Chrysler Town & Country 1948, quand les voitures étaient en bois

Dans leurs publicités, les constructeurs automobiles sont toujours très fiers de présenter les appliques de bois (quelquefois véritables) qui ornent leurs tableaux de bord.  Mais le bois, empressons-nous de leur rappeler, ne date pas d’hier.  Il fut même un temps, avant le plastique, où ce matériau prenait toute la place…

Bien peu de gens connaissent les « woodies », ces voitures possédant des panneaux de carrosserie en bois.  En fait, l’expression « woodies » réfère à une période très précise de l’automobile, comprise entre la fin des années ’30 et le début des années ’50.  Durant ce temps, avec un hiatus de quelques années durant la seconde Guerre mondiale, la plupart des constructeurs de la planète n’a pu résister à la mode du bois.  La Chrysler Town & Country de Jean-Pierre Cholette que nous vous présentons dans le cadre de notre série « Les grands moments de l’automobile » constitue sans doute le plus bel exemple de cette époque.

Les origines 

En fait, l’expression « woodie » prend ses sources… dès les premiers véhicules à moteur.  Les toutes premières voitures ont été fabriquées entièrement en bois.  Inépuisable, facile à entreposer et malléable, le bois était aussi connu depuis des siècles et ses propriétés parfaitement maîtrisées.  Puis, lorsque la production automobile s’organise, les châssis sont fabriqués en métal mais les carrosseries et les montants qui en forment l’ossature demeurent en bois.

Peu à peu, les constructeurs entourent le cadre de bois avec du métal, ce qui ajoute énormément à la rigidité structurelle des automobiles. En 1914, les frères Horace et John Dodge, arrivent sur le marché avec une voiture… tout en métal!  Cette révolution marque le début d’une ère nouvelle et le métal s’impose de plus en plus. (Précision : À quantité égale, le bois est plus léger que le métal mais puisqu’il faut beaucoup plus de bois pour obtenir la même solidité que le métal, il est plus avantageux d’utiliser ce dernier matériau).  De plus, les panneaux de métal fraîchement peinturés sèchent infiniment plus rapidement que ceux en bois puisqu’il est possible de les chauffer à des températures très élevées.  Malgré des coûts de production élevés (conception et fabrication des presses, soudure, etc), le métal survit et remplace graduellement le bois pour prendre toute la place.  Puisque le nombre de voitures produites va sans cesse en grandissant, les coûts de production des voitures tout métal sont diminués d’autant.

Cependant, les « station wagons », ces véhicules utilitaires construits à partir de châssis de camion, continuent d’être bâtis selon la bonne vielle méthode des panneaux de bois.  Puisque leur nombre est plus restreint que celui des automobiles, il est ainsi possible pour les manufacturiers d’économiser sur les coûts de fabrication.  Durant les années ’30, à cause de leur relative rareté, ces « woodies » commencent à jouir d’une certaine aura.  À peu près au même moment, les constructeurs américains entreprennent la construction de leurs « station wagons » à partir de châssis d’automobiles.  Ils n’hésitent donc pas, à la fin des années ’30, à recréer des panneaux et une ossature en bois, question de profiter de l’engouement des consommateurs pour ce noble matériau. 

Le "woodie" par excellence 

C’est ainsi qu’en 1941 naît le « woodie » le plus marquant, la Chrysler Town & Country.  Cette voiture est d’abord présentée en version familiale (station wagon).  Après une pause forcée de trois années à cause de la guerre, la T&C revient, non pas en modèle familial, mais plutôt sous la forme d’une berline quatre portes et d’un cabriolet.  Si le châssis, la partie avant, les ailes arrière et le toit de la berline sont fabriqués en métal, tout le reste est fait de frêne, recouvert d’acajou.  La plupart des manufacturiers qui proposent des « woodies » font fabriquer les carrosseries en bois par des sous-traitants.  Mais Ford et Chrysler ont leurs propres ébénistes.  Chez Chrysler, par exemple, les caisses de bois sont fabriquées sur un étage de l’usine puis emmenées sur la chaîne de production régulière pour être mariées aux châssis.

1950 marque la dernière année de la Town & Country.  Le coût prohibitif et l’entretien contraignant viennent rapidement à bout de la mode des woodies.  En effet, le manuel du propriétaire stipule qu’à chaque année, il faut donner un traitement au bois pour qu’il conserve sa beauté et son intégrité.  Ce que bien peu de gens font!  De plus, les coûts de réparation du bois à la suite d’un accident sont exorbitants.

Spécialiste du bois 

Bien entendu, un « woodie » qui aurait goûté aux hivers québécois n’aurait pas duré longtemps.  La Town & Country 1948 de Jean-Pierre Cholette provient du Texas, un état dont le climat est parfait pour ce type de carrosserie.  Il y a quelques années, notre homme a eu le coup de foudre pour cette voiture et l’a ramenée dans notre nordique contrée.  Et ce n’étaient pas les parties en bois qui allaient rebuter Jean-Pierre Cholette… L’ébéniste et propriétaire du Centre de l’escalier de Terrebonne peut, au contraire, en apprécier chaque détail.  Pour préserver l’intégrité du bois, M. Cholette remise sa T&C dans un garage à l’humidité contrôlée.  Si le bois est allergique au sel et au calcium de nos hivers, il est toutefois possible de rouler sous la pluie d’été sans problème.

Les vrais woodies sont morts au début des années ’50.  Durant ces quelque quinze années, à peu près tous les manufacturiers auront eu leur woodie : Ford, toutes les marques de General Motors et de Chrysler, Packard, Studebaker, Austin, Bantam et même… Rolls-Royce ne sont que quelques exemples.  Mais les nostalgiques peuvent compter durant plusieurs années sur de similis « woodies ».  Les familiales Ford Country Squire sont proposées jusqu’en 1991 tandis que les Buick Roadmaster Limited Estate Wagon mourront de leur belle mort en 1996.  Quant aux Chrysler Town & Country avec imitation de bois, elles reprennent les lignes du cabriolet Le Baron (1983) et d’une familiale (jusqu’en 1988). Aujourd’hui, les Town & Country, autrefois classiques, poursuivent leur chemin, représentant la version cossue des Dodge Grand Caravan… mais sans les panneaux de bois.  Les dernières appliques de bois offertes en équipement standard sur un produit Chrysler datent de 1993.

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