Lamborghini, l'histoire du gars qui fabriquait des tracteurs...

L’Italien Ferrucio Lamborghini (28 avril 1916 – 20 février 1993) n’était pas du genre à se laisser marcher sur les pieds. Et comme il était riche, il pouvait envoyer promener n’importe qui. Même Enzo Ferrari.

Élevé sur une ferme, le jeune Ferrucio s’intéresse bien davantage aux véhicules qui s’y trouvent qu’aux travaux à y faire! Mécanicien génial, il attend les années 40 avant de se démarquer, tout d’abord en ouvrant un garage à Pieve di Cento, dans la région de Bologne. En même temps, il touche un peu à la course automobile, mais sans grand succès. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, persuadé que les besoins en équipement agricole seront bientôt élevés (l’avenir lui donnera raison), Ferrucio fonde la Lamborghini Trattori et commence à produire des tracteurs. Et il devient rapidement très riche.

« Si t’es pas content… »

Au point où, en 1958, Ferrucio achète sa première Ferrari, une 250GT. Au cours des années suivantes, il aura une 250 SWB Berlinetta et une 250GT 2+2, entre autres. Il les trouve bruyantes, pas très bien finies et, surtout, leur embrayage est trop peu résistant. En plus, il ne se considère pas particulièrement bien servi par son concessionnaire Ferrari. Il s’en ouvre à Enzo qui, selon la légende, lui aurait dit « Si t’es pas content de mes chars, t’as rien qu’à t’en faire un toi-même! » (NDLR Évidemment, il s’agit d’une traduction très libre, et plutôt québécoise, de ce qui aurait été dit par le bouillant Enzo…)

Bref, Ferrucio décide de se lancer dans l’aventure automobile. Pas fou, il se dit qu’il peut même utiliser certaines pièces de tracteurs dans ses prochaines créations. La première voiture Lamborghini à voir le jour à l’usine de Sant’Agata est la 350 GT, suivie de son évolution la 400 GT. Construites à 382 unités entre 1964 et 1968, inutile de vous dire qu’elles sont maintenant hyper rares et que chacune d’elles vaut une fortune! Ses prochaines voitures porteront toutes, à quelques exceptions près, des noms de taureaux célèbres ou de toréadors tout aussi reconnus. Cette passion pour la tauromachie lui vient d’une visite qu’il effectue en 1962 au ranch d’un réputé toréador, Don Eduardo Miura.

Photo: Lamborghini

La sublime Miura

C’est au Salon de l’auto de Turin, en 1965, que Lamborghini entre dans le cercle très restreint des supervoitures avec la présentation de la… Miura, considérée, même après plus de 50 ans, comme l’une des plus belles voitures jamais produites, toutes catégories et tous pays confondus. Dessinée par Marcello Gandini, la Miura demeure en production jusqu’en 1973. 763 de ces sculptures mobiles ont vu le jour (dont une seule Roadster), équipées d’un V12 3,9 litres développant, selon les modèles, entre 350 et 380 chevaux.

La longiligne Espada apparaît en 1968. En dix ans de carrière, cette quatre places sera construite à 1 217 unités. Elle est également mue par le V12 de 3,9 litres livrant ici 321 chevaux. Lamborghini lance ensuite trois voitures qui ont moins marqué son histoire (Islero – 1968-1969, Jarama – 1970-1976 et Urraco – 1973-1979), peut-être parce que, malgré leurs lignes sportives, elles n’étaient pas aussi spectaculaires que l’Espada et, surtout, que la Miura.

Bienvenue à l’extraterrestre

La prochaine création de Lamborghini allait toutefois renverser la vapeur. Bienvenue à la phénoménale Countach! Jamais l’œil humain n’a regardé une voiture au design aussi éclaté. Hauteur totale d’à peine plus d’un mètre, portes en élytre, pare-brise immense et passages de roues arrière inédits. Son V12 libère 370 chevaux et les performances sont hallucinantes. Dès son dévoilement au Salon de Genève en 1971, la Countach fait déjà partie des grands classiques. Elle demeurera au poste jusqu’en 1990, quelque peu défigurée par divers appendices ajoutés au fil des années pour améliorer son aérodynamisme ou pour respecter des normes de sécurité toujours plus exigeantes. 2 049 Countach ont été construites.

Après une Silhouette et une Jalpa peu populaires, Lamborghini revient au délire avec le LM002, un VUS conçu pour les cheikhs d’Arabie. Doté du V12 de la Countach, ce camion pouvait rouler à fond sur le sable des déserts grâce à ses pneus anticrevaison spécialement développés par Pirelli. Le LM002 a été construit à 300 exemplaires, entre 1986 et 1993.

Du flash, mais pas de cash

Mais à quel point le spectacle peut-il cacher la réalité? Depuis le début des années 70, Ferrucio Lamborghini se bat contre une situation financière désastreuse, le développement de ses voitures ayant coûté une fortune. En 1972, il doit se résigner à vendre la filiale des tracteurs. Puis survient la crise pétrolière de 1973, crise qui jette une douche froide sur les voitures consommant sans vergogne. Les ventes de la Countach en souffrent et, dès 1974, Ferrucio vend ses actifs de l’Automobili Lamborghini à un certain René Leimer et se retire.

Leimer ne peut contrer le mauvais sort et en 1978, le gouvernement italien prend le contrôle de Lamborghini. Deux ans plus tard, deux frères, Patrick et Jean-Claude Mimran, sont nommés pour gérer la marque en faillite. Patrick, surtout, réussit à donner un second souffle à l’entreprise en modernisant la Countach pour le marché américain (1982), en lançant le LM002 et en révisant les méthodes de production. En 1987, une fois le boulot accompli, il vend Lamborghini à… Chrysler.

Photo: Section voitures occasion Guide de l'auto

Diablo et Viper

La corporation américaine débute son aventure italienne en investissant 50 millions de dollars dans l’entreprise. De cette relation italo-américaine naîtra la Diablo, la successeure de la vieillissante Countach et un V10 qui se retrouvera bientôt dans une certaine Dodge Viper! Cependant, le marché de la voiture sport haut de gamme est plus difficile qu’anticipé et Chrysler se débarrasse de Lamborghini dès 1994. D’abord à des intérêts indonésiens (Mega Tech), puis malaisiens (V’Power Corporation et MyCom Bhd).

En 1998, Lamborghini passe aux mains de Volkswagen AG qui, cette même année, s’offre aussi Bentley et Bugatti. Tant qu’à dépenser… La Diablo est remplacée par la Murciélago en 2001. En 2003 apparaît enfin « la bébé » Lambo, la Gallardo, qui reprend la place laissée vacante en 1988 par la Jalpa dont la production avait débuté en 1981. La Murciélago et la Gallardo resteront en poste neuf et dix ans respectivement et seront produites à quelques milliers d’exemplaires, un record pour Lamborghini! Parmi ceux-ci, il faut compter quelques unités de la fabuleuse Reventon (basée sur la Murciélago) ainsi que de la Sesto Elemento et de la troublante Egoïsta, dérivées de la Gallardo.

Volkswagen, Urus et avenir

Jouissant enfin de moyens considérables, ceux de Volkswagen AG, Lamborghini développe d’abord l’Aventador, la remplaçante de la Murciélago. Difficile de croire que cette voiture a, au moment d’écrire ces lignes, déjà huit ans! En 2014, c’est au tour de la Gallardo de laisser sa place à une nouvelle voiture, la Huracán.

La plus récente création de Lamborghini est… un VUS! Moins dément que le LM002 d’il y a plus de 30 ans, l’Urus partage sa plate-forme avec le Bentley Bentayga et le Porsche Cayenne. Après tout, les trois font partie de l’empire Volkswagen! Fait à noter, l’Urus est le premier Lamborghini depuis la Jalpa à faire appel à un V8.

Sans doute pour la première fois de son histoire, la marque Lamborghini peut penser au futur sans crainte. Être audacieux, c’est payant… même si, des fois, ça prend du temps! Et merci à Enzo…

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