Acura NSX, pourquoi ?

Tel que publié dans le Guide de l'auto 2004

Châssis et carrosserie en aluminium. Suspensions de course. Moteur central. Mécanique noble. Fiabilité sans faille. Réseau de concessionnaires établi. Pourtant, depuis 1990, elle traîne la patte dans un créneau en bonne santé où ses rivales font des malheurs année après année. Pourquoi ? Pourquoi l'Acura NSX est-elle un flop commercial ?

En mûr observateur de la scène automobile, après mûre réflexion, j'arrive à trois raisons principales : le design, le pedigree, le prix. D'abord le design. Pour une voiture de cette classe et de ce prix, et quelle que soit la compétence de la mécanique, il est impératif d'afficher une ligne qui fasse tourner les têtes. Toutes les têtes. Or, la NSX, dévoilée en 1990, présente un style agréable, certes, mais qui ne retient pas particulièrement l'attention. Qu'elle soit née ainsi, on peut le comprendre, mais que Honda n'ait pas pu en 14 ans faire bénéficier son vaisseau amiral d'une ligne plus sexy, Ça on le comprend moins. Pourtant, ce ne sont pas les designers qui manquent, surtout pas en Italie où n'importe lequel des quelques grands aurait pu donner à la NSX la volupté qui lui a toujours manqué tant à l'extérieur qu'à l'intérieur.

Deuxième point : le pedigree. Ici, la tâche est plus ardue, mais le besoin est tout aussi impératif que pour le style. Je ne connais pas beaucoup de gens qui sont prêts à payer 140 000 $ pour une voiture qui ne porte pas un « nom ». Tout comme je vous parie que vous n'irez pas acheter une montre de 6000 $ si elle porte la marque Swatch ou Timex. Pour une telle somme, vous allez vouloir une Breitling ou une Rolex, enfin quelque chose de marquant et de connu qui fera dire de vous que vous êtes une personne fortunée, raffinée, bref une personne in, branchée. Car oui, cher lecteur, l'automobile à ces prix-là n'est plus un moyen de transport, mais un reflet de l'image que souhaite projeter son propriétaire. L'image du sportif, du cool, du connaisseur, du Schumacher en puissance, bref, quelqu'un dont on dira : « Il roule en Ferrari, en Jaguar, en Lamborghini ou en Porsche. » Avouez que : « Il roule en Acura » n'a vraiment pas la même portée.

C'est malheureux à dire, mais les marques japonaises, aussi compétentes soient-elles, n'ont pas encore acquis cette notoriété si chère aux grandes marques européennes et qui leur fait vendre des produits parfois inférieurs sur le plan technique, mais qui savent plaire à ceux et celles qui « aiment se faire voir ». « Du snobisme », me direz-vous. Oui, peut-être bien. Mais c'est la réalité. Et pour vaincre cette perception, les Honda, Toyota, Mazda et Nissan de ce monde doivent trouver le moyen d'acquérir ce fameux pedigree. C'est d'ailleurs précisément ce que s'efforce de faire Toyota en se lanÇant en Formule 1. Quant à Honda, elle qui s'était pourtant fait une belle réputation en sport automobile au plus haut niveau, elle a commis la bévue de classer sa NSX dans la famille Acura, une marque respectable, certes, mais qui n'évoque aucune ? mais vraiment aucune ? image sportive. La NSX aurait dû, comme sa cousine la S2000, être une Honda. C'est d'ailleurs le cas pour la NSX en Europe, mais l'Amérique du Nord n'y a pas eu droit. Les bonzes du marketing devraient aller refaire leurs devoirs.

Troisième tuile sur le toit amovible de cette pauvre NSX : le prix. À 140 000 $, je peux facilement me payer le coupé Maserati Cambiocorsa (vous voyez comme Ça sonne bien : Maserati Cambiocorsa), une Mercedes SL500 (rien qu'à dire : je roule en SL, Ça vaut déjà 100 000 piastres !) ou une Porsche 911 C4 S, plus une Honda Civic pour tous les jours ! Comme l'a si bien démontré Le Guide de l'auto 2003, la NSX ne fait pas le poids devant une Porsche 911 Carrera ni devant une Mercedes SL500. Alors pourquoi ce 140 000 $?

La solution

Mais pour qui se prend-il, ce chroniqueur qui veut donner des leÇons à Honda ? Peu importe ce que vous répondrez, voici quand même ma solution.

Premièrement : prendre une feuille à dessin vierge et redessiner la carrosserie de la NSX en lui injectant une bonne dose de sex-appeal, de préférence à l'italienne. Lui trouver un autre nom puisque celui-ci n'a jamais été porteur. En profiter pour refaire ce ridicule tableau de bord et moderniser l'habitacle qui accuse nettement son âge. Et de grâce, aller chez Audi pour acheter un volant qui ait de l'allure.

Retirer ensuite le A d'Acura au profit du H de Honda et associer la voiture à la Honda S2000 et aux grands succès passés de Honda en sport automobile. En passant, allumer un cierge à la Madone pour que le moteur Honda se fasse finalement remarquer en Formule 1.

Enfin, ramener le prix de la voiture à celui de ses véritables rivales, c'est-à-dire entre 100 000 $ et 120 000 $ et lancer la voiture dans des épreuves de haut calibre pour rehausser son image sportive.

Quant à la mécanique, la boîte à six vitesses est une merveille du genre et le moteur, avec ses 290 chevaux, pourrait en donner un peu plus, surtout au chapitre du couple. À plus de 1400 kg, le châssis en aluminium est un bel exemple de légèreté et ne semble pas présenter de problèmes particuliers. Les suspensions bien nées, la direction parfois bizarroïde et les freins peu endurants en usage intensif peuvent sans doute être remis à la page.

Si, pour une raison ou une autre, les remèdes proposés ne devaient pas convenir, il y aurait une autre solution, plus radicale celle-ci : mettre fin à la carrière de la NSX pour éviter que les chroniqueurs continuent de s'en moquer.

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