BMW série 7, diablement vôtre!

Tel que publié dans le Guide de l'auto 2003

Vous détestez prêter votre voiture ? Même à votre meilleur ami ? La nouvelle BMW 745i devrait vous plaire, car même si vous lui offrez les clés de votre nouvelle « BÉHÈÈÈME » de la Série 7, il y a de fortes chances pour qu'il revienne bredouille en avouant son incapacité à la conduire. Les concepteurs semblent avoir pris un malin plaisir à développer des commandes et des contrôles tellement hors normes qu'il faut pratiquement un cours de plusieurs minutes pour s'y retrouver. Comme le dirait si bien le coloré Yves Lambert de La Bottine Souriante : « C'est l'char du diable ! »

Vous croyez que j'exagère ? Pour lancer le moteur, il faut insérer la télécommande dans une fente à droite d'un gros bouton identifié « Start/Stop », appuyer sur celui-ci tout en ayant le pied sur la pédale de frein. Une fois ces gestes faits, le gros moteur V8 de 4,4 litres se mettra à ronronner. Impossible de prendre la route sans bien régler les sièges. Les commandes sont placées sur le côté de l'accoudoir central et sont difficiles à atteindre une fois assis. Comme dans les Mercedes, chaque élément du siège est identifié par un bouton épousant la forme de chacun. Mais Ça se complique par la suite. Il faut d'abord appuyer sur la touche illustrant la partie du siège à régler et ensuite manipuler un gros bouton placé à l'avant des touches de sélection.

Moteur lancé, siège réglé, ceinture bouclée, il est temps de prendre la route. Malheureusement, il faut encore déchiffrer une autre énigme : le fonctionnement du levier de vitesses constitué par un petit bras en aluminium brossé monté sur la colonne de direction. Pour passer de « Park » à « Drive », il faut appuyer sur le bouton latéral et abaisser le levier. Théoriquement, le 1er rapport de la boîte de vitesses sera engagé. Mais ce mécanisme semble avoir été conÇu avec un esprit de contradiction gravé dans sa mémoire électronique. Il arrive parfois que la marche arrière soit difficile à engager ou encore qu'on se retrouve à la position « P ». De plus, par temps chaud, ce petit levier irritant au possible devient brûlant sous les rayons du soleil.

Chez BMW, on nous dit que ces commandes deviennent intuitives avec le temps. Mais après plusieurs jours d'essai, c'était loin d'être le cas.

Appuyez, tournez et tempêtez !

Il s'agit d'irritants mineurs en comparaison de la commande i-Drive, l'élément de discorde le plus important de cette voiture. Ce gros bouton en aluminium niche à l'extrémité de l'accoudoir central. Avec ce dispositif, les ingénieurs ont voulu éliminer la prolifération de boutons et de commandes de toutes sortes qui se sont multipliés au fur et à mesure que la mécanique et les accessoires devenaient plus sophistiqués. Il suffit d'appuyer dessus avec la paume de la main pour qu'une rose des vents apparaisse à l'écran LCD niché au centre de la planche de bord. En tournant ce gros champignon métallique, il vous est possible de régler la climatisation, la suspension, le système audio et de navigation en plus de centaines d'autres réglages.

L'enfer est pavé de bonnes intentions et il est certain que le fait de centrer en un seul élément le choix de centaines de réglages est théoriquement louable. Mais à l'usage, c'est très compliqué. La moindre modification ou même le passage de la bande AM à la bande FM oblige à naviguer par plusieurs menus. Il faut donc quitter la route des yeux pendant plusieurs secondes pour consulter l'écran et effectuer les modifications espérées. Opération qui n'est pas en conformité avec les règles les plus élémentaires de sécurité.

Heureusement, les ingénieurs ont prévu le coup en installant sur le tableau de bord des commandes traditionnelles pour la climatisation et le niveau sonore de la chaîne audio. Il faut ajouter sur une note plus optimiste que l'affichage du système de navigation est très précis et le programme bien conÇu dans l'ensemble.

Toujours la controverse !

L'équipe de conception de cette voiture n'a pas craint de sortir des sentiers battus aussi bien dans l'habitacle qu'à l'extérieur. La silhouette dessinée par l'Américain Chris Bangle ne fait pas l'unanimité. La partie avant est assez bien réussie. Les phares avant circulaires ont été retenus, mais sont maintenant enchâssés dans un bloc optique ovale tandis que le clignotant est monté en sa partie supérieure. Contrairement au modèle précédent, la voiture ne « regarde plus vers le sol », mais carrément vers l'avant, ce qui lui confère une allure plus dynamique. L'antenne en forme d'aileron de requin est également inspirée de cette même approche en fait de stylisme.

Si l'avant, les roues et les flancs s'harmonisent très bien les uns par rapport aux autres, l'arrière semble se foutre de l'avant. C'est le couvercle du coffre qui s'intègre mal à l'ensemble. Celui-ci ressemble à l'un de ces éléments de camouflage que les compagnies utilisent pour empêcher l'identification de la voiture lors du développement. Cette fois, on semble l'avoir oublié là avant de passer à la production. Autre problème d'intégration, les rétroviseurs et les poignées des portières ne semblent pas appartenir à la même voiture.

Commandes excentriques à part, l'habitacle est à la hauteur de la catégorie avec toutes les appliques en bois requises, des sièges confortables recouverts de cuir souple et une climatisation qui peut refroidir ou réchauffer tous les recoins. Denis Duquet.

À toi Jacques

Je partage tout à fait l'avis de Denis Duquet sur l'inutile complexité de la 745i. « Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? » a-t-on envie de répéter en s'installant au volant. Il y a, selon moi, des réflexes naturels que l'on ne peut changer, surtout quand on a atteint l'âge ou l'on a assez d'argent pour s'offrir cette BMW. Là ou je suis en désaccord avec mon collègue, c'est à propos du système de navigation que j'ai trouvé têtu comme une mule et qui n'a amené à destination en me faisant prendre 36 détours que l'expérience m'a appris à éviter.

Ces précisions étant faites, l'habitacle de la 745i est somptueux et la richesse des matériaux (bois, cuir et métal) tranche carrément avec les plastiques bon marché de la Porsche 911 essayée au cours de la même période. Même le simple vide-poches de la console centrale ressemble à un coffre à bijoux tellement sa finition est soignée. Et que dire des places arrière où l'on a vraiment l'impression de se retrouver dans un salon grâce à une banquette inclinable avec sièges chauffants, deux porte-verres, deux allume-cigarettes, quatre sorties d'air pour la climatisation et un grand espace de rangement aménagé dans l'accoudoir central. Dans un tel contexte, la version Li à empattement allongé paraît superflue.

Du sérieux

Contrairement aux stylistes et aux responsables de la gestion électronique de la 745, les ingénieurs avaient les pieds bien sur terre. Au plan technique, la voiture est certes très avant-gardiste mais les solutions mises de l'avant ne sont pas gênantes pour le conducteur. En plus d'un système de calage de soupapes (Double Vanos) qui permet d'optimiser le rendement à tous les régimes, le moteur V8 de 4,4 litres hérite d'un nouveau dispositif (Valvetronic) qui élimine les papillons des gaz. Une modulation continuellement variable de l'ouverture des soupapes d'admission est effectuée grâce à un levier activé par un moteur électrique placé entre l'arbre à cames et les soupapes d'admission. Ces fluctuations assurent, selon BMW, un meilleur mélange air-essence, un rendement supérieur et une réponse instantanée du moteur. Ce V8 est présentement le seul à proposer une telle technologie. Idem pour le système d'admission d'air continuellement variable dont la capacité change constamment en fonction du régime et de la charge du moteur.

Autre raffinement technique, les barres antiroulis sont à commande active. Elles permettent à la voiture de n'avoir pratiquement aucun roulis de caisse en virage. Ce mécanisme comprend deux demi-stabilisateurs et un moteur pivotant à commande hydraulique. En virage, ce moteur effectue une torsion giratoire contraire à chacun de ces deux stabilisateurs dont les forces s'annulent. Ce qui permet de stabiliser la voiture sur un plan transversal. Douceur et bien-être

En relisant mon carnet de notes sur la 745i, j'y retrouve des mots probablement encore jamais utilisés pour dépeindre le comportement d'une BMW : soyeux, feutré, satiné. La voiture est d'une telle douceur que l'on cherche de nouveaux superlatifs pour décrire l'impression de bien-être que l'on éprouve à la conduire. Son confort s'associe davantage à celui d'une limousine que d'une berline de luxe. Est-ce à dire que l'on doive faire son deuil de l'agrément de conduite qui a toujours été l'apanage des créations de la marque bavaroise ? Pas du tout si j'en juge par les performances du moteur, la qualité de la tenue de route, du freinage et de la direction.

Prenons le freinage dont la puissance est proche de celle d'une Porsche 911, une référence en la matière. Il suffit d'effleurer la pédale pour que cette grosse BM s'arrête sur des distances incroyablement courtes tout comme s'il s'agissait d'un petit roadster poids plume. Le moteur, quant à lui, s'exprime avec un minimum de bruit et un maximum de douceur. Ses 325 chevaux sont d'une belle éloquence mais les accélérations et les reprises seraient encore plus spectaculaires si la transmission automatique à 6 rapports était plus prompte à se mettre en action. Même en ayant recours aux petites touches du mode manuel placées sur et sous le volant, elle marque un temps de réponse qui est d'autant plus prononcé que l'accélérateur se fait hésitant à l'occasion. Curieusement, il lui arrive aussi de se montrer trop sensible et nul doute que ces réactions sont imputables aux caprices de l'électronique.

Tel que prévu, la suspension active pilotée par microprocesseur exerce un contrôle parfait du roulis et du tangage tout en mettant à profit son système d'assistance au conducteur pour corriger rapidement toute maladresse au volant. Avec ses jantes et ses pneus de 18 pouces, la 745 se prête à une conduite sportive qui permet de découvrir une petite tendance au sous-virage. Et comme toute BMW, la voiture bénéficie d'un châssis dont la rigidité exclut toute forme de bruit de caisse sur mauvaise route.

Si l'on revient à la case départ, toutes les qualités dynamiques de la nouvelle 745i doivent être remises en question en raison d'une complexité d'utilisation qui risque d'apeurer la clientèle. Chose certaine, la BMW 745i, plus que toute autre voiture, doit faire l'objet d'un essai routier approfondi avant l'achat sous peine de transformer le propriétaire le plus dévot en un blasphémateur éhonté.

Jacques Duval

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