Porsche Cayenne S / Turbo, sacrilège ?

Tel que publié dans le Guide de l'auto 2004

Avilissement ! Dégradation ! Outrage ! Profanation ! Telles sont les exclamations proférées par certains « porschistes » radicaux à l'annonce du lancement du Cayenne, un « vulgaire » VUS. C'est comme si le pape était impliqué dans un scandale sexuel ou que la reine Elizabeth avait été surprise dans une piquerie. Et pourtant?

Le vénérable constructeur allemand fait tout simplement des affaires, et comme les courbes des ventes de ses sportives pures et dures suivent les montagnes russes tracées par le Nasdaq et le Dow Jones, il lui faut, pour survivre, assurer les profits. Alors, avec l'aide du grand cousin Volkswagen, les deux complices ont mis au point le Cayenne et le Touareg. Châssis commun, rouage d'entraînement semblable, mais moteurs différents et prix en conséquence.

L'honneur est sauf

Car une Porsche, même déguisée en utilitaire sport, c'est d'abord un moteur performant. En conséquence, on y découvre un magnifique bloc V8 4,5 litres réalisé dans un alliage d'aluminium au silice. Coiffé d'une culasse au calage des soupapes régulé par le système VarioCam, il développe dans sa version atmosphérique du Cayenne S la puissance très respectable de 340 chevaux. Dans la version Turbo, les sorciers de Zuffenhausen arrivent à le faire littéralement exploser de faÇon contrôlée, et 450 chevaux piaffent d'impatience sous votre pied droit. La concurrence et la plupart de ses détracteurs se tiennent maintenant cois.

Pourtant, ils pourraient aussi s'insurger contre la présence d'une seule et unique boîte automatique, une Tiptronic S fabriquée par Aisin (au Japon). Ses six rapports lui permettent de dompter efficacement la cavalerie et elle dispose d'une gamme de rapports démultipliée. On y retrouve bien entendu toutes les assistances mécaniques et électroniques nécessaires à un véhicule aussi polyvalent. Si je vous dis PTM, PSM, PASM, ne croyez pas que j'ai avalé une mouche. Le PTM, pour Porsche Traction Management, est un système de gestion de la traction qui, en mode normal, distribue 62 % de la traction à l'arrière et 38 % à l'avant, mais qui peut aussi diriger la puissance sur le pneu qui obtient la meilleure adhérence. Qui plus est, ce mécanisme permet de bloquer le différentiel central et celui situé à l'arrière (en option). Le PSM (Porsche Stability Management) est le système de stabilité électronique élaboré par Porsche pour contrer les situations de survirage ou de sous-virage, en agissant de faÇon sélective sur les différentiels et les freins. Quant au PASM (Porsche Active Suspension Management) qui équipe de série le Turbo et est offert en option dans le S, c'est en fait une suspension pneumatique qui peut faire varier le niveau de la caisse et la dureté des amortisseurs (confort, normal ou sport) sur commande ou en fonction des exigences dictées par l'état de la route. Cette suspension peut vous offrir une garde au sol impressionnante (27,3 cm), quatre niveaux intermédiaires et, lorsque le compteur affiche 125 km/h, coller la caisse à 19 cm de la route, empêchant l'air de s'engouffrer sous la carrosserie. Tous ces gadgets électroniques transforment d'ailleurs une monture à vocation sérieuse en véritable petit casino lorsqu'on roule. Les sonnettes d'alarme, les grelots et les « bip », fusent à tout bout de champ pour vous avertir que vous avez actionné quelque chose ou que quelque chose fait défaut. Et cela arrive, car un exemplaire mis à la disposition de la presse au Québec faisait entendre des bruits de caisse, de petites pièces d'équipement s'en sont détachées et un coussin gonflable semble avoir déclaré forfait.

À la vue de l'intérieur, les fanatiques de la marque manifesteront encore leur désarroi, car l'aménagement partage plusieurs points communs avec celui du Touareg. Précisons cependant que les matériaux (cuir, appliques de métal et de bois) sont de bonne qualité et que l'ergonomie de la planche de bord satisfait dans l'ensemble. Les fauteuils à l'avant procurent un confort et un maintien irréprochables. Les places arrière sont correctes, mais le passager du milieu voudra jouer à la chaise musicale après une heure de route. Le vaste coffre à bagages peut être agrandi en abaissant le dossier des sièges arrière. La chaîne audio Bose de 350 watts impressionne par sa puissance et sa fidélité.

Performances de classe

Sur la route, le S avec des suspensions conventionnelles se compare déjà aux meilleurs (on pense au Mercedes ML500 avec ses 349 chevaux et au BMW X5 4,6i de 340 chevaux). Quant au Turbo, il hache menu ces deux prétendants. Sur le nouveau circuit Barber Motorsports Park, en Alabama, où j'ai eu l'occasion de le piloter, bien campé sur ses pneus de 20 pouces (en option), il démontre un aplomb et une vitesse surprenants pour un véhicule de ce type, Le freinage (gracieuseté de Brembo avec six pistons à l'avant et quatre à l'arrière) et les accélérations vous laissent à la fois pantois et très modeste. Quelques tours avec le pilote Hurley Haywood au volant lui ont vraiment rendu justice, et les temps enregistrés embarrasseraient au moins 90 % des voitures sport actuellement sur le marché. Par ailleurs, l'exemplaire « québécois » ne semblait pas dans une aussi bonne forme sur le circuit de Sanair, ses pneus faisant entendre un grondement de protestation non équivoque. La version conduite par M. Haywood avait-elle été trafiquée ? Nul ne le sait.

Rien n'est gratuit, surtout quand l'écusson Porsche est incrusté au centre du volant. Soyons réalistes, le prix du modèle S demeure en deÇà de celui demandé par les concurrents de même puissance, mais celui du Turbo est en proportion avec son statut purement élitiste. Ce qui fait qu'entre un Porsche Cayenne et un Volkswagen Touareg, ceux qui ne veulent pas payer seulement pour un emblème réputé opteront pour le nomade du désert (Touareg).

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