Retour sur les radars photo : directeur des poursuites criminelles et pénales c. Maria Carmela Bove

Un récent arrêt de la Cour du Québec a fait beaucoup de bruit dans l’actualité cette semaine, concernant une décision invalidant la procédure administrative entourant les opérations de radars photo. Cette décision est très importante, car elle aura des répercussions sur les contestations de ce type d’infraction.

Alors, allons-y ensemble et explorons les points essentiels de cette décision :

La dame en question a été captée par radar photo sur l’autoroute 15 sud à une vitesse de 141 km/h dans une zone de 70 km/h.

La défense a attaqué principalement les attestations situées habituellement au bas du constat. Ces attestations font foi, entre autres, que l’appareil a été calibré, et que les vérifications d’usages ont étés faites (correspondance entre la plaque et le modèle du véhicule auprès de la SAAQ et le C.R.P.Q. (centre de renseignements policiers du Québec)).

Ces attestations sont très importantes, car — en vertu de l’article 62 du code de procédure pénale — elles doivent être faites par la personne ayant eu personnellement connaissance des faits qu’elle atteste. Et elles tirent toutes leur importance du fait qu’elles permettent à la poursuite de pouvoir déposer le constat d’infraction en preuve, sans que l’agent ait à témoigner sous serment, car lesdites attestations représentent des faits dont l’agent attestant a eu personnellement connaissance.

« 62. Le constat d’infraction ainsi que tout rapport d’infraction, dont la forme est prescrite par règlement, peut tenir lieu du témoignage — fait sous serment — de l’agent de la paix ou de la personne chargée de l’application d’une loi qui a délivré le constat ou rédigé le rapport, s’il atteste sur le constat ou le rapport qu’il a lui-même constaté les faits qui y sont mentionnés. »

Or, après avoir entendu le contre-interrogatoire de la personne ayant fait les attestations sur le constat en question, la Cour s’est aperçue qu’elle n’avait pas eu connaissance de ce dont elle attestait! En effet, bien que ce ne soit pas elle qui ait fait les tests, elle atteste, néanmoins, qu’elle a elle-même constaté les faits qui y sont mentionnés. Cependant, le tribunal en a convenu que cette preuve de la poursuite est en contravention de l’article 62 du Code de procédure pénale et qu’il s’agit là d’une preuve par ouï-dire.

Définition de ouï-dire :

Un ouï-dire, littéralement, c'est ce que l'on connaît pour l'avoir entendu dire. En droit, on parle d'un ouï-dire lorsqu'un témoin relate une information dont il n'a pas eu directement connaissance. Imaginons, par exemple, que Myriam raconte à Michel qu'elle a eu un accident de voiture. Devant le juge, Michel répète l'histoire de l'accident de Myriam. Ce témoignage peut se heurter à une objection. Il ne sera pas reçu comme une preuve des faits réels, mais uniquement comme « ce que Myriam a dit à Michel ». La règle de base, lors d'un témoignage en cour, c'est de livrer de l'information dont vous avez eu directement connaissance. L'information doit être fiable. C'est pour cette raison que le ouï-dire est généralement exclu ou non admissible.

Source : www.ledroitdesavoir.ca

Donc, le juge a acquitté la défenderesse de l’infraction d’avoir circulé à 141 km/h dans une zone de 70 km/h parce que la preuve présentée par la poursuite reposait sur du ouï-dire.

Ayant été appelé à commenter la nouvelle pour plusieurs médias, j’ai entendu des commentaires comme quoi « de toute façon, la personne a roulé à 141 km/h dans une zone de 70! Elle est coupable! » Ou d’autres propos selon lesquels « les radars photo ne sont pas fiables ».

En réponse à ses arguments, je vous dirai, premièrement, que si la personne qui coche les attestations en bas d’une contravention, comme quoi l’appareil a été calibré, sans même l’avoir constaté personnellement, on ne peut en conclure hors de tout doute que l’appareil est en bon état de fonctionnement. Donc, on ne peut affirmer que la défenderesse circulait vraiment à 141 km/h dans une zone de 70 km/h!

Maintenant, n’allez pas croire que les radars photo ne sont pas fiables et qu’ils sont appelés à disparaître, car ce n’est pas du tout le cas. Il y en aura même de plus en plus.

Souvenez-vous que dans le cas qui nous intéresse, ce n’est pas l’appareil qui est en cause, mais tout le système de vérification qui l’entoure, qui lui, est déficient. Il devra donc être modifié, soit par la loi elle-même, un jugement de plus haute instance, ou en faisant témoigner les personnes qui effectuent réellement les vérifications.

Mais cette dernière hypothèse est très peu probable, considérant la lourdeur administrative et l’engorgement des tribunaux que cela causerait, à une époque où les tribunaux sont déjà lourdement blâmés, pour les délais de traitement des dossiers de Cour, depuis l’arrêt Jordan de la Cour Suprême, dont j’ai traité avec vous il y a quelques semaines.

Bonne semaine et pour plus de détails, il est possible de me consulter en visitant le www.contraventionexperts.ca

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