Chevrolet Corvette, stupéfiante ZR1

Tel que publié dans le Guide de l'auto 2009

Oubliez tout ce que vous savez ou croyez savoir de la Corvette. Oubliez les clichés et le folklore. La nouvelle ZR1 est une grande sportive qui peut se montrer aussi féroce sur un circuit que douce, raffinée et confortable sur la route. Animée par un V8 compressé de 638 chevaux, cette version redoutablement efficace de l’icône américaine peut laisser dans son sillage des exotiques européennes valant quatre ou cinq fois plus et vous mener ensuite au cinéma en tout confort et en ronronnant discrètement.

Toute la famille Corvette a droit cette année à une série de raffinements pertinents, dont une nouvelle direction à rapport variable. Ces retouches seront cependant éclipsées par l’apparition de la ZR1 qui devient du coup la voiture de série la plus puissante jamais produite chez GM. Elle se pointe presque vingt ans après la première ZR1. Dotée d’un V8 tout aluminium conçu avec l’aide de Lotus, elle fut produite de 1990 à 1995.

Le souhait du président

La nouvelle ZR1 est née d’un défi lancé au groupe Corvette par Rick Wagoner, grand patron de GM, qui aurait dit : « j’aimerais voir ce qu’ils peuvent faire avec un prix de vente de 100 000 $ (US) ? ». Le fruit de leur labeur sera offert à 103 000 $ US pour passer à 125 195 $ chez nous. Partis de la structure d’aluminium de la Z06, les ingénieurs en ont aussi repris le toit en magnésium, le plancher qui combine balsa et fibre de carbone et le berceau de magnésium sur lequel est fixé le moteur. Le moteur est le coeur de toute Corvette et la ZR1 n’y fait surtout pas exception. Le premier objectif était d’atteindre une puissance spécifique de 100 chevaux par litre avec le V8 small block de 6,2 litres. Pour l’atteindre et finalement la surpasser, l’équipe a choisi un compresseur de suralimentation Eaton dont les deux longs rotors ont chacun quatre lobes torsadés. Sur ce compresseur ils ont installé un refroidisseur d’air à « double brique ». L’ensemble est remarquablement compact, grâce également à la lubrification par carter sec.

Ce nouveau moteur, baptisé LS9, dispose entre autres aussi de bielles en titane, de culasses d’aluminium et de gicleurs d’huile pour refroidir les pistons par le dessous, une technologie développée pour les

Corvette C5R et C6R victorieuses au Mans. Le résultat : 638 chevaux (SAE) et 604 lb-pi de couple dont 90 % est disponible de 2 600 à 5 000 tr/min. À 2 000 tr/min on a déjà 500 lb-pi. Chaque moteur est assemblé à la main dans les ateliers de Wixom au Michigan par un artisan qui signe ensuite son oeuvre, comme chez AMG. Couplé exclusivement à une boîte manuelle Tremec à 6 rapports et doté d’un embrayage à double disque inspiré de la course, le LS9 permettrait à la ZR1 de monter à 100 km/h en 3,4 secondes et des poussières, de boucler le quart de mille en 11,3 secondes (à 211 km/h) et de s’élever une vitesse de pointe de 330 km/h. Des performances d’exotique, rien de moins.

La fonction dicte la forme

Les ailes, les puits de roue et le capot en entier sont en fibre de carbone, pour favoriser une meilleure répartition des masses. Les ailes avant sont plus larges que celles de la Z06, pour loger des pneus qui le sont également, et les deux sorties d’air percées dans les ailes avant sont un clin d’oeil à la Corvette 1963. Il y a aussi le toit, la lame sous le becquet avant et celles qui se glissent sous les bas de caisse, tous en fibre de carbone. Toutes les modifications à la carrosserie ont été faites pour l’aérodynamique. La portance (soulèvement) a été réduite de 39 % à l’avant et de 29 % à l’arrière, au prix d’une augmentation de la traînée de 6 %. Les concepteurs ont aussi optimisé l’apport d’air frais au moteur, aux quatre radiateurs et aux freins, pour ensuite maximiser l’évacuation de l’air chaud. L’arête plus nette de l’aileron arrière, les roues plus grandes (19 pouces à l’avant et 20 derrière), les lames de fibre de carbone en bas de caisse et les sorties d’air affinent sa silhouette. C’est toutefois le capot qui attirera le plus d’attention. Entièrement fait de fibre de carbone, il est percé d’un grand orifice qui permet de voir le couvercle du refroidisseur d’air.

Le dessin du tableau de bord et de l’habitacle de la Corvette n’a guère changé depuis le lancement de la C5 en 1997, ce qui n’est pas nécessairement une mauvaise chose. Les grands cadrans sont toujours superbement clairs et lisibles et l’ergonomie de conduite très correcte. Il faut tout de même espérer une présentation plus moderne et plus riche pour la Corvette, surtout si l’on considère les niveaux de performance et de raffinement technique qu’atteint la ZR1.

Parfaitement civilisée sur la route

Selon Tadge Juechter, ingénieur-chef du groupe Corvette, la ZR1 combine « une tenue de route supérieure à celle de la Z06 et le confort de roulement du modèle de base. » C’est exactement le cas. Pour atteindre ces objectifs apparemment contradictoires, elle dispose d’amortisseurs à réglage oléomagnétique dont l’efficacité est telle que la ZR1 est équipée de ressorts plus souples que la Z06. D’autant plus impressionnant qu’elle roule sur des pneus anticrevaison Michelin Pilot Sport 2 conçus spécialement pour elle et dont le flanc est incroyablement bas. Leur taille est de P285/30ZR19 à l’avant et P335/25ZR20 à l’arrière. La ZR1 profite en plus de freins à disque en céramique et fibre de carbone développés par le spécialiste italien Brembo. Les disques arrière ont un diamètre de 380 mm (15 po), comme ceux de la Ferrari Enzo, et les disques avant sont encore plus grands à 394 mm (15,5 po). Perforés et ventilés, les rotors sont pincés par des étriers monobloc à six pistons à l’avant et quatre à l’arrière. Ces disques permettent une réduction de poids de 5 kg à chaque roue. En conduite normale, la ZR1 impressionne par sa douceur, sa docilité, sa souplesse et son raffinement. La direction est fine et vive, le moteur d’une souplesse totale. Qui eut cru qu’une nouvelle Corvette puisse reléguer la Z06 à un rôle de soutien !

Fine et féroce à la fois

La greffe d’un compresseur produit souvent un monstre de moteur puissant mais plus lourd et plus rustre. Or, la ZR1 est tout sauf une Z06 gonflée aux stéroïdes. Elle est même plus douce, souple et raffinée en toute circonstance que sa soeur, avec une sonorité mécanique étonnamment mélodieuse pour un gros V8 à culbuteurs. En accélérant fort, la note d’échappement double carrément de volume lorsque le régime atteint 3 300 tr/min et qu’un des ordinateurs de gestion commande l’ouverture des quatre larges embouts au lieu des deux qui sont utilisés en temps normal. Sur le circuit de développement sinueux, ondulant et technique de GM au Michigan, c’est d’abord la poussée irrépressible et la sonorité fascinante du V8 qui captivent. On croirait une mécanique qui tourne nettement plus haut que le régime maxi de 6 600 tr/min. En prime, les freins en céramique-carbone ne perdront rien de leur efficacité en piste, quel que soit le rythme ou la durée, et il ne s’en dégage aucune poussière. Après une dure journée d’essais, les jantes des ZR1 n'avaient récolté qu’une poignée de boules de caoutchouc. Ces disques n’auront jamais besoin d’être remplacés et les plaquettes seulement si vous faites du circuit.

En virage, l’adhérence est énorme, au-delà de ce que l’on attend. Il suffit de désactiver l’antipatinage (on peut aussi désactiver l’antidérapage) et d’accélérer sec en sortie de virage pour que l’arrière décroche illico. Deux tours aux côtés de Tony Rifici, un jeune ingénieur qui en a bouclé des centaines sur ce tracé dans la ZR1, révèlent qu’il y a vraiment beaucoup d’adhérence à l’avant. Une fois l’avant mis en appui maximum, la ZR1 amorce une dérive des quatre roues qui se module à volonté du pied droit. Seule ombre à ce tableau : une boîte de vitesses qui se fait plus lourde en conduite intense et résiste parfois au passage 2e - 3e. Chevrolet a eu la bonne idée d’offrir un cours de pilotage à l’achat d’une ZR1. Espérons que cela tienne aussi chez nous. Il serait dommage de ne pas goûter pleinement les performances éblouissantes et la tenue de route joueuse et accrocheuse de la ZR1.

FEU VERT

Moteur LS9 hallucinant
Tenue de route impressionnante
Freins en céramique extraordinaires
Confort, silence et qualité de roulement étonnants
Peut bouffer des exotiques pour déjeûner

FEU ROUGE

Finition de l’habitacle encore banale
Coudes serrés en conduite sportive
Boîte manuelle parfois lourde
Volant télescopique réservé au groupe « luxe »
Rareté assurée (ZR1)

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