Lamborghini Gallardo, frénésie en jaune et noir

Tel que publié dans le Guide de l'auto 2004

Regroupées en éventail dans l'aire de stationnement du petit circuit de Vallelunga, près de Viterbo, en Italie, 15 Lamborghini Gallardo attendent le verdict d'autant de membres de la presse automobile internationale. Sous un soleil de plomb et dans leur livrée jaune et noire, elles portent fièrement les couleurs de la petite marque de Sant'Agata. Une petite marque qui s'apprête à grandir et à s'attaquer de plein fouet à sa prestigieuse voisine de Maranello, Ferrari, avec la première vraie rivale de la 360 Modena. S?ur cadette de la Murciélago, la « petite » Lambo n'a d'ailleurs rien à envier à son aînée comme je m'apprête à le découvrir sur le circuit de Vallelunga et sur les petites routes avoisinantes. Une sorte de frénésie en jaune et noir. La Gallardo réussira-t-elle à faire pâlir le rouge vif de Ferrari ? C'est à voir !

Avec ses angles vifs parfaitement ciselés, son faciès familier rappelant la Murciélago et son air un peu fanfaron, la Lamborghini Gallardo ne peut renier ses origines. C'est d'ailleurs le même designer, Luc Donckerwolke, l'auteur de notre voiture-vedette de l'an dernier, qui a sculpté ses lignes. C'est autour d'une spalla di vitella con verdure, lors d'un dîner cinq services, en traÇant un croquis de sa création (voir reproduction), que le jeune concepteur belge a précisé sa pensée. « Nous avons laissé de côté les portes en élytre en faveur de portes conventionnelles pour des raisons pratiques en tenant compte du fait que la voiture sera davantage utilisée sur une base quotidienne. Et comme je sais qu'un aileron ne doit servir qu'à des moments bien précis, celui de la Gallardo est mobile plutôt que fixe et se déploie quand on en a besoin. »

En plus d'une silhouette aguichante, la Gallardo ne manque pas d'arguments pour tenter de recruter environ 1200 des 8000 clients potentiels pour ce genre de voiture. Et si jamais l'étymologie des mots vous intéresse, sachez que la marque Lamborghini est née sous le signe du taureau (comme son fondateur) et que la plupart de ses modèles portent les noms de bêtes célèbres du monde de la corrida. Gallardo (prononcez ga : yàrdo) tire son appellation de Francisco Gallardo, le créateur de cette race de taureaux. Mais venons-en à l'essentiel.

Un V10 unique et le cadeau du grand frère

Lamborghini avait organisé quelques ateliers techniques afin de mieux nous permettre de nous familiariser avec la nouvelle voiture et ses caractéristiques inédites, c'est-à-dire son moteur et son châssis. Sur papier du moins, la Gallardo semble la plus performante de sa catégorie grâce à son majestueux moteur V10 de 5 litres à 4 ACT et 40 soupapes affichant 500 chevaux-vapeurs à 7800 tr/min. Une puissance couronnée par un couple de 376 lb-pi à 4500 tr/min dont 80 % de la force est disponible à partir de 1500 tr/min. Disposés à 90 degrés, les cylindres ont permis de réaliser un moteur d'une faible hauteur renforcé par la présence d'un carter sec, ce qui abaisse encore le centre de gravité. Le V10 entièrement fait d'aluminium est aussi doté d'une tubulure d'admission à longueur variable et de deux prises d'air avant tandis que l'accélérateur électronique s'en remet à la technique Drive by Wire.

La boîte de vitesses à six rapports, qu'elle soit manuelle ou robotisée (séquentielle), est montée à l'arrière du moteur afin de favoriser la répartition des masses qui ressort à 42 % à l'avant et à 58 % à l'arrière. Comme les grosses Diablo et Murciélago, la Gallardo hérite d'une transmission intégrale permanente à visco-coupleur central. En temps normal, 30 % de la puissance passe par l'avant et 70 % par l'arrière. Cette distribution peut toutefois varier en fonction de la force dynamique ; par exemple, lors d'une forte accélération, les roues arrière recevront une plus grosse part du gâteau HP.

La grande attraction de la Gallardo demeure cependant le châssis qu'elle reÇoit en cadeau de son grand frère Audi. Il s'agit d'une structure cadre tridimensionnel en aluminium connue sous le nom de Space Frame et composée de profilés en aluminium extrudé soudé à des éléments de jointure en aluminium moulé. Les éléments de la carrosserie également en aluminium viennent se greffer à cette structure au moyen de rivets, de boulons ou de soudage. C'est la technologie mise de l'avant par Audi pour sa berline haut de gamme, l'A8. Elle permet une rigidité supérieure à celle de l'acier, une protection accrue en cas d'impact et un poids nécessairement moins élevé (1430 kg) tout en contribuant à assurer un comportement dynamique optimal.

Coiffons tout cela de suspensions avant et arrière à double triangulation, de freins Brembo à huit pistons à l'avant (quatre à l'arrière) et d'un combo jantes et pneus de 19 pouces et on aura un portrait à peu près complet de la Gallardo.

Tout ce qui précède ne servirait à rien si la voiture ne répondait pas à des attentes très élevées dans un créneau où la concurrence n'est pas nombreuse mais bien affûtée.

De la route à la piste

Chez Lamborghini, on a voulu faire de la Gallardo un modèle pouvant se prêter à un usage quotidien, à tel point que les pneus d'hiver sont offerts en option. Avec les quatre roues motrices, Ça aide sans doute, mais disons que 249 900 $ dans la « sloche », c'est un peu gênant. Cela dit, une longue évaluation de la Gallardo tant sur route que sur piste m'a convaincu que pour un coup d'envoi dans cette catégorie, Lamborghini a réalisé un coup de maître. Oh ! elle est loin d'être parfaite mais sa silhouette irrésistible, la sonorité de son V10 et sa très grande facilité de conduite en font un engin attachant. On ne se sent jamais intimidé par la bête, comme c'est souvent le cas avec les supervoitures.

Essayée en premier, la version à boîte manuelle brille de tous ses feux ; même que la petite plaque en métal brillant servant à guider le levier peut vous éblouir à l'occasion si un rayon de soleil vient s'y frotter. C'est là une peccadille toutefois comparé à ce charmant bruit métallique qui accompagne l'enclenchement de chacun des six rapports. Lamborghini devra toutefois s'arrêter au repose-pied qui vous laisse la jambe pliée et inconfortable. À bord, l'ambiance est correcte mais loin de ce que l'extérieur laisse supposer. Selon Luc Donckerwolke toutefois, les voitures de série auront des intérieurs un peu plus « jazzés » que ceux des modèles essayés en Italie. Souhaitons aussi que l'on corrige toute cette ligne de commutateurs au milieu de la console qui prête à confusion et qui, en plus, ne donnent aucun aperÇu ou déclic pour avertir que le contact a été fait. Autant la visibilité avant est panoramique grâce au phénomène de la cabine avancée, autant on aura besoin d'un copilote pour effectuer toute man?uvre de marche arrière. Quant à l'espace pour les bagages sous le capot avant, il est réduit à son strict minimum. Style bikini, brosse à dents?

La radio venue en droite ligne de chez Audi serait peut-être mal vue si ce n'était de la qualité de la finition qui dépasse de beaucoup celle d'une Ferrari, que ce soit la 360 ou la Maranello. Bref, vaut mieux entretenir des liens avec Audi qu'avec Fiat par les temps qui courent.

Sur la route, le volant carré dans sa partie inférieure ne pose aucun problème, si ce n'est l'immense diamètre de braquage dont il est tributaire. La voiture inspire une grande confiance même menée vivement et ce n'est que sur la piste qu'on lui découvre un comportement sous-vireur. Le fait que même les journalistes japonais d'une ineptie notoire au volant n'aient pas effectué de sortie de piste est un hommage à la facilité de conduite de la Gallardo et à son excellente tenue de route. Les revêtements dégradés ne passent évidemment pas inaperÇus, mais j'ai vu pire chez Porsche. Lamborghini par contre aurait intérêt à chausser la voiture de pneus moins bruyants que les Pirelli PZéro.

Le moteur est vif et plein d'ardeur, mais il n'a visiblement pas le couple qui vous écrase dans votre siège et vous oblige à vous cramponner au volant. Chose certaine, on ne sent pas les 100 chevaux supplémentaires et les deux cylindres additionnels de ce V10 par rapport au V8 de 400 chevaux de la 360 Modena. Le rouage intégral est peut-être à l'origine de cette légère apathie. Et ce n'est pas la boîte robotisée qui va arranger les choses puisque comme celle des Ferrari ou des Aston Martin du même fournisseur (Magneti Marelli), toute tentative de départ canon se solde par une odeur d'embrayage brûlé et de fumée inquiétante. Si l'on s'abstient de faire du drag toutefois, cette boîte s'avère géniale par la rapidité de son entrée en action dès qu'on actionne les palettes placées de part et d'autre du volant.

Si la Gallardo doit céder un petit zeste de puissance à la Ferrari 360 Modena, elle est assurément une voiture plus facile à vivre et de loin mieux construite que sa rivale de Maranello. La qualité des matériaux à l'intérieur et le soin apporté à la finition peuvent certainement faire pâlir le rouge Ferrari. Sur une piste, ce sera sans doute une tout autre histoire dont nous connaîtrons le dénouement un de ces jours. En attendant, je n'hésite pas à dire bravo pour la Gallardo.

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