Chrysler Pacifica, comme un pneu quatre saisons

Tel que publié dans le Guide de l'auto 2004

On attendait beaucoup de la nouvelle Chrysler Pacifica. Bien nommée et bien tournée, cette descendante de l'Autobeaucoup est l'un des premiers véhicules multisegments à faire son apparition sur le marché. Qu'est-ce qu'un véhicule multisegment, demanderez-vous ? C'est ce que les Américains appellent un crossover, c'est-à-dire un engin qui peut s'apparenter à plusieurs types de modèles.

Dans le cas de la Pacifica, on a affaire à une familiale, à une fourgonnette, à un utilitaire sport et à une voiture de luxe. Tout Ça dans un seul et même véhicule. Après en avoir fait l'essai, je dirais que la Pacifica est intéressante à certains égards, mais qu'elle me fait penser à un pneu quatre saisons. Pourquoi ? Parce qu'elle correspond à tous les genres qu'elle entend adopter mais n'en représente aucun avec aplomb. Comme avec un pneu quatre saisons, nous sommes confrontés à une série de compromis dont le résultat nous laisse mi-figue, mi-raisin. La Pacifica n'est ni une bonne familiale ni une fourgonnette compétente, pas plus qu'elle n'est vraiment une voiture de luxe ou un utilitaire sport. En voulant être tout à la fois, elle doit consentir à des sacrifices, ce qui a pour effet qu'elle n'est jamais au sommet de sa forme dans l'un ou l'autre de ses quatre rôles.

Tout et rien à la fois

Ainsi, malgré les quatre roues motrices de la version mise à l'essai, pas question d'aller jouer dans le bois avec cette Chrysler. Elle se débrouillera très bien en hiver dans la neige, mais ne comptez pas faire de l'escalade à son volant. La suspension propose aussi un mélange de douceur et de rudesse qui empêche la Pacifica de s'immiscer dans le clan des voitures de luxe. Finalement, elle manque d'espace logeable pour pouvoir remplacer une familiale et ne possède pas la polyvalence d'une véritable fourgonnette même si elle emprunte le hayon arrière motorisé de ses cousines, les Town & Country et Dodge Grand Caravan.

Bien sûr, elle n'est pas dépourvue de qualités et son freinage, par exemple, s'avère d'une redoutable efficacité avec des arrêts d'urgence rectilignes et un train avant peu sensible à la plongée. Malgré beaucoup de roulis, la tenue de route non plus n'est pas vilaine, et il faudrait vraiment exagérer énormément pour se mettre dans l'embarras en virage. Si la suspension fait bien son travail de liaison au sol, elle est moins docile sur nos mauvaises routes où son manque de débattement la rend éprouvante. Tantôt agréable par sa faÇon de réagir aux anfractuosités de nos routes, tantôt brutale dans ses réactions aux trous ou aux bosses, on a l'impression que cette suspension a été élaborée par des ingénieurs allemands, mais que leurs collègues américains ont décidé d'y mettre leur grain de sel (ou serait-ce leur bidon de mélasse ?). Ce qui ne serait pas impossible compte tenu de l'alliance DaimlerChrysler.

À l'intérieur, c'est mieux

Par ailleurs, l'accès à bord est facilité par la hauteur raisonnable de la Pacifica et une fois au volant, on peut admirer une belle touche de luxe dans la présentation. La position de conduite est bonne et les sièges plutôt confortables. On peut même régler le pédalier, ce qui constitue l'une des nombreuses astuces de l'aménagement intérieur. Les enfants, en deuxième rangée, bénéficieront d'une vraie cour d'école tellement les places arrière sont spacieuses. Ils prendront place dans de délicieux sièges baquets à dossiers inclinables et toléreront mieux les longs voyages grâce au centre de divertissement complété par un petit écran surplombant le compartiment arrière. Quant à la troisième rangée de sièges, seuls des enfants en bas âge ou des contorsionnistes du Cirque du Soleil pourront s'y loger. Et advenant une telle éventualité, vous pourrez dire adieu à l'espace pour les bagages qui devient extrêmement limité.

La plus grosse tuile de cette Pacifica est très certainement sa faible maniabilité. La surface vitrée étant limitée, la visibilité arrière et de 3/4 arrière se révèle exécrable et le tricotage du stationnement en ville devient une horreur. Grosse et pataude, cette Chrysler ne manquera pas de vous faire jurer à l'occasion.

Un moteur à bout de souffle

L'autre handicap majeur de la Pacifica est sa motorisation. Les 250 chevaux de son V6 de 3,5 litres sont une bien maigre pitance pour un véhicule qui pèse aisément plus de 2 tonnes. Il faut effectivement être patient pour doubler un autre véhicule ou franchir le 0-100 km/h, une affaire de plus de 11 secondes. Côté consommation, on doit s'attendre à une moyenne de 13,2 litres aux 100 km, mesurée par l'ordinateur de bord de la voiture dont l'équipement comporte également un excellent GPS.

Par ailleurs, la finition intérieure affiche pour la première fois chez Chrysler un niveau de qualité qui nous laisse sentir que l'entité Daimler de DaimlerChrysler, c'est-à-dire Mercedes-Benz, a mis la main à la pâte. Le châssis a aussi été rigidifié et la voiture mise à l'essai était dépourvue de ces agaÇants bruits de caisse qui sont le lot de trop de voitures nord-américaines.

Somme toute, je m'attendais à beaucoup mieux de cette Chrysler Pacifica et j'espérais y trouver une certaine sophistication qui lui aurait permis d'ouvrir un nouveau créneau du marché comme l'avait fait l'Autobeaucoup à ses débuts. En lieu et place, on se retrouve avec un curieux mélange de tout et de rien ; plus précisément d'une fourgonnette un peu fardée avec un centre de gravité légèrement plus bas. Je ne crois pas que ce premier « véhicule génétiquement modifié » tracera la voie du futur pour l'industrie automobile. Jacques Duval

Contrepartie

Au départ, il m'importe de préciser que j'ai un préjugé très favorable à l'égard de cette nouvelle génération de VGM (Véhicule Génétiquement Modifié) et de la Pacifica tout spécialement puisqu'elle a été conÇue par une société qui, plus d'une fois, a relevé ? et avec succès ? d'audacieux paris (Autobeaucoup, Viper, Prowler, PT Cruiser). La Pacifica, malheureusement, n'a pas eu l'effet « wow, j'en veux un » souhaité. Après avoir fait le tour du propriétaire et roulé plusieurs centaines de kilomètres à son bord, on réalise assez vite que la concurrence avance des arguments plus convaincants pour nous séduire. Mais qui peut nier qu'il réponde à la volonté de DaimlerChrysler de casser les moules pour tenter de faire évoluer l'automobile dans une autre direction ? Les habitués de voitures luxueuses, friands de produits aboutis, ne seront pas conquis par ce véhicule. Surtout dans sa forme actuelle, laquelle ne lui promet pas une diffusion très grande. En revanche, comme véhicule de niche, la Pacifica séduira sans doute ceux qui aiment afficher une certaine modernité au travers de leur voiture, surtout s'ils ne sont que quatre à monter à bord. Éric LeFranÇois

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