Guide de l'auto 2009 : Quatre machines, deux circuits et la route

EN QUÊTE DE LA SPORTIVE IDÉALE - Malgré le prix de l’essence, les caprices de l’économie et le devoir moderne d’écologie, les sportives continuent de nous passionner. Nous nous sommes donc mis à la recherche de la plus complète et emballante du moment, quel que soit son prix. Notre match met aux prises quatre machines exceptionnelles et très différentes. La plus chère coûte même presque huit fois plus que la plus accessible. Nous cherchions simplement le meilleur amalgame de performance, de qualité et de pur plaisir.

Chacune des quatre participantes à ce match est remarquable à sa manière. L’Audi R8, rouge et resplendissante sur la couverture du Guide l’an dernier, trône au sommet dans l’échelle des prix. La première grande sportive du constructeur d’Ingolstadt a fait une entrée spectaculaire l’année passée avec ses lignes racées, sa structure et sa carrosserie tout aluminium et son V8 de 420 chevaux monté en position centrale. Elle fut même couronnée Voiture de l’année au pays en plus de décrocher les prix de meilleure voiture de prestige et de meilleur design décernés par l’AJAC (Association des journalistes automobiles du Canada). Cette nouvelle diva possède les attraits et les charmes des voitures exotiques sans leurs inconvénients, à prix nettement plus abordable. Nous l’avons même conduite en pleine tempête de neige l’hiver dernier, sans le moindre ennui. C’était un choix incontournable pour notre match.

Notre deuxième sportive est la Porsche Boxster, premier fruit du redressement et de la métamorphose interne qui ont fait de Porsche le constructeur automobile le plus prospère et rentable de la planète en une décennie. Mais l’essentiel pour nous est de savoir qu’avec son moteur central, la Boxster offre une tenue de route d’un équilibre rarement égalé et la puissance toujours croissante de ses six cylindres à plat, à un prix carrément inférieur à celui des légendaires 911 Carrera, sans parler de l’Audi R8. Pour notre essai, nous disposions de la Boxster la plus rare du moment. Le modèle RS 60 Spyder est un hommage à la voiture de course du même nom qui avait surclassé des voitures plus puissantes pour remporter les 12 Heures de Sebring au classement général en 1960. La RS 60 Spyder semblait donc prédestinée à se mesurer à l’Audi R8, qui est à la fois plus puissante et nettement plus chère. Ce modèle à tirage très limité dont Porsche n’a fabriqué que 1960 exemplaires (nous avons conduit le numéro 156) profite d’une version légèrement plus puissante du groupe de 3,4 litres qui équipe la Boxster S. Cette année, ce moteur de 303 chevaux actionne des éditions spéciales de la Boxster et de son frère, le coupé Cayman.

Notre troisième joueuse est la Mitsubishi Lancer Evolution en version MR Premium, animée par un bouillant quatre cylindres turbocompressé de 2,0 litres et 291 chevaux couplé à une boîte de vitesses séquentielle mécanique à double embrayage automatisé et au nouveau rouage intégral S-AWC (Super All Wheel Control) de Mitsubishi. Cette berline compacte inspirée d’une série maintes fois championne du monde des rallyes a ses inconditionnels de par le monde. Véritable voiture-culte, il aura fallu attendre la dixième génération pour qu’elle soit offerte chez nous. Elle a également avec des sièges avant Recaro, quatre freins à disque Brembo et une suspension montée sur ressorts Eibach et amortisseurs Bilstein. Sans compter une pléthore d’accessoires allant d’une chaîne stéréo Rockford Fosgate de 650 watts avec radio satellite Sirius à un système de navigation avec disque dur et la connectivité Bluetooth.

Et finalement, puisque chacune des deux dernières voitures que nous venons de présenter coûte environ moitié moins que la précédente et que la Mitsubishi vaut plus de 40 000 $, nous nous sommes demandé quelle pouvait être la sportive la plus satisfaisante et performante qu’on puisse se payer pour à peu près 20 000 $. Le prix d’une voiture économique, en somme. La réponse vous surprendra peut-être parce que celle qui complète notre carré d’as roule sur trois roues et ne possède ni toit, ni radio, ni volant, ni le moindre coussin gonflable. Il s’agit du Can-Am Spyder, dernier-né de Bombardier Produits Récréatifs, la firme qu’a fondée l’inventeur et bricoleur de génie Joseph-Armand Bombardier en 1941 et qui est connue sous le sigle BRP depuis 2004. Après avoir inventé et réinventé la motoneige, relancé l’industrie de la motomarine avec la deuxième mouture de ses Sea-Doo et tâté très sérieusement de la moto et des VTT, BRP parie maintenant gros sur ce trois-roues conçu exclusivement pour la route. Le Spyder est propulsé par un bicylindre en V de 998 cm3 et 106 chevaux fabriqué par sa division Rotax, assurément un des meilleurs motoristes mondiaux. Le pari semble en bonne voie d’être gagné puisqu’il y a déjà bon nombre de Spyder sur nos routes et que les ventes se multiplient également aux États-Unis et en Europe. Comme le Spyder se trouve à mi-chemin entre la moto et l’automobile à bien des égards mais qu’il n’est ni l’une ni l’autre, nous avons voulu savoir de quoi il est vraiment capable, tant sur la route que sur un circuit, dans le registre sportif. Et nous avons par la même occasion inscrit un produit du  Québec à cette confrontation.

UNE ÉQUIPE ÉCLECTIQUE ET DEUX CIRCUITS

En plus de l’équipe de choc du Guide de l’auto, notre groupe comptait deux invités spéciaux dont le savoir, l’expérience et les compétences allaient apporter beaucoup à notre match et même s’avérer providentielles. Costa Mouzouris est rédacteur en chef de Cycle Canada et rédacteur associé de Moto Journal, les deux grands magazines sur la moto au pays depuis plus de 35 ans. Également mécano expert, Costa connaissait déjà très bien le Can-Am Spyder pour l’avoir longuement essayé, mais nous étions aussi grandement intéressés de connaître ses impressions sur nos sportives à quatre roues, lui qui a même piloté la RC211V de MotoGP du multiple champion du monde Valentino Rossi, une machine qui développait plus de 230 chevaux pour ses maigres 148 kg. La performance ultime, Costa connaît bien.

Le hasard a voulu que nous profitions aussi des connaissances techniques et de la débrouillardise d’Yves Demers, notre deuxième essayeur invité. Yves et Costa ont effectivement réussi à bricoler un branchement électrique qui nous a permis d’effectuer nos mesures de performance sur le Can-Am Spyder à l’aide de notre appareil VBox. Après des études de mécanique, Yves a fait carrière comme gestionnaire. Il nourrit sans relâche sa passion pour la mécanique comme préparateur émérite en karting où les jeunes pilotes qu’il parraine se retrouvent généralement à l’avant du peloton. Nous recherchions les capacités d’analyse technique pointues du préparateur conjuguées aux impressions d’un exigeant amateur de sportives qui aime toujours sa Boxster à moteur de 2,7 litres.

Pour prendre toutes les mesures et recueillir toutes les données voulues, nous avons visité deux circuits différents en tirant à chaque fois le maximum des parcours qui nous y ont menés pour évaluer nos quatre montures en conduite normale et plus sportive. Premier arrêt : le circuit Sanair à St-Pie-de-Bagot où l’équipe du Guide s’est rendue à de multiples reprises depuis trois décennies. Je m’y suis occupé des mesures d’accélération et de freinage sur chacun des véhicules pendant que les autres membres de l’équipe parcouraient une boucle routière et enfilaient quelques virages sur le circuit routier pour évaluer la tenue de route. On y a également fait l’examen statique de rigueur.

Le lendemain, nous nous sommes retrouvés au nouveau complexe ICAR, voisin de l’aérogare de Mirabel. Nous cherchions un circuit sûr, exigeant et varié où explorer pleinement la tenue de route et les limites de nos quatre machines. Chez ICAR, c’est Gabriel Gélinas qui s’est chargé de boucler quatre tours de circuit à fond, dûment chronométrés. Notre confrère connaissait déjà ce circuit technique pour y avoir œuvré et roulé maintes fois à titre d’instructeur-chef du programme Trioomph, exotiques et grandes sportives à la clé. Et tant qu’a faire, nous y avons confié la Spyder à Costa Mouzouris, en raison de sa longue expérience du pilotage sur circuit à moto, pour avoir son avis sur le comportement à la limite de cette sportive hors-norme.

DÉCOUVERTES ET SURPRISES

Vous trouverez dans ce qui suit, en textes et en tableaux, les conclusions auxquelles nous en sommes arrivés après des centaines de kilomètres de conduite et de pilotage sur des parcours extrêmement variés. Avec les grandes différences de technique et d’architecture qui séparent nos quatre sportives et les écarts de prix énormes de l’une à l’autre, il n’était évidemment pas question d’établir une hiérarchie rigide et d’en arriver à un bête classement. Notre tableau de pointage vous révélera plutôt les forces et faiblesses de chacune telles qu’établies par nos essayeurs. Et leurs conclusions sont appuyées sur des mesures de performances objectives et une fiche technique comparative complète. Une fois toutes les notes et mesures compilées, nous avons eu des surprises qui démontrent que la valeur d’une sportive ne tient pas uniquement à son prix. Cela dit, notre match a aussi prouvé que les honneurs récoltés et la grande réputation de certaines ne sont nullement usurpés.

Audi R8 - UNE DIVA BRILLANTE ET CONVIVIALE

La R8 nous est arrivée auréolée de ses titres et en rupture de stock pour les deux prochaines années. Or, la voiture la plus puissante et la plus chère de notre match n’a pas déçu. On a salué sa beauté, la qualité et l’insonorisation de sa cabine, son confort de roulement exceptionnel et le rendement spectaculaire de son moteur central de 420 chevaux. Pour mieux profiter de la sonorité de ce V8 dont il se trouve que les passants jouissent plus que le conducteur, Costa Mouzouris dit : « J’installerais des microphones aux échappements et je porterais des écouteurs ». Côté pilotage, Gabriel Gélinas souligne que la R8 est stable, mais également « joueuse » sur un circuit et qu’il est relativement facile de la faire dériver des quatre roues en sortie de virage pourvu qu’on ait désactivé l’antipatinage. Il ne demande en fait qu’une centaine de chevaux de plus pour qu’elle ait plus de punch en sortie de courbe. Nos essayeurs ont par contre critiqué la lenteur et le fonctionnement saccadé de la boîte séquentielle en conduite normale. Yves Demers trouve la direction « surassistée pour une grande sportive » et la souhaiterait plus « directe » pour « garder les mains sur le volant en braquage pour actionner les manettes. » Alain Morin se demande : « avec de telles performances, souvent obtenues en piste, pourquoi ne pas offrir une poignée de maintien pour le passager et plus d'espace pour ses pieds ? Et Costa Mouzouris de conclure que la R8 est une voiture de rêve mais qu’en dépit du fait qu’elle ait surclassé les autres sur le circuit; « elle est trop chère et n’offre pas les sensations tactiles que je préfère. »

Porsche Boxster RS 60 Spyder - QUINTESSENCE DE LA SPORTIVE

La Porsche 911 est évidemment la rivale directe de l’Audi R8 en prix et en puissance mais ce match n’était pas un duel à finir. Dans notre quête sportive, nous étions plus intéressés par l’équilibre supérieur qu’affiche la Boxster avec son moteur central. La finesse et l’équilibre de sa tenue de route, la sonorité ravissante de son six cylindres à plat et ses deux coffres – qui en font la championne du groupe côté pratique – ont largement compensé l’écart de puissance avec la R8. Sans compter qu’elle est la seule qui permet de rouler à ciel ouvert en seulement 12 secondes. De toute manière, l’écart en accélération avec la R8 ne fut que de 0,6 seconde sur ¼ de mille et elle a freiné presque aussi court. Assurément, la médaille d’argent de la RS 60 Spyder, à un infime 1,2 point de la R8 au tableau d’évaluation, a un goût de médaille d’or. Gabriel Gélinas affirme : « quel plaisir que de se retrouver au volant d’une voiture qui est aussi à l’aise à la limite sur circuit qu’en conduite enjouée sur la route ! » Alain Morin déclare : « C'est encore la plus confortable, celle dont la mécanique est la moins brutale tout en étant extrêmement performante ». Costa Mouzouris note que la Porsche est celle qui procure les plus riches sensations, tactiles autant qu’auditives et visuelles : « l’intérieur rouge est sexy ». Et Alain Morin de conclure : « des quatre voitures, c'est la Boxster S que j'achèterais demain matin si j'étais riche. »

Mitsubishi Lancer Evolution MR - UNE TROUBLE-FÊTE TROP SAGE

Les générations précédentes de la Lancer Evolution – mieux connue comme l’« Evo » auprès des inconditionnels – avaient la réputation d’être des voitures pointues qui ne faisaient guère de compromis au nom du confort. À sa dixième génération, l’Evo s’est assagie un brin, du moins si on choisit la version MR Premium de notre essai, la plus chère et la mieux équipée. Sa boîte de vitesses séquentielle à double embrayage a impressionné par sa rapidité et sa douceur, mais plusieurs préféreraient des manettes de sélection montées derrière le volant et non la colonne de direction. On a d’ailleurs critiqué sa suspension : « trop sèche sur la route et trop souple en conduite intense », de dire Costa Mouzouris. L’Evo affichait également beaucoup de roulis sur le circuit ICAR où Gabriel Gélinas a noté aussi un sous-virage trop prononcé. Yves Demers juge la silhouette réussie : « mais à la limite des ajouts de type aileron, déflecteurs et bavettes » tout en lui reprochant son tableau de bord « trop sobre pour une sportive », Alain Morin note que son volant n’est pas télescopique « ce qui nuit un peu à la position de conduite » et déplore la piètre qualité des plastiques de l'habitacle de la finition. La version MR Premium jouit d’une pléthore d’accessoires qui gonflent toutefois son prix. Costa déclare : « c’est une berline performante mais si je dépense plus de 50 000 $ sur un véhicule de performance, je le fais pour moi, pas la famille. Qu’ils suivent dans la fourgonnette. » Pour profiter du potentiel sportif de l’Evo mieux vaut choisir la GSR à boîte manuelle, plus légère, plus vive, plus performante et nettement moins coûteuse.

Can-Am Spyder GS – UN SYMPATHIQUE EXTRATERRESTRE

Le nouveau Can-Am Spyder est moins cher et plus performant que tout roadster ou compacte gonflée. Sa conduite a également des risques inhérents à celle d’une moto, surtout avec les systèmes électroniques dont on l’a équipé : ABS, antidérapage, antipatinage, etc. En fait, il est strictement impossible d’atteindre la limite des pneus avant ou de faire patiner la roue arrière si le guidon est braqué et que les capteurs détectent le moindre pivotement du Spyder sur son axe. Imaginez sur le circuit ICAR où nos deux pilotes ont instantanément atteint la limite imposée par l’électronique, dès le premier virage. Le défi consiste à rouler sans provoquer son intervention. Gabriel Gélinas affirme carrément : « Le Spyder n’est pas du tout agréable à piloter sur circuit. » Lui et Costa Mouzouris l’ont piloté chez ICAR et lui reprochent l’effort beaucoup trop élevé au guidon en piste, malgré l’assistance dont la direction est censée profiter. En freinage d’urgence, le conducteur doit également se cramponner pour ne pas basculer vers l’avant pendant que la roue arrière se soulève et louvoie. Cela dit, le Spyder a beaucoup de cœur avec son bicylindre de 106 chevaux et une sonorité réjouissante avec l’échappement optionnel Hindle. Tous ont jugé sa boîte séquentielle SE5 quasi parfaite, avec son sélecteur monté à gauche sur le guidon. On a également loué la qualité de la fabrication, la selle très confortable pour deux, la bonne position de conduite et le coffre étonnamment pratique à l’avant. Et Costa Mouzouris de conclure : « avec des sacoches et un pare-brise plus haut vous avez une bonne machine de sport-tourisme ».

 
 GUIDE DE L'AUTO 2009 - MATCH DES SPORTIVES  
POINTAGE     Audi Can-Am Mitsubishi Porsche
DÉTAILLÉ     R8 Spyder EvoMR Boxster S
             
Style          
Extérieur   20 18,8 12,6 14,4 16,2
Intérieur   10 9,0 6,4 6,4 8,4
             
Carrosserie            
Finition int/ext
30 28,0 20,8 22,2 27,2
Qualité des matériaux   30 28,4 21,2 20,8 28,0
Tableau de bord   10 8,6 7,0 6,2 7,4
Équipement   10 8,2 6,6 6,4 6,8
Coffres (accès, volume)   10 6,4 6,2 6,9 8,0
Rangements    10 6,3 3,1 7,4 6,8
             
Confort / Ergonomie            
Position de conduite   10 8,8 6,8 6,5 8,2
Ergonomie   10 8,8 7,3 6,9 8,4
Place(s) arrière   5 0 3,2 4,4 0
Silence de roulement   5 3,8 1,5 3,3 3,8
             
Conduite            
Tenue de route   40 37,4 26,0 31,6 36,6
Moteur   40 35,6 30,8 31,6 33,6
Transmission   20 15,8 17,4 16,8 17,0
Direction   20 16,6 12,6 14,3 17,7
Freins   20 17,8 15,0 14,8 17,8
Confort de roulement   20 17,6 13,4 14,2 17,0
             
Sécurité            
Visibilité   10 6,4 10,0 7,0 7,0
Rétroviseurs   10 7,9 6,8 7,4 7,8
Coussins gonflables   10 7,0 0 6,3 7,0
             
Rapport qualité / prix            
Choix des essayeurs   50 47,0 26,6 34,2 45,8
Plaisir de conduite   50 45,2 27,9 34,8 47,8
Valeur pour le prix   50 40,1 39,6 44,0 44,0
             
    500 429,5 328,8 368,7 428,3
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