Lincoln Town Car, modèle rajeuni, clientèle vieillissante

Tel que publié dans le Guide de l'auto 2003

Aussi surprenant que cela puisse paraître, la Town Car continue d'obtenir les meilleures ventes au sein de cette division de prestige chez Ford qu'est Lincoln. Au Canada, sa diffusion plutôt confidentielle ne laisse aucunement présager un tel succès, mais nos prospères voisins « amoricains » la considèrent pratiquement comme faisant partie de leur patrimoine.

Chez nous, l'âge moyen de ses très conservateurs acheteurs est de 68 ans, et ils peuvent compter sur des revenus annuels de plus de 110 000 $. Dans ce contexte, une petite cure de rajeunissement vaut toujours la peine. Plus de 60 % de ces mastodontes sont monopolisés par les parcs automobiles corporatifs ainsi que par les préparateurs de limousines et de corbillards, mais cette tendance est complètement renversée outre frontière.

Lors de sa présentation à la presse spécialisée, les maîtres d'?uvre du fabricant se sont longuement appliqués à faire ressortir les nouvelles lignes du modèle 2003 par rapport à celui de l'année dernière. L'exercice s'avère finalement assez vain puisqu'il faut les examiner de près côte à côte pour vérifier les légères retouches dont font l'objet la calandre, les phares et la partie arrière. Néanmoins, l'aspect mécanique comporte plusieurs changements plus substantiels.

Des améliorations concrètes

La Town Car conserve son châssis à longerons, mais son nouveau procédé de fabrication par « hydroformage » lui procure une meilleure résistance à la torsion. Cette architecture très conservatrice réservée normalement aux camionnettes permet d'étirer plus facilement l'empattement lorsque l'on veut produire une voiture allongée ou un fourgon funéraire. Dans la même veine, on a conservé à l'arrière une suspension à essieu rigide, même si, paradoxalement, le gros utilitaire Navigator se targue maintenant d'épures indépendantes. Heureusement, une barre stabilisatrice et des ressorts pneumatiques avec correcteur d'assiette automatique font maintenant partie de l'équipement d'origine.

La partie avant de la plate-forme fait l'objet d'améliorations non négligeables. On y retrouve un nouveau berceau mieux isolé pour la suspension ainsi qu'un mécanisme de direction à pignon et crémaillère (bienvenue dans le XXie siècle). Certaines pièces sont maintenant coulées dans l'aluminium pour réduire le poids non suspendu.

Sous le capot, le fidèle V8 4,6 litres, d'architecture assez contemporaine avec ses arbres à cames en tête, respire encore par seulement deux soupapes par cylindre. Il fait l'objet cette année de quelques modifications et sa puissance atteint maintenant 239 chevaux, en hausse de 19 ; son couple augmente à l'avenant. Comme on peut s'y attendre avec des gains aussi modestes, les accélérations demeurent inchangées, c'est-à-dire assez nonchalantes. La boîte de vitesses, assez compétente, renferme 4 rapports. Soyons quand même réalistes, personne n'a véritablement envie de s'éclater au volant d'une Town Car, ni de distancer rapidement le cortège du dernier voyage. Ce type particulier de déplacement doit plutôt se faire dignement, en silence, exercice pour lequel la Town Car excelle. Les ingénieurs ont en effet pris d'extraordinaires précautions pour que l'habitacle demeure complètement isolé des perturbations de toutes sortes provenant de l'extérieur.

Calme et simplicité

Au demeurant, l'atmosphère à l'intérieur favorise la simplicité et le calme. L'immense habitacle est meublé à l'avant d'une banquette avec un très large accoudoir central relevable. Qui trop embrasse mal étreint, et personne ne sera vraiment confortablement soutenu, surtout pas la 3e personne au centre qui se sentira plutôt comme la farce du dindon. À l'arrière, les passagers pourront s'étirer à leur aise, mais encore une fois, le passager du centre arrivera rapidement à la conclusion qu'il a tiré le mauvais numéro. Le cuir garnissant les places assises respire la qualité, mais certains matériaux qui ornent la cabine sonnent plutôt creux et semblent plus banals. La planche de bord est d'une désolante pauvreté, comme si le conducteur n'avait d'intérêt que pour le compteur de vitesse et la jauge à essence.

Heureusement, l'équipement très riche comble en partie ces lacunes. On y retrouve en effet à peu près tous les articles du très volumineux catalogue Lincoln, incluant pour les modèles vendus au Canada (Signature, Signature Premium, Cartier et Cartier L) tous les ajustements possibles pour les fauteuils avant et le pédalier, ainsi que la panoplie complète des assistances électriques. La version Cartier L voit son empattement s'allonger de plus de 15 cm, et reÇoit des accessoires réservés aux limousines exploitées commercialement.

Sur la route, grâce aux améliorations constantes apportées à la suspension et au nouveau mécanisme de direction, on n'a plus à puiser dans le vocabulaire maritime pour décrire le comportement routier de la Town Car. Les trajectoires sont plus précises, et l'on n'a plus l'impression d'être déporté constamment par un courant sournois. Néanmoins, les pneumatiques de taille respectable de 17 pouces affichent une minable cote de vitesse « S » et manquent encore cruellement d'adhérence. Quand on pense que le Navigator roule sur des « H »...

Le freinage à disque aux quatre roues satisfait dans l'ensemble, mais il est compromis par les limites rapidement atteintes des pneus. Somme toute, la Town Car remplit bien la mission qu'on lui a attribuée. Elle sert fidèlement le conducteur conservateur à la recherche d'une grosse berline luxueuse et silencieuse, qui ne saurait s'encombrer de nouveautés technologiques et de performances de haut niveau. L'espace disponible dans la cabine et dans le coffre convient aux plus larges gabarits et aux plus gros sacs de golf. Mais pour le plaisir de conduire, il faut s'adresser ailleurs.

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