonnette Pacifica et la berline 300, pratiquement à la retraite), que Dodge ne semble n’en avoir que pour des voitures suprapuissantes en totale contradiction avec le marché actuel et que Fiat végète dans les bas-fonds des palmarès de vente et de fiabilité, il reste que la page n’est pas encore tournée sur ce chapitre de l’histoire automobile.

Quand une entreprise a eu le culot de commercialiser la Chrysler Airflow (1934-1937), la Chrysler Turbine (1963-1964), la Dodge Viper (1992-2017), la Plymouth Prowler (1997-2002) et la Dodge Challenger Demon (2018), pour ne nommer que celles-là, ce n’est pas l’audace qui manque…

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