Rallye Gumball 3000 – Jour 3 : de Copenhague à Amsterdam

En distance et en temps, le Jour 3 est le jour le plus long de cette édition du Gumball 3000. Il est 7 h du matin et nous avons déjà défoncé notre horaire. Le trajet d’aujourd’hui entre Copenhague et Amsterdam comprend deux énormes obstacles à surmonter : le traversier, à l’horaire inflexible, et un pays, l’Allemagne (nous y reviendrons bientôt). Après avoir attendu pendant 45 minutes les retardataires qui n’arrivaient pas à se tirer de leur cocon nocturne, nous quittons finalement l’hôtel. Nos chances d’attraper le traversier et d’arriver aux Pays-Bas avant 18 h sont très minces.

Il y a aussi le fait que Jeff n’est pas là. Selon un mystérieux texto envoyé plus tôt ce matin, il était dans un petit bar avec de nouveaux amis danois. Nous en avons conclu qu’il n’avait pas réussi à se réveiller ce matin et qu’il avait simplement raté le départ. Mais à mesure que nous avançons sur la route, nous apprenons qu’il ne répond pas à ses appels et qu’il n’est pas non plus dans sa chambre. Ryska Posten envoie un membre de l’équipe pour enquêter pendant que nous essayons désespérément de rattraper le temps perdu sur notre itinéraire.

Le blues de la Camaro rouge

Et il y a la Camaro rouge. Une heure après le départ, elle décide qu’elle en a marre de se faire bousculer sans merci pour poursuivre des Ferrari et des Porsche, et que ce dont elle aurait vraiment besoin, c’est d’un bon nettoyage à la vapeur du compartiment moteur avec une mixture d’eau distillée et de liquide de refroidissement. Nous arrivons au terminal du traversier avec plus de deux heures de retard sur notre horaire original d’embarquement. En regardant en avant de la file, je vois la paire de Camaro qui roulent ensemble vers la grille d’embarquement. La jaune est devant et la rouge fait de son mieux pour suivre maintenant qu’on lui a donné quelques bouteilles d’eau scandinaves de marque obscure attrapées à la station-service la plus proche. Des rumeurs de problèmes de joints d’étanchéité de culasse sautés flottent dans l’air comme une bruine huileuse et inquiétante.

En tout cas, nous ne sommes pas les seuls à avoir raté l’horaire d’embarquement rigide du traversier, puisqu’il y a environ 25 autres Gumballers éparpillées un peu partout dans le stationnement. Un des participants pilote une Ferrari 458 avec un déflecteur avant tellement bas qu’il doit utiliser un système hydraulique pour soulever l’avant et l’arrière au moindre petit obstacle. Son système ne sera cependant d’aucune utilité pour surmonter l’obstacle qui nous attend en débarquant du bateau et en mettant les roues en Allemagne : la très efficace et très sérieuse police allemande.

Une entente difficilement applicable

Bref historique : l’Allemagne n’aime pas du tout le rallye Gumball. À une occasion, les autorités ont obligé tous les participants à prendre l’autobus et à faire transporter leurs voitures sur un trajet de neuf heures à travers le pays. Faute d’obtempérer, les contrevenants s’exposaient à une arrestation immédiate en arrivant à la frontière. Cette année, Maximillion Cooper a réussi à négocier une entente sous la forme du compromis suivant : les participants peuvent parcourir les quelque 500 km de route dans la campagne allemande par groupe de 10, chaque groupe étant guidé par une voiture de sécurité officielle. Les règles sont simples : si vous dépassez une voiture de sécurité, votre véhicule est instantanément saisi.

Cette entente semblait sans doute raisonnable au moment des négociations, mais d’un point de vue logistique, elle s’avère un cauchemar absolu. Après avoir recouvert les logos et les autocollants pour se conformer aux lois exclusives à l’Allemagne concernant les commanditaires corporatifs lors de rallyes, nous nous regroupons à l’écart du quai pour attendre nos voitures de sécurité. La confusion est palpable et le premier groupe réussit à prendre la route 30 minutes après le débarquement. J’ai aussi la surprise d’apprendre que les véhicules d’accompagnement, comme la Volvo dans laquelle je suis, sont dispensés de l’obligation de circuler en groupe. Nous sautons aussitôt sur l’accotement et nous rejoignons la grande route, direction Hollande.

Nous n’irons pas très loin. Trente minutes plus tard, nous nous retrouvons immobilisés dans un affreux bouchon de circulation dont nous ne savons pas l’origine. Puis, nous voyons avec effroi la Camaro rouge qui passe à côté de nous, sur l’accotement, et qui s’arrête dans une flaque de liquide une centaine de mètres plus loin. Je sors du VUS et j’accoure avec toutes les bouteilles d’eau que je peux ramasser sur le plancher. Cela me vaut aussitôt des coups de klaxon par des Allemands irrités qu’il y ait un retard dans leur vie absolument organisée.

Au bout de cinq minutes, les gens coincés dans le trafic ont une raison encore plus légitime de me détester et de détester les participants du rallye Gumball. En effet, nous constatons que le ralentissement sur trois voies est le résultat direct d’un barrage routier qui dirige toutes les voitures avec des autocollants – recouverts ou non – vers une aire de services attenante occupée par un nombre élevé de policiers allemands en vestes fluorescentes jaunes. Nous sommes parmi les premiers arrivés. Nous stationnons sagement le XC60 à côté d’un groupe de Ferrari en craignant que notre journée ne se termine ici.

Quelques minutes plus tard, les policiers confisquent mon passeport et tous les permis de conduire et certificats d’immatriculation sur lesquels ils peuvent mettre la main. Dans le stationnement, c’est le tohu-bohu total; il y a au moins 50 autos entourées de policiers et une cacophonie d’accents, de bruits d’échappement et de documents de voyage aux couleurs inusitées. Je tourne en rond tout en attrapant des bribes de conversation à propos de numéros manquants sur les plaques d’immatriculation, d’amendes à payer et de policiers qui refusent poliment et consciencieusement les demandes d’égoportraits des participants. Après une attente qui me semble une éternité, mais qui aura duré seulement 30 minutes en réalité, un grand policier plus âgé – pas le même que celui qui a pris mon passeport – me remet mes précieux documents. J’en profite pour demander la permission qu’on libère deux de nos voitures d’accompagnement.

Nous avons de la chance. Avec les membres de l’équipe de soutien de Team Anastasiadate.com et Team Asiandate.com, nous dévalons l’autoroute à 220 km/h (la vitesse à laquelle Volvo a décidé de limiter le véhicule en coupant l’alimentation en essence). Le reste des Gumballers sera retenu beaucoup plus longtemps, et ils perdront leurs derniers espoirs d’arriver aux Pays-Bas dans une belle procession bien ordonnée.

Camaro K.O. et inquiétude pour Jeff

Nous avons de la chance également de ne pas être à la place de Jeff. Ou de la Camaro rouge. Le muscle car s’est écroulé en laissant choir au sol son liquide réfrigérant, et sa pression d’huile a baissé à tel point qu’on a entendu un cognement plus puissant que le son des échappements. Bref, elle est K.O. Elle a été remorquée à l’aéroport d’où elle sera chargée sur un avion-cargo et renvoyée aux États-Unis pour la deuxième moitié du rallye. Une voiture de remplacement nous attend déjà près de la piste d’atterrissage à Reno, prête à reprendre le flambeau en terre américaine.

Le cas de Jeff est plus inquiétant. Il avait envoyé une série de textos que nous croyions être des plaisanteries au départ. Mais nous nous sommes rapidement alarmés quand il a donné des détails sur la façon dont il avait été assailli et volé par trois hommes la nuit dernière alors qu’il revenait à l’hôtel. Il s’est réveillé ce matin dans le noir total, à moitié ligoté avec des attaches plastique, dans une remise bruyante sous la structure d’un stationnement. Il a réussi à se rendre dans la rue où des passants l’ont aidé à se diriger vers un poste de police. Après un traitement à la poudre pour détecter des traces d’ADN, on l’a amené à l’hôpital pour soigner ses coupures et ses éraflures, des blessures douloureuses mais heureusement sans gravité. Ensuite, on a fait des arrangements à toute vitesse pour lui permettre de prendre un vol vers Amsterdam. Il faut aussi trouver un membre de l’équipe qui pourra être à l’aéroport à temps pour le cueillir à son arrivée, prévue à 19 h ce soir.

Sauvés par l’hélico

Nous nous portons volontaires pour faire le travail, mais après réflexion il devient vite évident qu’avec la circulation et la distance, nous n’arriverions guère avant 21 h. Puis tout à coup, nous recevons un texto de Dimitrii qui demande si nous aurions besoin de son hélicoptère. Il a finalement réussi à trouver un trou dans les conditions météo et dans l’espace aérien protégé qui s’étend au-dessus de l’Allemagne, et son pilote a atterri près de Bremen. Nous fixons un point de rendez-vous et je monte à bord du R44 Raven II, un hélico rapide et maniable qui m’emmène jusqu’à Amsterdam, avec Dimitrii aux commandes, juste à temps pour rejoindre Jeff dans le hall de l’hôtel et qu’il nous raconte son histoire de vive voix.

Nous voilà en sécurité à Amsterdam, mais nous nous inquiétons pour l’issue du rallye et parce que nous avons l’impression d’avoir pris un abonnement à la malchance pour cette aventure. C’est maintenant le temps de nous préparer pour la journée de demain et son plan d’action encore plus absurde. Nous prendrons l’avion jusqu’à Reno en passant par Portland, en Oregon, puis nous devrons conduire jusqu’à San Francisco avant de pouvoir mettre les Camaro au repos pour la nuit. Je suis épuisé juste à écrire ces lignes...

Statistiques Gumball : Jour 3
Nombre de Danois qui m’ont interpellé en criant dans l’enclos cargo du traversier : 1
Capacité personnelle de compréhension du danois améliorée par l’augmentation du niveau vocal : 14 %
Nombre d’explosions reliées aux Camaro sur une période de 12 heures : 3
Index d’efficacité de la police allemande : 7/10
Nombre de policiers allemands qui ont refusé que je prenne un égoportrait avec eux : 3
Nombre de policiers allemands qui ont rougi quand je leur ai demandé de prendre la photo : 1
Montant maximum de l’amende pour excès de vitesse sur les autoroutes allemandes : 500 $
Vitesse la plus élevée jamais atteinte au volant par Elizabeth, la conductrice de notre voiture d’accompagnement : 170 km/h
Nouveau mot appris en allemand : « NICHT SCHIESSEN », qui signifie « Ne tirez pas ».

Pour lire la suite de notre aventure au Gumball 3000.

Consultez le compte-rendu de la journée précédente du Gumball 3000.

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